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TÉMOIGNAGES POIGNANTS DE PROCHES DE PERSONNES CONTAMINÉES «Quand le virus a frappé...»

«Je scrute sans cesse mon téléphone dans l’espoir de voir son numéro s’afficher encore une fois, rien qu’une seule fois. Il me manque énormément, je me sens tomber dans le vide, le corps en feu, je fais les cents pas dans sa chambre, je cherche dans ses draps, je le cherche sachant pertinemment que je ne le trouverai pas, que je ne le verrai plus. Son dernier verre d’eau est là sur la table de nuit, j’interdis à quiconque de le toucher, il porte encore la trace de ses lèvres. Mon père a bu sa dernière gorgée d’eau ici avant d’être évacué à l’hôpital et de succomber.»
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Les yeux de Celya ont trop pleuré pour se permettre de verser de nouvelles larmes, la fille adorée de Si Moh tremble de tout son corps depuis la sinistre nouvelle. Si Moh a été emporté à 70 ans par le maudit virus sans même savoir qu’il en avait été atteint. Une immense fatigue, une fièvre subite, une grosse toux, des sueurs, convulsions, évacuation à l’hôpital où un test PCR se révèle négatif, désaturation, puis le cœur lâche, un vendredi après-midi, le temps que met Celya à rentrer se reposer un moment d’une longue attente devant la porte de l’hôpital. La nouvelle la surprend avant même qu’elle ne rentre, un frère resté sur place lui demande de rester à la maison, «il n’y a plus rien à faire, il est parti». Les médecins confirment, cette fois, sa contamination au Covid. Nouveau choc. Celya est inconsciente, à son réveil, elle apprend qu’elle aussi est contaminée, son frère (obèse) est hospitalisé. La vie de la petite famille de Si Moh a basculé en moins d’une semaine.
Le témoignage de la concernée est recueilli à la sortie d’un laboratoire d’analyses situé sur les hauteurs d’Alger. Le parent qui accompagne la jeune femme se dit immunisé, il sort d’une longue période de maladie due également au virus. La veillée du troisième jour du défunt ayant été annulée, c’est lui qui se charge de distribuer en nature les éléments qui devaient servir à cuisiner le repas funéraire.
Près de ce laboratoire, comme partout ailleurs dans les centres hospitaliers ou toute structure médicale, la vie n’est plus ce qu’elle était il y a un mois. Pour éviter au maximum le contact, les structures privées ont mis en place un système qui consiste à délivrer des tickets comportant le numéro de passage, l’attente se fait dans la rue, deux employés barrent l’accès du laboratoire et ne cèdent le passage qu’une fois le tour de la personne arrivé. «C’est bien de se protéger, mais très souvent on se retrouve contaminés malgré toutes les précautions prises», lâche une jeune femme qui attend son tour. La quarantaine, elle tient dans la main sa fille de dix ans qui se révélera elle aussi positive.
«Moi je travaille dans une banque, je me protégeais bien, visière, gants, mais le virus s’est quand même infiltré, mon collègue est décédé de cette maudite maladie et moi j’ai contaminé ma vieille mère, mon épouse et maintenant mon fils de trois ans souffre de gastro-entérite, le médecin soupçonne le virus », raconte un trentenaire qui avoue être venu effectuer un teste pour savoir s’il était enfin négatif. «Quant à ma mère, elle garde de grosses séquelles, elle est clouée au lit par une fatigue qui ne la quitte plus.» Sa mère a reçu sa première dose de vaccin durant cette semaine. Comme beaucoup de personnes le font aujourd’hui, elle a pris la décision de se faire vacciner «pour échapper au pire», les appels répétés, les images de ces chapiteaux accueillant les citoyens, les propos rassurants des médecins véhiculés sur les réseaux sociaux, et surtout la peur, cette peur terrible «de ne plus pouvoir respirer» ont fait sauter ses dernières appréhensions. «Sa terreur est d’être intubée», raconte son fils.
Les témoignages s’enchaînent, plus douloureux les uns que les autres, les patients racontent debout, dehors, plongés dans un contexte sans rapport aucun avec la maladie, au milieu de citoyens vaquant à leurs occupations sans s’entourer de précautions. Beaucoup ne portent pas de masque, il y a foule dans les magasins, les cortèges de mariage circulent et font entendre leurs klaxons, les fast-foods affichent complet, rien, rien n’a encore changé. Seuls les chiffres parlent aujourd’hui. La barre des mille cas a pourtant été franchie. Au niveau de la Protection civile, le chargé de la communication affirme pourtant que «les opérations de sensibilisation n’ont jamais cessé».
La progression du virus est également très palpable au niveau de cette institution. Nassim Bernaoui nous apprend ainsi que les services de la Protection civile ont procédé à « 486 évacuations, sur le territoire national, entre lundi et mardi derniers. 236 évacuations ont eu lieu durant la journée de lundi et 250 le jour suivant ». 11 évacuations ont eu lieu à Alger, 31 à Blida et 25 à Tlemcen. La moyenne d’évacuations hebdomadaire est de mille cas. « Nous avons beaucoup d’appels de personnes qui s’inquiètent, elles sont transférées vers une cellule d’écoute où des médecins discutent avec les concernés, on les oriente ensuite, parfois ce ne sont que des angines, de l’allergie, lorsque les symptômes décrits sont très sérieux, nous rappelons les personnes pour savoir comment leur état évolue, et puis, bien sûr, il y a les évacuations. Là aussi, l’opération obéit à des règles strictes, après avoir transporté un malade, l’ambulance doit rester immobilisée pendant deux heures, le temps de la désinfection.»
«Depuis le début de cette pandémie, nous faisons absolument tout ce que nous pouvons pour sensibiliser la population, nous menons une cinquantaine d’opérations de désinfection par jour. Nous ne cessons pas de dire aux gens d’éviter les contacts, éviter les regroupements, nous réitérons ces appels à l’approche de l’Aïd el-Adha, pas de réunion familiale, n’échangez pas vos couteaux (…) il est vrai que ces précautions sont prises par une certaine frange de la population, je dis bien une certaine qui a pris conscience, qui se protège et va se faire vacciner, le problème qui se pose reste au niveau des jeunes…»
Dans leurs déclarations, les médecins n’ont pourtant cessé de rappeler que les variants du Covid ont la particularité d’atteindre les plus jeunes. Il y a deux semaines, la photo d’un jeune homme d’Alger, emporté par le Covid, circulait sur les réseaux sociaux. Il a succombé au virus après avoir passé deux jours en réanimation. Samy avait dix-huit ans…
A. C.

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