Contribution : De quelques affaires criminelles hors normes
Réflexions sur le procès ministère public contre Chouaïb Oultache (1re partie)
Par Zineddine Sekfali
L’Histoire de certains pays est remplie de meurtres et d’assassinats,
dont les victimes sont dans la plupart des cas des personnalités de haut
rang ayant exercé des emplois supérieurs au sein de l’Etat, ou des
fonctions politiques ou des mandats électifs nationaux. Ces crimes de
sang, souvent commis dans des conditions dramatiques, ont en point
commun d’avoir provoqué, en leur temps, de profondes ondes de choc à
travers les pays concernés et suscité, au-delà d’un sentiment
d’inquiétude, des réactions de réprobation quasi générale et des
questionnements souvent restés sans réponses satisfaisantes. C’est en
cela qu’elles sont des affaires criminelles exceptionnelles et hors
normes.
En Algérie, de telles affaires, il s’en est, hélas, produit d’avril 1963
à février 2010 au moins une douzaine, ce qui est déjà en soi quelque
chose d’exceptionnel.
Les 12 affaires hors normes.
Brefs rappels
Classées ci-après par ordre chronologique, on constate que cinq affaires
ont eu lieu entre 1963 et 1987, que six se sont produites durant la
décennie noire, précisément entre 1992 et 1997, et que la dernière
affaire criminelle d’envergure a eu lieu après une période de répit de
plus de dix ans.
1- La première affaire est celle de l’assassinat de Mohamed Khemisti,
ministre des Affaires étrangères, agressé le 25 avril 1963 à l’aide
d’une arme à feu par un individu, alors qu’il sortait de l’Assemblée
nationale. La victime a succombé à ses blessures, le 4 mai 1963, à
l’hôpital. L’agresseur du ministre, un journaliste du quotidien Le
Peuple, nommé Mohamed Zenadi, fut arrêté sur place. Traduit en justice,
il a été condamné à mort par le Tribunal criminel populaire d’Alger.
Cette affaire, presque oubliée aujourd’hui, avait provoqué à l’époque un
choc violent dans l’opinion publique nationale. En effet, les Algériens,
encore tout occupés à célébrer la paix rétablie et l’indépendance
recouvrée, découvraient subitement que l’insécurité perdurait et que la
stabilité du pays restait aléatoire. Quelques mois après, la peine de
mort fut commuée en réclusion criminelle à perpétuité. Au plus haut
niveau de l’Etat, on avait laissé entendre que ce crime procédait d’un
dépit amoureux. L’épouse du défunt, moudjahida et députée, n’a cependant
jamais cessé de contester cette version des faits. D’autres rumeurs plus
folles les unes que les autres ont de nouveau circulé, lorsque le
condamné a été trouvé pendu dans sa cellule à la prison de Sarkadji, au
lendemain du 19 juin 1965 !
2- Le 3 janvier 1967, à Madrid (Espagne), fut assassiné Mohamed Khider,
à l’aide d’une arme à feu. Ancien membre de l’Etoile nord-africaine, du
PPA, du MTLD, ce militant exalté de la cause nationale et homme
politique avisé fut notamment ministre d’Etat du GPRA et à
l’Indépendance, député, secrétaire général et trésorier du FLN. Il a été
tué alors qu’il prenait place ou descendait de son véhicule automobile,
garé devant son lieu de résidence, à Madrid, où il s’était réfugié,
après être passé dans l’opposition contre le régime en place. L’auteur
de l’assassinat n’a jamais été formellement identifié. Il semblerait que
la justice espagnole ait décidé de classer l’affaire au motif que les
investigations entreprises n’ont pas abouti à déterminer avec certitude
l’identité de l’assassin.
Il convient de rappeler que le défunt Mohamed Khider avait annoncé en
août 1964 avoir mis les fonds du FLN, soit 50 millions de francs suisses
déposés à la Banque commerciale arabe (BCA) de Genève (Suisse), à la
disposition de certains partis d’opposition, notamment le FFS et le PRS.
Après plusieurs années de tractations entre les autorités algériennes et
les ayants droit du défunt, ces capitaux ont été transférés à la Banque
algérienne du commerce extérieur (Bace) dont le siège est à Genève.
