Actualités : «DIALOGUE STRATÉGIQUE» ENTRE ALGER ET PARIS
Les non-dits d’une rencontre
Très peu d’informations ont filtré de la rencontre
qui s’est déroulée dimanche dernier entre Algériens et Français réunis
dans le cadre de la troisième session du dialogue stratégique. Les deux
parties se sont limitées à évoquer la nécessité d’agir pour faire face
aux problèmes sécuritaires dans la région sans en dire plus sur les
lourds sous-entendus soulevés un peu plus tôt dans la matinée à
l’ouverture de la quatrième session du Comefa.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Ces entretiens revêtaient un
caractère particulier pour les Français. Ce sont eux, avons-nous appris
de bonne source il y a quelques jours, qui ont d’ailleurs insisté pour
que ce «dialogue» se déroule en parallèle des travaux de la Commission
mixte économique.
Un ajout important et sans doute significatif car ceux-là mêmes qui
s’étaient opposés au programme initialement préparé par la partie
algérienne, laquelle souhaitait que les bilatérales politiques aient le
jour de la réunion du Comefa, venaient de se raviser. La raison semble
avoir été clairement expliquée par Jean-Yves Le Drian. «De graves
problèmes de sécurité se posent, l’extrémisme violent, appellent des
ripostes (...) c’est ma priorité», affirmait ce dernier à l’ouverture du
Comité économique ouvert par la partie algérienne qui évoquait alors la
faiblesse des «investissements français».
De hauts responsables chargés de la sécurité sont présents parmi la
délégation qui l’accompagne. Ils rencontreront leurs homologues
algériens dès le retrait des deux chefs de la diplomatie des travaux de
la session du Comefa. Dans une salle fermée et interdite à la presse,
Messahel, Le Drian et les responsables de la sécurité des deux pays
respectifs discutent. Ils ne retrouveront Youcef Yousfi et Bruno Le
Maire, respectivement ministre de l’Industrie et des Mines et ministre
de l’Economie et des Finances qu’à la signature des fameux accords pour
l’installation de l’usine Peugeot et des autres contrats (Shneider Elec
El-Djazaïr et Agromed).
Face à la presse, les deux ministres des Affaires étrangères résument
les sujets abordés durant le dialogue stratégique. On évoque l’examen
«des questions liées à la lutte antiterroriste, l’extrémise violent, son
financement, ses connexions avec le crime organisé transfrontalier et le
phénomène de la l’immigration». Le Drian explique une nouvelle fois que
sa préoccupation est liée à la sécurité «sans laquelle il ne peut y
avoir de prospérité». Quelques minutes auparavant, Abdelkader Messahel
faisait savoir que le Maghreb figurait parmi les sujets débattus avec
son homologue. Certaines sources font savoir que le dossier du Sahara
occidental prédominait dans ce contexte.
Engagée publiquement au côté du roi Mohammed VI qui veut faire prévaloir
la marocanité du Sahara, la France offre durant cette rencontre son côté
défenseur des droits de l’Homme et se prononce en faveur de la stabilité
de la région. Des notions vagues qui n’impliquent en rien une évolution
de position. Dans le lot des questions abordées figure celle des
terroristes affiliés à Daesh ayant combattu en Irak ou en Syrie de
retour dans leur pays d’origine. Alger et Paris ont ainsi convenu de
renforcer leur coopération en matière d’échange d’informations et d’axer
leurs efforts sur la récolte de données susceptibles de détecter les
mouvements de ces terroristes.
Et puis il y a bien sûr les dossiers sensibles du Mali et de la Libye au
sujet desquels les deux Etats s’accordent sur les «principes» mais
divergent sur la stratégie à suivre.
La France est, en effet, engagée dans une opération visant à la mise en
place d’une force militaire africaine apellée à se battre hors
frontières contre les groupes terroristes, stratéfie à laquelle s’oppose
l’Algérie fidèle à son principe de non-ingérence et de respect
territorial. Pleinement concernée par les problèmes en cours au Sahel,
l’Algérie est jusque-là restée en retrait de toutes les réunions
africaines qui se sont tenues avec la France pour la mise en place
d’opérations militaires dans la région, préférant se cantonner dans son
rôle de «partenaire à l’écoute» dans lequel elle a été malgré elle
reléguée. «Toutes les pressions et les tentatives de l’impliquer dans
des actions contraires à ses principes ont échoué», confient des
connaisseurs. De ce qui s’est dit sur le sujet, rien n’a filtré.
Le Drian a seulement eu cette phrase que seul le temps permettra de
décoder : «Nous avons beaucoup avancé.»
A. C.
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