Chronique du jour : LES CHOSES DE LA VIE
Macron 1, «l’Uber-man»


Par Maâmar Farah
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Le Président français qui a fait, hier mercredi, une escale de quelques heures à Alger, est un cas d’espèce. Véritable O.P.N.I (Objet Politique Non Identifié), inconnu dans le monde politique international, il y  a quelques années, il est propulsé au-devant de la scène par une élection où il se présenta… sans parti ! Se déclarant n’être ni de gauche, ni de droite, il réussit à faire dérailler tout l’ancien système politique français ! Ce qui sort de cette véritable «révolution» est un paysage asséché, terres brûlées d’un côté comme de l’autre, une France abasourdie, ne comprenant pas ce qui lui est arrivé !
La grande prouesse de Macron, absolument inimaginable, est d’avoir effacé d’un coup tout le potentiel idéologique et politique qui irriguait une vie institutionnelle basée sur un certain équilibre. Mais la disparition des schémas anciens est-elle seulement due au «génie» de ce jeune homme entré presque par effraction dans la politique ? Je ne le pense pas. Si Macron a pu rafler la mise, c’est que les autres joueurs lui ont drôlement facilité la tâche. Depuis le départ de Chirac, la Gauche ressemble à la Droite et la Droite, parfois coincée devant la montée des périls, a joué le rôle de la Gauche ! Ainsi s’amenuisaient progressivement les différences entre les partis de la majorité telle qu’elle existe depuis la naissance de la cinquième République. Cette lente défiguration est le résultat d’une grave perte de souveraineté qui impose aux pays de la nouvelle Europe des politiques qui sont foncièrement de droite. Les gouvernements perdent leurs prérogatives et deviennent peu à peu les instruments d’une politique dictée par Bruxelles, politique au service des grands groupes financiers et des multinationales. La rentabilité devient le seul critère en vigueur dans une Europe défigurée car uniformisée, coincée dans les habits étroits d’un système antisocial, prédateur, entièrement tourné vers le profit. Plus que les autres, la France y perd son âme car son système de protection sociale est unique. Fruits des luttes séculaires de la classe ouvrière sous la direction de leaders au retentissement international, toutes les conquêtes sociales se voient menacées par un alignement sans concession sur le modèle imposé par l’Union européenne.
C’est à Sarkozy que l’on doit cette mise à niveau suicidaire. Les résultats sont catastrophiques pour l’ouvrier et la ménagère, déprimants pour les commerçants, les agriculteurs, les artisans et désespérants pour les jeunes. L’arrivée du socialiste Hollande n’arrangea pas les choses dans la mesure où il abandonna purement et simplement le socialisme pour lequel il fut choisi au nom d’un douteux réalisme qui n’est en réalité qu’une suite sans fin de renoncements aux fondamentaux d’un parti décoloré, sans âme ni esprit combattif, prêt déjà à subir les pires humiliations dans les futurs scrutins électoraux.
C’est cette France fatiguée, sans jus, désabusée par le jeu puéril des partis classiques l’abandonnant à son sort, qui choisit celui qui s’est éloigné le plus du champ idéologique et propose une alternative au bicéphalisme traditionnel de la vie politique. C’est comme si les Français s’en remettaient désormais à la jeunesse et à l’innovation dans une espèce de revanche sur ceux qui les ont trahis. Mais, ce faisant, ils ne semblent pas avoir fait le meilleur choix puisque Macron n’est pas non plus celui qui répond le mieux à leurs attentes économiques et aspirations sociales.
Macron est la synthèse des droites modernes, — déifiant les finances et le profit — et d’une certaine social-démocratie aux ambitions sociales limitées. Il est aussi le produit des révolutions numériques en cours avec leur immense progrès technologique mais aussi leur côté déshumanisant où le virtuel l’emporte souvent sur le réel. C’est l’homme de son temps et son élection n’est basée sur aucun programme clair, aucune mesure sociale concrète, hormis celle de la suppression ou réduction de la taxe d’habitation dont on ne mesure guère l’impact réel sur les bourses des ménages. Mais, s’il n’a pas brillé par le programme, c’est-à-dire par le fond, il faut reconnaître qu’il s’est imposé par la forme, ce style novateur, ce discours conceptualisé et argumenté, fruit d’une longue pratique du marketing et des méthodes de persuasion modernes. Les électeurs ont choisi une image aseptisée, polie dans du papier glacé, une étoile de la galaxie étincelante des peoples et non un homme politique. Cette «ubérisation» de la vie politique peut séduire un moment, notamment les plus jeunes, mais elle ne tient pas quand elle est confrontée aux dures réalités du terrain. Ainsi, le temps de grâce traditionnel, qui vient de se terminer pour Macron, a débouché sur un terrible désenchantement aux lendemains ravageurs sur les sondages. Les gens ne se nourrissent pas d’images virtuelles et de projections dans un futur édulcoré mais vivent difficilement le dur quotidien, les privations, l’absence de perspectives… La déception n’a d’égale que l’immense euphorie d’un certain dimanche d’élection. A ce moment-là, il n’y avait rien de clair mais l’émotion avait pris le dessus. Il n’y avait pas de programme ambitieux à appliquer, de mesures sociales phares, de grand projet économique ! Rien que des mots, de belles paroles calculées au millimètre près, vues et revues par les stratèges en communication et dulcifiées par les stylistes de la langue. Comme quoi, chassez la langue de bois, elle revient à la vitesse des octets et se découvre en dépit de son masque flavescent !
Sur le plan extérieur et malgré quelques maigres «réserves» dites sur le bout de la langue, Macron ne s’éloigne pas trop des positions habituelles de cette France atlantiste qui a renié les valeurs gaulliennes d’indépendance et d’équilibre dans les grands dossiers, comme celui du conflit israélo-arabe.
Mais l’intérêt du banquier primera toujours sur la saine vision des choses. Les riches pays qui continueront d’acheter les armes françaises ne seront jamais critiqués et rien ne viendra perturber les rapports «cordiaux» entre la France et l’Arabie Saoudite ou le Qatar. Quant au continent africain, le Macron qui est venu «embrouiller» la climatisation des salles universitaires du Burkina, a tout intérêt à tempérer ses paroles et à… s’acclimater avec les habits de son auguste poste en laissant les blagues de potache au vestiaire.
En définitive, je crois que le véritable examen sera de savoir comment Macron compte traiter la question palestinienne et s’il est capable de revenir aux positions gaulliennes mises à mal depuis le départ de Chirac. Ce qui semble difficile dans une France «sionisée» à l’extrême de par le poids, jamais atteint, des lobbies qui dominent médias, finances et industries. Nous parlons bien de sionisme et guère de
juifs ! L’amalgame étant vite fait par une certaine pensée totalitaire là-bas qui tire sur tout ce qui lui paraît «antisémite», nous le précisons à bon escient !
Et pour les relations
algéro-françaises, me diriez-vous ? Rien de spécial. Relations entre deux pays souverains. Seuls ceux que la France intéresse directement, parce qu’ils ont sa nationalité en double, y habitent ou pour lui demander protection ou je ne sais quoi encore, donnent une importance capitale à ces relations ; certains passent même leur temps à pleurnicher comme des enfants abandonnés. Nous sommes les descendants de Novembre qui a sorti la France coloniale de ce pays et dont les valeurs nous apprennent à respecter tous les peuples, y compris celui d’en face, héritier d’une longue histoire révolutionnaire qui a donné au monde cette société de liberté, d’égalité et de fraternité dont il appartient aux Français d’en protéger les fondements. Nous souhaitons à la France amie paix et progrès.
M. F.



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