3- Le 25 avril 1968 eut lieu une tentative d’assassinat avec arme à feu
contre le président Boumediène, alors président du Conseil de la
Révolution. Cela s’est passé au moment où il quittait, en voiture, le
Palais du gouvernement. Les auteurs postés en embuscade près de cet
édifice gouvernemental étaient pour la plupart des agents du Corps
national de sécurité (CNS). Un chauffeur du ministère de la Justice
devait assurer leur fuite, en utilisant un véhicule de service de ce
département ministériel. Deux agresseurs ont été abattus sur place par
la garde présidentielle et deux à trois autres individus, également
membres du commando, ont été rapidement arrêtés. Renvoyés devant la Cour
révolutionnaire siégeant à Oran, ils ont été condamnés à des peines à la
hauteur de la gravité de leurs actes. Cette tentative d’assassinat était
bien évidemment liée au putsch avorté du 14 décembre 1967, au cours
duquel des unités de l’ANP, lourdement armées, avaient marché sur Alger,
à partir de Médéa, d’El-Asnam (Chlef) et de la base militaire du Lido.
Le putsch s’est terminé dans un bain de sang et dans la débandade, aux
environs du pont de Bouroumi, sur la route d’El Affroun-Mouzaïa.
4- Le 18 octobre 1968, on découvrait dans une chambre d’hôtel à
Frankfort (Allemagne) le corps sans vie de Krim Belkacem, ancien colonel
de l’ALN, ancien membre du CEE, du CNRA, ancien vice-président du GPRA,
ancien ministre des Forces armées et signataire des Accords d’Evian. Il
avait pris le maquis en 1948 et fut condamné à mort à deux reprises par
les tribunaux militaires français. Passé dans l’opposition en 1965, il
avait créé avec ses amis un parti politique, le MDRA, qui activa dans la
clandestinité. Les actions menées par les militants et activistes de ce
mouvement lui ont valu des poursuites pénales et une condamnation à mort
par contumace. Selon certains amis étrangers du défunt, mis au courant
par la police allemande de Frankfort qui a procédé à une enquête sur son
assassinat, la victime aurait été anesthésiée puis tuée par
strangulation. Krim Belkacem s’était rendu à Francfort la veille de son
assassinat, à la suite d’une communication téléphonique qu’il avait
reçue à Genève, selon ces mêmes témoins. Les criminels n’ont jamais été
formellement identifiés. On ignore à ce jour si une instruction
judiciaire a été ouverte par les autorités allemandes compétentes et,
dans l’affirmative, quelle suite lui a-t-elle été réservée. Les restes
de la dépouille mortelle de Krim Belkacem ont été transférés en Algérie
en 1984.
5- Le 7 avril 1987 eut lieu à Paris l’assassinat par balle de l’avocat
Ali Mecili, ancien membre du Malg puis de la SM. La victime était membre
du FFS, parti politique alors interdit. Le 10 avril 1987, la justice
française a ouvert une information pour homicide volontaire. La
procédure a été clôturée 27 ans après, par un non-lieu. Entre-temps, le
dossier avait connu de multiples péripéties, parmi lesquelles il
convient de citer : l’expulsion en urgence de France vers l’Algérie d’un
Algérien suspecté d’avoir trempé dans l’homicide en question,
l’interpellation d’un diplomate algérien à son arrivée à Marseille et sa
mise sous mandat de dépôt durant quelques jours. Le dossier changea de
mains à plusieurs reprises ; pas moins en effet de quatre juges
d’instruction français s’en sont occupés. Cette affaire a sérieusement
affecté les relations algéro-françaises, et un pic de tension a été
enregistré à la suite de l’interpellation du diplomate algérien et de
son placement sous mandat de dépôt, du cafouillage qui s’est produit au
sujet de son identité, mais aussi suite aux déclarations intempestives
et embrouillées faites à propos de cette affaire par d’ex-officiers
algériens du renseignement, transfuges refugiés à l’étranger. De guerre
lasse, la procédure a été clôturée par une ordonnance de non-lieu prise
le 17 novembre 2014, confirmée en appel le 10 septembre 2015 par la
Chambre d’accusation de la Cour de Paris.
