Corruptions : UN GOUVERNEMENT AUTORITAIRE EST PLUS ENCLIN À LA CORRUPTION
Principales victimes, les populations les plus vulnérables


La corruption est un phénomène qui, au cours de ces dernières années, a pris des proportions inquiétantes. Si inquiétantes que des organisations gouvernementales et non gouvernementales se sont donné pour but de combattre ce phénomène sur le plan international, en développant pour chaque pays des stratégies spécifiques, adaptées aux formes et aux dimensions historiques que prend le phénomène au niveau local.
Le problème varie en effet beaucoup d’un pays à l’autre et au sein même d’un pays. Il change de visage selon l’organisme, l’institution, le niveau hiérarchique, la région. Chaque situation est spécifique

Ainsi, les scandales politico- financiers qui ont défrayé la chronique médiatique ces dernières années dans certains pays de l’hémisphère nord montrent que ces derniers ne sont pas mieux lotis que les pays en voie de développement. Ces derniers souffrent de la petite corruption administrative pratiquée au quotidien et à grande échelle. Il faut néanmoins souligner que la corruption dans les différentes régions du monde ne se réduit pas à ce qui est couramment rapporté. Si le phénomène est universel, les conséquences ne sont pas du même ordre ici et là. En particulier, lorsque les ressources sont limitées, la corruption constitue un fléau aux conséquences graves pour le développement économique, le respect des droits fondamentaux, la qualité de vie, la suprématie du droit, la crédibilité des institutions, ainsi que les aspirations à la démocratie. Les principales victimes en sont les populations les plus vulnérables, particulièrement celles dépourvues de moyens de se défendre. Bref, du fait de la mauvaise utilisation des ressources en général, la corruption constitue un gâchis de potentialités. Mais pour combattre ce phénomène, encore faut-il l’identifier au mieux, afin de produire des indicateurs qui permettent d’appréhender ses formes, ses manifestions et ses mécanismes.
La corruption favorise les investissements improductifs
Curieusement, nombreux sont ceux qui croient encore que la corruption peut aider à graisser les rouages d’une économie lente et sur régulée. Les faits démentent cette théorie. La corruption a un coût. Il est établi qu’elle favorise les investissements improductifs, accroît le coût des biens et services et conduit à un déclin de la qualité de tout service et de toute production sous contrôle public. Elle engendre de mauvais choix, encourage la compétition au niveau des pratiques de corruption plutôt qu’une saine concurrence en termes de qualité et de coût. Les sondages indiquent par ailleurs que lorsque la corruption devient endémique, elle alourdit les coûts des entreprises et handicape plus particulièrement les plus petites d’entre elles. Par-dessus tout, elle ralentit le développement économique et social, ce qui cause des dommages particulièrement importants dans les pays en voie de développement. La corruption détourne les richesses nationales au profit de quelques-uns, érode la base des ressources d’un pays et contribue à entretenir ainsi le cercle vicieux de la pauvreté. En privant les membres les plus vulnérables de la société des fruits du développement par le détournement des priorités sociales de base (sécurité alimentaire, santé, éducation...), elle les empêche de bénéficier de l’amélioration de la qualité de vie qui devrait résulter d’une répartition équitable des richesses. Elle gonfle artificiellement le prix des biens et des services pour une qualité moindre et impose ainsi aux plus pauvres de payer le prix de la corruption alors même qu’ils en sont les moins capables.
Pratiques discriminatoires, arbitraire et méthodes répressives
La corruption encourage des pratiques discriminatoires, menace les droits sociaux, économiques ou culturels les plus élémentaires, cultive l’arbitraire et, souvent, va de pair avec des méthodes répressives de gouvernement. Ainsi, dans de nombreux pays – l’Algérie en fait partie –, ceux qui ont le courage de relever le défi et qui luttent ouvertement contre la corruption courent des risques considérables et s’exposent à un réel danger. L’intégrité physique des personnes est menacée lorsqu’elle touche aux intérêts des bénéficiaires de la corruption. Cela est particulièrement vrai dans le contexte actuel où les liens entre le crime organisé et les circuits de la corruption se resserrent. Pour toutes ces raisons, on peut dire que la corruption porte atteinte au respect des droits de l’homme les plus fondamentaux. En l’absence de contre-pouvoirs efficaces et en raison des pouvoirs discrétionnaires dont il dispose, un gouvernement autoritaire est plus vulnérable à la corruption. Ainsi, un gouvernement corrompu, qui rejette les principes de transparence et de responsabilité, ne respecte généralement pas les droits de l’homme. La corruption érode les principes qui régissent l’État de droit, mine la légitimité des gouvernements ainsi que l’efficacité et la crédibilité des institutions publiques, rend la justice inopérante et crée un climat d’insécurité susceptible de porter atteinte à la stabilité politique de certains pays. Il ne faut pas perdre de vue que les décideurs, lorsqu’ils sont considérés comme corrompus, deviennent non seulement incapables de contrôler leurs subalternes, mais finissent par perdre toute autorité morale. Au bout du compte, la corruption peut être considérée comme un facteur d’instabilité qui menace la paix civile. D’aucuns soutiennent que le recours aux pots-de-vin peut accélérer la prestation de services fournis par une administration bureaucratisée. Des enquêtes menées dans certains pays révèlent le contraire. Dès qu’une personne est identifiée comme disposée à payer des pots-de-vin, il semble que les acteurs impliqués aux autres niveaux de sa démarche en sont alertés. Ainsi, cette personne va se retrouver (délibérément) retardée et soumise à des formes d’extorsion supplémentaires tout au long de son parcours, alors que ceux qui ont refusé de payer au premier niveau sont moins exposés.
La corruption mine les valeurs éthiques et culturelles
Par ailleurs, lorsqu’une «recette» pour obtenir des pots-de-vin fonctionne avec succès de manière répétée, elle tend à se banaliser et à s’institutionnaliser. Cela finit par rendre inopérante toute démarche basée sur la concurrence. A un autre niveau, la corruption mine les valeurs éthiques et culturelles d’une société et entretient un cercle vicieux : la société rendue passive face à la corruption n’est plus à même de réagir et de se défendre. Ainsi, la corruption, si elle n’est pas endiguée, se met à croître de manière exponentielle : c’est le cas en Algérie. Au-delà des aspects d’ordre moral, la corruption doit être contenue pour des raisons d’ordre tout à fait pratique. Face au défi de devoir maintenir et même améliorer son niveau de vie, aucun des pays cherchant à construire la démocratie ne peut se permettre les ravages de tous genres qui accompagnent la corruption. En particulier, dans des contextes d’États encore fragiles, certaines démocraties émergentes affrontent des risques politiques considérables si la corruption n’est pas jugulée, car celle-ci peut affaiblir sensiblement l’autorité et les capacités d’action de l’État, voire menacer la viabilité des institutions démocratiques. Il est en outre primordial de dénoncer les mythes qui ont bercé les tentatives de lutte contre la corruption, tels que celui qui réserve le concept de «bonne gouvernance» aux pays développés ou qui fait des pratiques de corruption des actes culturels.
Djilali Hadjadj

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