Chronique du jour : CE MONDE QUI BOUGE
France, haine raciale et conflits de classe


Par Hassane Zerrouky
A propos des révoltes sociales et des violences raciales et religieuses ayant émaillé le 19e siècle aux Etats-Unis, l’historien américain Howard Zinn explique dans son livre «Une histoire populaire des Etats-Unis» (Editions Agone), comment «la haine raciale devint un substitut idéal de la frustration de classe» et comment «la question religieuse» est venue également «se substituer au conflit de classe». Or, ça continue aujourd’hui sous Donald Trump comme ce fut le cas sous Barack Obama.
A un siècle et demi de distance, la France, pays le plus proche de l’Algérie en raison de l’histoire et d’une forte implantation humaine d’origine algérienne, se trouve-t-elle dans le même cas de figure ? Certes, les contextes et les situations historiques sont différents, mais l’affaire du jeune Théo Luhaka, victime d’une brutalité policière raciste - tabassé, traité de «bamboula» et de «négro» - donne à penser que la France risque de se trouver dans la même configuration socio-raciale que les Etats-Unis. Et ce, surtout que le tabassage du jeune Théo intervient après la mort non élucidée d’Adama Traoré en juillet dernier. Depuis les émeutes qui avaient embrasé les banlieues françaises en 2005, rien n’a vraiment changé : la fracture sociale s’est aggravée. Et la brutalité policière à caractère raciste dont a été victime le jeune Théo tombe en pleine période électorale (la présidentielle d’avril prochain a déjà commencé) qui, comme on le sait, est une période propice aux débordements de toutes sortes. La question des banlieues s’invite ainsi dans le débat politique électoral où la passion, l’émotion, la colère vont laisser peu de place à la raison.
Le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a beau accuser ceux qui «ont l'air de souhaiter des émeutes de banlieue pour pouvoir avoir une élection présidentielle qui se déroule sur fond de violence, d'excès de toute sorte» et affirmer à juste titre qu’«il y a une volonté de je ne sais qui de multiplier les provocations», il risque d’être peu entendu.
Pour l’extrême-droite et sa chef de file, Marine Le Pen, en tête des sondages pour l’élection présidentielle d’avril prochain, c’est tout bon. L’insécurité des banlieues, «les voyous (…) qui «cherchent chaque excuse possible pour déverser leur haine de la France», l’immigration, le cosmopolitisme et l’islam qui menaceraient une cohésion nationale réduite aux seuls Français dits de souche, sont autant de thèmes dans lesquels elle excelle. Ils lui permettent de souffler sans complexe sur les braises, d’adopter en outre une posture la dispensant de parler des vrais problèmes auxquels sont confrontés les jeunes des banlieues : le chômage, la discrimination à l’embauche, la paupérisation desdites banlieues, qui ont pour cause commune un libéralisme effréné aggravant le fossé entre les riches et les classes populaires. De cela donc, Marine Le Pen n’en parlera pas : dresser une partie de la population contre une autre «non européenne» est pour cette enfant de la bourgeoisie née dans la très riche banlieue de Neuilly-sur-Seine, un excellent substitut au conflit de classe.
Viva Mexico. En écho aux puissantes manifestations anti-Trump qui ont secoué les Etats-Unis, des dizaines de milliers de Mexicains sont sortis dans la rue de la capitale mexicaine et dans d’autres localités du pays pour crier leur colère contre les «idioties xénophobes, discriminatoires et fascistes» (dixit une manifestante) de Donald Trump mais aussi exiger du Président mexicain Pena Nieto plus de fermeté face à son homologue américain. Lequel persiste à vouloir construire un mur à la frontière séparant les USA et le Mexique, censé freiner l'immigration illégale, et le faire financer par l’Etat mexicain ! Toutefois, il devra compter avec une mobilisation citoyenne qui ne semble pas du tout faiblir.
Terminons sur cette information inquiétante concernant l’Algérie évoquée par le journaliste Kadi Ihsane, sur le rebond démographique algérien – 41 millions d’habitants en 2017 – qui va peser sur la sécurité alimentaire mais aussi sociale du pays. En effet, en l’absence d’une vraie politique nationale démographique, la religiosité salafiste relayée par certaines chaînes de télévision privées et sur les réseaux sociaux, qui encourage les femmes à procréer, n’est pas étrangère à ce rebond démographique.
Ce dernier est porteur à terme de risques sociopolitiques pour l’Algérie, pays qui n’a pas les moyens financiers pour satisfaire les besoins alimentaires et la demande sociale en matière d’emploi, de logement, d’éducation et de formation d’une population qui atteindra plus de 48 millions d’habitants en 2030, dans 13 ans, c’est-à-dire demain. Et ce, alors que le Maroc et la Tunisie poursuivent leur révolution démographique.
Un mot pour souhaiter un prompt rétablissement à Samira Mouaki, gravement blessée par un sniper de Daesh près de Mossoul.
H. Z.



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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2017/02/16/article.php?sid=209466&cid=8