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Rubrique A fonds perdus

La colère des «auto-entrepreneurs»

Y a-t-il une «gauche technologique» tapie dans les arcanes de Google et d’Amazon ? Oui, sans l’ombre d’un doute, si l’on croit Asher-Schapiro, journaliste au quotidien américain progressiste The Nation.(*) Pour nous en convaincre, elle nous fait part de l’action croissante des travailleurs du secteur – que l’on croyait robotisés à jamais – en vue d’obtenir «de meilleures conditions, un meilleur traitement et une meilleure rémunération dans le secteur en plein essor de la technologie». A l’en croire, pour les employés ou sous-traitants d’Uber, d’Apple, de Google et de Square (un système de paiement mobile), «un ouvrier est un ouvrier».
Dans ce qui s’apparente à un néo-syndicalisme, l’enjeu est l’organisation de ce que les entreprises du secteur considèrent non comme des employés ou des travailleurs, mais des «auto-entrepreneurs», corvéables à merci, hors de tout esprit de solidarité, en raison de leur atomisation.
La dispersion, le travail à domicile et d’autres formes d’isolement sont au cœur de la nouvelle équation syndicale.
Le chauffeur Uber se plaint d’une industrie qui, selon lui, semble conçue pour bloquer l'action collective : «Je ne rencontre jamais d'autres conducteurs.»
Pour beaucoup d’autres profils du secteur de l’économie numérique, «atomisés de manière frustrante», leur sort «ressemble à une servitude sous contrat».
«Le défi majeur pour le mouvement ouvrier des technologies en émergence est également aujourd'hui son principal atout : la définition du «travailleur en technologies» est tellement large qu’elle peut perdre plusieurs significations. 
«Travailler ‘’dans la technologie’’ pourrait signifier faire n'importe quoi : sur internet, avec des ordinateurs ou des smart-phones ou sur tout ce qui se branche sur un mur.»
Que les contours du secteur soient imprécis ne procure pas que des inconvénients, il offre l’opportunité de «beaucoup plus de recrues potentielles pour le mouvement syndical».
«Ceci est particulièrement important aujourd'hui car, quelque part, entre le scandale Cambridge Analytica, le plan secret de Google visant à créer un moteur de recherche censuré pour le gouvernement autoritaire chinois et la récente éviction d'Amazon dans le quartier de Queens à New York, la Silicon Valley a perdu son air d'invincibilité, ouvrant de nouvelles possibilités d’organisation sur le lieu de travail.»
Quelques exemples récents témoignent de cette fin d’impunité : en 2018, des travailleurs somaliens dans un entrepôt Amazon à Minneapolis ont forcé la société à se rendre à la table des négociations ; les employés de Microsoft ont présenté une pétition signée par 300 000 personnes pour protester contre le travail effectué par l'entreprise pour faciliter la détention des migrants ; un débrayage international massif a été enregistré chez Google, accompagné d'une liste de revendications agressives allant de la nomination d'un représentant des travailleurs au conseil d'administration à la refonte des protocoles relatifs au harcèlement sexuel.
2018 est alors considérée comme «l'année où les travailleurs techniques réalisaient qu'ils étaient des travailleurs».
Comme nombre de mouvements contemporains, le syndicat TWC – une organisation créée en 2014 par une amitié entre un ingénieur informaticien et un employé de cafétéria qui se sont engagés à forger une alternative à «l'idéologie californienne», ou encore «l'éthique ancienne de l'industrie de l'individualisme et de l'autonomie» — est dépourvu de structure ou de hiérarchies de leadership du syndicat traditionnel, avec des sections à Seattle, à New York et à Boston.
«Cette philosophie — selon laquelle les codeurs, les pilotes et les concierges peuvent être regroupés dans une action collective — est difficile à concilier avec les stéréotypes des libertaires Googlers qui gambadent devant Burning Man. Il est également difficile de passer à l'action pour les militants les plus engagés, habitués à des initiatives plus contenues.»
Pour Thom Hoffman, un chauffeur de longue date pour Uber et Lyft, un des organisateurs de covoiturage les plus en vue de la région de la Baie, «l'action collective, les syndicats, le renforcement du pouvoir des travailleurs, voilà ce qui empêche que des individus soient exploités».
Meredith Whittaker, experte de l'impact social de l'intelligence artificielle chez Google depuis plus de 10 ans, se trouve également être l’un des critiques les plus féroces et les plus actifs de Google, travaillant sans relâche pour créer une résistance interne au sein de la société.
Les deux activistes se rejoignent. Tandis que Hoffman déclare se battre pour payer le loyer et se payer une assurance maladie, Whittaker parle d’éthique et d’alliances : «L’année dernière, Whittaker a été l’un des nombreux employés de Google à faire pression sur la société pour qu’elle cesse de collaborer pour le programme de renseignement artificiel militaire du Pentagone, connu sous le nom de Project Maven. Ces manifestations sont de plus en plus courantes: en février, des travailleurs de Microsoft ont manifesté publiquement contre un contrat de 480 millions de dollars portant sur la fourniture de casques en réalité accentuée à l'armée américaine.»
Les chercheurs syndicaux soutiennent tous sentir des changements en cours dans le secteur : «Beaucoup sont allés dans ce domaine avec une vision du monde, et cela ne consistait pas à aider le Pentagone à construire des drones.»
«Le mouvement des travailleurs de la technologie est là pour rester», a déclaré Will Luckman, un organisateur du groupe de travail Tech Action des démocrates socialistes d'Amérique.
«La question aujourd’hui est : qu'est-ce qu'on va en faire ?»
A. B.

(*) Avi Asher-Schapiro, Move Fast And Build Solidarity, The Nation, 6 mars 2019
https://www.thenation.com/article/tech-workers-google-facebook-protest-dsa/

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