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L'APRÈS-VENDREDI Les restes de la bande sont-ils plus puissants que le Parrain ?

Par Maâmar Farah

Le mouvement du 22 février ferait-il du surplace ? On a la nette impression que la formidable mobilisation des premières semaines, qui s'est déroulée dans l'unité et la clarté des objectifs, cède le pas à un semblant de rituel hebdomadaire quelque peu banalisé. Suffit-il de poursuivre ces sorties de quelques heures chaque vendredi, pour créer les conditions d'un changement que l'on voudrait le plus profond possible ? Dès le départ du mouvement, nous faisions part de nos appréhensions de voir les marches s'éterniser sans représentation crédible, rappelant que cette durée et l'absence d'interlocuteurs représentatifs pourraient être mises à profit par les forces opposées pour se repositionner, se renforcer et ensuite casser la mobilisation citoyenne unitaire. Hélas, c'est ce scénario qui est en train de prendre son départ, comme un feu pouvant tout brûler... Mais rien n'est encore perdu. Pris au dépourvu par l'ampleur et la spontanéité du Hirak, le système était groggy le 22 février et les jours suivants. Au bord de l'asphyxie, risquant le KO, il ne survécut qu'en cédant par étapes aux exigences des citoyens. L'entrée en scène de l'armée a joué le rôle de catalyseur, notamment dans la décision cruciale de pousser Bouteflika vers la porte de sortie. Mais l'obstination des militaires à ne pas aller au-dela du 102, après avoir miroité l'utilisation des articles 7 et 8 pour éjecter les responsables décriés, a affecté le mouvement qui, dès cet instant, semble avoir perdu sa capacité à se renouveler. Comptait-il sur un soutien sans recul de l'ANP ? Et hormis l'armée, dispose-t-il d'autres moyens pour réaliser ses revendications ? Quant à la «grande muette», refuse-t-elle d'aller plus loin pour la simple raison de ne pas se mettre en porte-à-faux par rapport à la Constitution ou fait-elle d'autres calculs ? Depuis le début, le général-major Gaïd Salah s'est efforcé d'inscrire son action dans le seul cadre constitutionnel. Peut-on lui en vouloir quand on connaît l'aversion qu'a le monde pour les «coups d'Etat» ? Pour n'avoir pas pris les mêmes précautions, l'armée soudanaise est sommée par l'Union africaine de remettre le pouvoir aux civils dans moins de 60 jours. Et quand on sait le rôle majeur joué par l'Algérie à l'UA dans l'obligation faite aux Etats membres de refuser toute reconnaissance des régimes issus des coups d'Etat, on comprendra peut-être un peu mieux les réticences de Gaïd Salah. Et encore, il y a plus malin, plus dangereux et plus puissant que l'Union africaine, ces forces qui ont déjà exhibé leurs muscles dans des pays pas très lointains. La vigilance de l'ANP par rapport à cette question aura peut-être évité bien des complications extérieures dans cette phase cruciale du mouvement citoyen.
Ne bénéficiant pas de l'intervention réelle, puissante et directe de l'armée qui l'a pourtant si bien servi au départ, le Hirak est également en butte à une autre difficulté majeure qui risque de brouiller davantage les cartes. Il s'agit de la résurgence des sempiternelles divisions nourries par l’extrémisme identitaire ou religieux. Ce mouvement, fort justement par son unité, est ébranlé dans ses fondements par ces soudaines fissures qui le lézardent. Certains observateurs pensent que c'est l'ancien système qui tente de diviser pour régner, érigeant le régionalisme et les questions non consensuelles en moyens sûrs d'atteindre le cœur du Hirak. Cette implication se manifeste notamment dans les réseaux sociaux où l'on soupçonne également d'autres forces extérieures d'agir puissamment pour semer la zizanie. Ce sont notamment des forces identifiées comme étant proches des pouvoirs du Golfe arabe opposés à toute avancée réellement démocratique dans la région. Mais, heureusement, que sur le terrain, ces tentatives de division ne semblent pas avoir d'effet immédiat. Au contraire, l'accent est toujours mis sur l'unité du peuple et le rappel constant de la revendication première qui est celle du «départ de tous les symboles de l'ancien régime». D'ores et déjà, le sort de l’élection présidentielle semble joué : elle ne pourra pas avoir lieu à la date prévue et si elle est maintenue malgré tout, le risque d'un boycott généralisé reste réel. Sans compter les marches massives qui pourraient se dérouler le 4 juillet et perturber gravement le vote. Ne voulant pas de solutions extraconstitutionelles, le pouvoir réel ne risque-t-il pas d'y aller directement après le 4 juillet et dans des circonstances moins apaisées ? Par ailleurs, la chute des symboles de l'affairisme et de la corruption est une étape marquante du processus de déracinement de la «bande». Certains n'y voient qu'une diversion alors qu'il s'agit là d'un fait capital et historique même s'il faudra encore du temps pour libérer totalement la justice. Nous ne sortons pas d'un pouvoir dictatorial qui tuait les gens ou les parquait dans les goulags. C'était — c'est ? — un système autoritaire, vicieux, hypocrite et sa principale force est l'argent sale. En s'attaquant à ces affameurs du peuple, détourneurs de projets à coups de centaines de millions de dollars et pièces maîtresses de la fuite des capitaux, la justice — dirigée ou pas, là n'est pas la question ! — touche le cœur malfaisant du système. Reste que des mesures urgentes doivent être prises pour mettre fin à l'importation chaotique de tout et de rien, monopole de ces familles de mafiosi, qui portent tant de préjudices à notre économie ! La solution ? Nul ne la détient en dehors des forces armées. Sans représentation parlant en son nom et tapant quand il le faut sur la table, le mouvement du 22 février est totalement impuissant. Il est dans l'incapacité, à lui seul et avec les moyens utilisés jusque-là, de réaliser ses objectifs. Quant à cette prolongation sans fin, elle sert et servira le pouvoir qui semble ne plus être dérangé par les sorties colorées du vendredi. Seule donc l'armée peut encore donner le bon et dernier coup de pouce en débroussaillant la piste des articles 7 et 8 ou en sommant le Président intérimaire à démissionner tout en préparant sa succession par une personnalité faisant l'unanimité. L'ANP a pu détrôner Bouteflika sans s'impliquer dans un coup d'État. Elle peut le faire plus facilement pour n'importe quelle autre personnalité du pouvoir. Faut-il encore qu'elle veuille agir en ce sens ?
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P. S. : Cet article a été rédigé avant l'annonce des arrestations de l'après-midi.

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