Actualités : INDUSTRIE AUTOMOBILE
Vers une redistribution des cartes
Il aura fallu un changement de gouvernement pour que
les appréhensions de la presse et les inquiétudes différemment exprimées
par l’opinion publique sur la pertinence de l’option de l’industrie
automobile en Algérie soient enfin prises en compte par l’exécutif.
Et c’est le nouveau ministre de l’Industrie, Bedda Mahjoub qui, en
l’espace de 48 heures, a tiré par deux fois la sonnette d’alarme sur la
situation actuelle d’un secteur qui suscite à la fois de l’intérêt et
des interrogations.
Sans prendre de gants, il dénonce en effet une stratégie qui est loin de
répondre aux attentes des uns et des autres. Pour lui, «la première
évaluation faite par mon secteur concernant la construction automobile
fait ressortir que nous sommes loin des objectifs tracés. Telle qu’elle
est conçue, cette démarche s’est révélée de l’importation déguisée». Pas
moins.
Poussant encore plus loin son analyse, il dira que les projets initiés
n’auront pas, en définitive, proposé une alternative acceptable à
l’explosion de la facture des importations de véhicules relevée les
années précédentes. Il évoquera trois aspects qui renseigneraient, selon
lui, sur le fiasco de cette stratégie, les prix qui demeurent
«inaccessibles» en dépit des facilitations, des avantages fiscaux et
parafiscaux et de l’exonération des taxes consentis par l’Etat au profit
des investisseurs, le «manque à gagner pour le Trésor public» et aussi
le «peu d’impact en matière de création d’emplois».
Le ministre et avant lui le Premier ministre ont insisté sur la
nécessité de stopper «l’hémorragie» et de revoir en profondeur les
grandes lignes de la démarche du gouvernement.
On annonce, d’ores et déjà, que le cahier des charges sera reconsidéré
et verra sans doute le niveau d’exigence de la part des pouvoirs publics
revu à la hausse.
Il est, en effet, important de signaler que la formulation juridique du
document actuellement en vigueur, notamment dans ses articles relatifs
au taux d’intégration, laisse la porte ouverte à toutes les dérives
comme celles qu’on a vécues avec le scandale des véhicules importés
presque en l’état alors qu’il sont censés avoir été assemblés dans les
immenses installations mises gracieusement à la disposition de certains
concessionnaires. Le texte en question stipule que l’investisseur n’est
tenu par l’obligation de l’intégration locale qu’à la fin de la
troisième année et pour un taux juste de 15% largement couvert par les
investissements locaux, les charges de fonctionnement, les emplois
créés, les achats locaux, etc. Il pourra ainsi continuer à importer des
véhicules à sa guise et en toute légalité jusqu’à 3 ans au moins. Une
erreur d’appréciation de la part du gouvernement qui aura coûté très
cher au Trésor public.
D’autant que l’attente légitime et attendue d’une baisse des prix des
véhicules n’aura été au final qu’une vue de l’esprit, voire une gageure.
De mémoire d’Algérien, les prix de véhicules tant du neuf que de
l’occasion n’auront jamais connu une telle flambée.
Ce que ne dira pas, en revanche, le ministre de l’Industrie, c’est que
la démarche de son prédécesseur ne semble, à l’évidence, nullement
répondre à un souci de réorganisation du secteur de l’automobile sur la
base de fondements économiques mais plutôt une redistribution des
marques en Algérie en les attribuant à de nouveaux acteurs avec des
avantages réglementaires et financiers exceptionnels. Une initiative qui
s’est accompagnée de dégâts collatéraux énormes à travers la perte de
milliers d’emplois et la mise sous le paillasson des clefs de plusieurs
entreprises.
Pour l’avenir immédiat, le nouveau responsable du secteur précise qu’«il
ne s’agit pas de s’attaquer à certains ou geler l’activité mais nous
devons revoir son fonctionnement car nous sommes convaincus de
l’importance stratégique de ce secteur dans le développement d’un pays».
Il avancera comme priorité d’«encourager et de promouvoir la
sous-traitance avec la création de dizaines de start-ups». Une option
plus raisonnable et à même de préparer une véritable industrie
automobile en Algérie.
De son côté, l’Association des constructeurs et des concessionnaires
automobiles en Algérie (AC2A) réagit aux déclarations des responsables
du gouvernement en «confirmant son support le plus actif aux
orientations de développement structurel de l’industrie automobile en
Algérie qui ne pourra s’ancrer durablement que par la densification d’un
véritable réseau de sous-traitance industrielle accompagné d’un
transfert de technologie et d’une politique de formation continue».
Son président, Sefiane Hasnaoui, rappelle, dans un communiqué, que
«l’AC2A a toujours souligné que le développement industriel de la pièce
de rechange et des composants automobiles est une étape prioritaire dans
le développement de l’industrie automobile (…) L’implication des PME et
PMI est une approche nécessaire pour s’assurer un succès durable».
B. Bellil
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