Corruptions : LA FIN DU RACKET D’ÉTAT VA DOPER L’ÉCONOMIE
La corruption coûte 2 points de croissance à la Tunisie !


Transition démocratique et croissance économique ne font pas bon ménage, semblent penser les agences de notation. L’agence Moody’s a injustement dégradé la note de la dette souveraine tunisienne et «changé la perspective de stable à négative», en raison notamment du «récent changement inattendu de régime», tandis que les agences Fitch et Standard & Poor’s ont déclaré «envisager» l’abaissement de leur note.
El-Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine (France) et directeur du Groupement de recherche international du CNRS Dreem (Développement des recherches économiques euro-méditerranéennes), estime pourtant que la transition actuelle ne peut avoir qu’un impact positif sur les performances économiques de la Tunisie, à condition que les agences de notation ne sèment pas la panique et que la sécurité des personnes soit assurée.
«Appel d’air».
Alors que le gouvernement de transition a annoncé la saisie des biens du clan Ben Ali-Trabelsi, l’inquiétude entoure l’avenir des groupes étrangers présents en Tunisie. Inquiétude infondée selon El-Mouhoub Mouhoud : «Très peu de grands groupes sont présents en Tunisie. Hormis dans certains secteurs, dont le tourisme, ce sont surtout des PME qui sous-traitent ou possèdent des activités d’assemblage et de services, et moins des investissements directs à la recherche de marchés.» A l’inverse, la chute du clan va soulager les entreprises tunisiennes, «qui vont bénéficier d’un appel d’air considérable, récupérant à leur compte une partie de leur bénéfice auparavant ponctionnée par la mafia au pouvoir. La fin de ces prélèvements va leur permettre d’investir librement, de développer leurs opérations et de créer des emplois. La situation doit donc s’améliorer». D’autant que les sommes prélevées par le clan étaient investies dans des «placements oisifs (actifs financiers ou immobiliers en France, dans les pays du Golfe ou en Suisse), sans impact sur la croissance tunisienne ». Selon des rapports internationaux, la fin du système de corruption généralisée pourrait engendrer jusqu’à deux points de croissance supplémentaire par an. Un indicateur positif qui devrait être perçu favorablement par les investisseurs. El-Mouhoub Mouhoud pointe également les effets bénéfiques de «l’effervescence démocratique», qui «va décupler la motivation des Tunisiens, libérer l’initiative et déboucher sur la création d’entreprises».
Quid, dès lors, de l’attitude des agences de notation ?
«C’est ahurissant, juge l’universitaire. C’est un signal fondé sur l’observation d’une incertitude d’ordre politique, qui ne prend nullement en compte les fondements futurs de la croissance tunisienne. En encourageant un mouvement de panique sur la Tunisie, les agences de notation donnent quitus aux solutions autoritaires, au motif de l’ordre et de la stabilité.» Pour nombre d’observateurs, «les agences de notation, en dégradant la note tunisienne, montrent qu’elles font de la politique. La pire des politiques».
«Panique».
Hélas, le risque d’appréciation des taux d’intérêts est bien réel, qui mènerait à une dégradation des indicateurs macroéconomiques (balance commerciale, taux de change…), bons jusqu’ici. «Les effets de mimétisme et de panique peuvent gâcher les potentiels réels de la Tunisie», s’inquiète El-Mouhoub Mouhoud. Afin d’éviter un tel scénario, l’universitaire en appelle à la responsabilité des pays occidentaux : «Les autorités françaises et européennes doivent envoyer des signaux forts de soutien à la Tunisie, voire envisager des mesures concrètes, comme des prêts bonifiés, qui permettraient de contrebalancer les signaux négatifs des agences de notation.» Sous peine de manquer un nouveau rendez-vous avec le peuple tunisien.
LSC

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