6- Le 29 juin 1992, le président Boudiaf fut assassiné sous les caméras
de l’ENTV, alors qu’il prononçait un discours devant des cadres, à
Annaba. Lembarek Boumaarafi, l’auteur des tirs mortels, était un jeune
officier de l’ANP, membre d’une unité en charge de la protection
rapprochée du Président. Il a été arrêté par la police dans un immeuble
d’habitation situé à proximité du lieu de l’attentat.
Il a été jugé et condamné à mort le 4 juin 1995 par le Tribunal criminel
d’Alger. On ignore si le condamné s’est pourvu en cassation ou s’il a
bénéficié d’une grâce. En fait, un lourd silence, troublé cependant de
temps à autre par les déclarations de certains membres de la famille du
défunt, est tombé sur cette affaire.
7- Le 13 février 1993, à El-Biar, dans la matinée, un fourgon piégé
explosait au passage du véhicule automobile transportant le général
Khaled Nezzar, alors ministre de la Défense et membre du HCE. Cette
tentative d’assassinat n’a fait aucune victime. Il semble depuis cette
date qu’aucune information n’a été rendue publique au sujet de cette
tentative d’assassinat qui, si elle avait réussi, aurait probablement
plongé l’Algérie dans des troubles sanglants encore plus graves que ceux
qu’elle avait connus jusque-là.
8- Le 21 août 1993, vers 19h, à Bordj El- Bahri (Alger), le véhicule
transportant Abdallah Khalef, plus connu sous le pseudonyme de Kasdi
Merbah, fut pris sous un feu nourri d’armes automatiques. Kasdi Merbah y
perdait la vie, en même temps que son fils, son frère, son chauffeur et
son garde du corps, qui étaient en sa compagnie, dans le même véhicule.
Rappelons que Kasdi Merbah a été durant la guerre de libération un
membre important du Malg. Il fut pendant plus de quinze ans le chef
incontesté de la Sécurité militaire (SM). Il a exercé à partir de 1979
plusieurs fonctions ministérielles et fut chef du gouvernement d’octobre
1988 à septembre 1989. Après l’instauration du multipartisme en 1989, il
créa un parti politique, le Majd. Le dénommé Hassan Hattab, ancien chef
régional du GIA auquel on a imputé l’embuscade sanglante du 21 août
1993, aurait réfuté les accusations portées contre lui. On dit que ce
redoutable ancien terroriste aurait bénéficié des dispositions relatives
à la réconciliation nationale, et serait depuis lors assigné à
résidence.
9- Le 28 septembre 1995, alors qu’il se rendait à une réunion des
anciens de la Fédération de France du FLN, dont il a été durant la
guerre de libération un cadre dirigeant, Aboubaker Belkaïd fut tué de
plusieurs coups de feu, à proximité du square Port Saïd, au centre
d’Alger.
La victime a exercé entre 1984 et 1992 plusieurs fonctions
ministérielles dont celle de ministre de l’Intérieur et participé en
tant qu’ancien militant du PRS aux démarches entreprises auprès de
Mohamed Boudiaf, pour le convaincre de rentrer en Algérie, alors au bord
de la guerre civile. On ne sait quasiment rien de précis sur les
circonstances de son assassinat ni sur l’identité des agresseurs.
10- Le 4 mai 1996 était assassiné à Oued Smar (Alger) Mohamed Hardi,
ancien cadre du ministère de l’Industrie, ancien secrétaire général du
ministère de l’Information et de la Culture, puis consultant
international et enfin ministre de l’Intérieur de 1992 à 1993. Il a été
agressé dans une marbrerie située dans la zone industrielle d’Oued Smar.
Il s’y était rendu à titre privé pour une commande de plaques de marbre,
destinées à son logement. Il y a peu d’informations sur cette agression,
sinon qu’il y a eu guet-apens.
11- Le 28 janvier 1997, alors qu’il quittait le siège de l’UGTA, place
du 1er-Mai, vers 13h30, Abdelhak Benhamouda, secrétaire général de l’UGTA,
était agressé par un groupe de trois à quatre individus armés, qui ont
tiré sur lui plusieurs coups de feu à l’aide d’une kalachnikov
notamment. On dit que la victime de l’agression a eu le temps de
dégainer son arme et de tirer sur un de ses agresseurs qui aurait été
blessé. On dit aussi qu’Abdelhak. Benhamouda avait, avant de rendre
l’âme, prononcé ces mots : «On nous a trahis !» Et on ne cesse, depuis
lors, de gloser sur ces quatre mots... Ce qui est certain, c’est que
tous les tueurs sont parvenus, une fois leur forfait accompli, à prendre
la fuite et disparaître. Il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’Abdelhak
Benhamouda, syndicaliste convaincu et homme politique engagé, avait déjà
fait l’objet d’une tentative d’assassinat en décembre 1992. On sait
aussi qu’après la suspension des premières élections législatives
plurielles de décembre 1991, il avait initié la création d’une
association appelée «Conseil national pour la sauvegarde de l’Algérie»,
qui est devenue, après sa mort, la matrice du parti du Rassemblement
national démocratique ou RND.
12- La dernière affaire hors normes recensée est l’assassinat du colonel
Ali Tounsi, directeur général de la Sûreté nationale. Le crime a été
perpétré dans la matinée du 25 février 2010, au cœur de la DGSN, dans le
bureau même de la victime. Cette affaire criminelle a très vite pris la
dimension d’un troublant drame humain puis d’une confuse affaire d’Etat.
Un faisceau de circonstances malheureuses s’est en effet constitué
autour de cette affaire et de ses divers protagonistes. Il est de
notoriété publique qu’il régnait, au moment où le drame s’est noué, une
ambiance délétère au sein du milieu policier, ambiance faite d’intrigues
sourdes et d’inimitiés «confraternelles». Il flottait aussi de sérieux
soupçons de trafic d’influence et de corruption autour de certains
marchés d’acquisition de matériel informatique et électronique, conclus
par la Direction générale de la Sûreté nationale avec une entreprise
locale de commercialisation de matériel et appareils d’informatique.
Observations générales sur ces affaires
Ce qu’on retient à la lecture des indications ci-dessus données, c’est
que chacune de ces affaires possède, par rapport aux autres, sa propre
spécificité. Certaines ont connu, comme on dit, un épilogue judiciaire.
Mais les décisions judiciaires rendues ont été quasi systématiquement
contestées par les familles ou les proches des victimes. D’autres
affaires sont devenues, au fil du temps, des «cold cases», comme disent
les anglophones, c’est-à-dire littéralement «des affaires froides», ou,
en termes plus clairs, des affaires classées sans suite. Ces classements
sont, eux aussi, dans la plupart des cas contestés par les proches des
victimes ou leurs amis.
Des affaires politiques ?
Des crimes politiques ?
De plus, toutes ces affaires présentent, d’une manière ou d’une autre,
un aspect politique plus ou moins prononcé. Pour les unes, le caractère
politique est clairement reconnu et assumé. Des crimes ont en effet été
revendiqués par leurs auteurs ou les commanditaires de ceux-ci, en tant
qu’actes politiques. Dans d’autres cas, l’aspect politique est soit
suggéré, soit supposé, soit simplement soupçonné. Il y a enfin des cas
où l’aspect politique est nié ou dénié. D’où la nécessité, me
semble-t-il, de clarifier cette notion de crime politique. Pour les
juristes, il n’y a pas de crimes politiques stricto sensu, pour la
raison qu’il n’y a pas en droit d’infractions politiques stricto sensu.
En vérité, il n’y a pas plus de crimes politiques que de «crimes
passionnels» ou de «crimes d’honneur» ou encore de «crimes crapuleux».
C’est en vain qu’on chercherait dans notre code pénal l’expression
«crime politique». Les lois pénales ne définissent pas le crime par les
mobiles qui ont inspiré son auteur. Légalement et juridiquement, il n’y
a que des infractions de droit commun. Certes, il existe, dans notre
code pénal, un titre qui compte plus de 190 articles (de l’art. 61 à
l’art. 253 bis) intitulé «Crimes et délits contre la chose publique».
Dans cette partie très importante de notre CP sont répertoriées les
infractions contre la sûreté de l’Etat, la trahison, l’espionnage, les
atteintes à la défense nationale, les atteintes à l’économie, les
atteintes à l’intégrité du territoire, les complots, le terrorisme et la
subversion, la participation à un mouvement insurrectionnel, les
attroupements, les infractions électorales, les attentats à la liberté,
etc. Ces infractions contre la chose publique ne sont pas pour autant
des infractions à caractère politique. Ainsi en est-il
incontestablement, par exemple, des infractions électorales.
En effet, bien que l’acte de voter soit par définition un acte
politique, les fraudes électorales, le recours à la chkara pour figurer
en bonne place sur la liste des bienheureux futurs élus ou la
distribution généreuse de la tchipa aux électeurs pour acheter leurs
voix ne sont pas considérés comme des infractions politiques, mais comme
des crimes et délits de droit commun (cf. art. 102 et suivants du CP),
et c’est sans doute beaucoup mieux ainsi du point de vue de la morale et
de l’éthique.
Il en est ainsi également des actes arbitraires ou attentatoires à la
liberté individuelle ou aux droits civiques des citoyens, commis par des
fonctionnaires : ce sont, au regard de la loi, des crimes et délits de
droit commun (cf. les articles 107 et suivants du CP). Dans Pratique
criminelle des cours et tribunaux(1), qui est un ouvrage de référence,
régulièrement mis à jour et complété depuis des années par d’éminents
juristes spécialistes du droit pénal et de la procédure pénale,
Faustin-Hélie a très justement observé ceci : «...Les crimes de droit
commun ne cessent pas d’être tels parce qu’ils s’inspirent de motifs
politiques... Il importe peu que l’assassin ait obéi à la vengeance, à
la cupidité ou au fanatisme politique : son action n’est pas moins un
assassinat.»
En termes plus simples, les motivations politiques de tel ou tel
criminel, même si elles existent réellement, ne changent en rien à la
nature du crime commis et ne sauraient normalement influer sur le
quantum de la peine prévue par la loi. Chez nous, c’est dans les
dispositions du Code de procédure pénale relatives à l’extradition,
qu’il est paradoxalement fait référence à l’existence d’infractions «à
caractère politique» ! Il est en effet stipulé dans l’alinéa 2 de
l’article 698 du CPP : «L’extradition n’est pas accordée (par l’Algérie
à un pays étranger) dans les cas ci-après : ‘’Lorsque le crime ou délit
(reproché à l’étranger dont l’extradition est demandée) a un caractère
politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est
demandée dans un but politique’’.» Autrement dit, s’il n’est pas permis
de qualifier de politique une infraction commise en Algérie ou ailleurs
par un Algérien, l’article 698 du CPP permet à nos juges, s’agissant
d’un délinquant étranger dont l’extradition est requise par un pays
étranger, de dire que cette infraction est politique et en conséquence
de refuser d’accorder son extradition.
Ce n’est pas là l’un des plus surprenants paradoxes de notre procédure
pénale ! Les affaires exceptionnelles dont on parle ici ont aussi en
commun d’être entourées et enveloppées d’un halo de mystère et
estampillées, presque toutes, du sceau «top secret». Or, la pratique
démontre depuis longtemps, chez nous comme partout ailleurs, que
l’opacité et le secret qui entourent les dossiers de justice en général
et ce type d’affaires en particulier sont plus nocifs et dangereux que
la transparence et la communication. Il est fréquent que les affaires
jugées «top secret/confidentiel» constituent de véritables bouillons de
culture dans lesquels se nourrissent les plus folles rumeurs et les
médisances les plus outrancières. C’est aussi dans ce genre d’affaires
que se produisent des fuites.
C’est en outre à l’occasion de ces affaires que sont lancées des
tentatives de créer «des affaires dans l’affaire», à des fins de
diversion, pour brouiller les pistes, camoufler la vérité et garantir
l’impunité aux criminels et à leurs éventuels commanditaires. Remarquons
enfin que chacun des douze dossiers, inventoriés ci-haut, pourrait
fournir le sujet ou la matière, si on y réfléchit un tant soit peu à
l’élaboration de captivants romans policiers. Les producteurs,
réalisateurs et scénaristes y trouveraient eux aussi sans doute les
thèmes, intrigues et personnages qu’il faut pour réaliser de bons films
de long métrage. Mais pour cela, il faudra commencer par renverser pas
mal de tabous et vaincre les obstacles et blocages dans lesquels excelle
la bureaucratie culturelle.
Z. S.
(À suivre)
(1) Traité de pratique criminelle des cours et tribunaux, de Faustin
Hélie.
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