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COUVRE-FEU DANS LA CAPITALE Scènes incroyables à l'heure du confinement

©Fateh Guidoum/PPAgency
©Fateh Guidoum/PPAgency
Les nouvelles mesures de confinement se mettent difficilement en place à Alger où les forces de l’ordre sont souvent contraintes d’entrer en jeu pour vider les quartiers.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Il est 14h, les véhicules de police sont déjà plus nombreux à sillonner les rues d’Alger. Une voix sortant d’un mégaphone rappelle que le couvre-feu est désormais appliqué à 15h. Un rappel qui sonne presque étrangement dans plusieurs quartiers de la capitale où la vie s’est remise à fonctionner à un rythme quasi normal depuis quelques jours. Pressés d’accomplir un maximum de tâches en un nombre d’heures réduites, les citoyens sortent très tôt à présent. Les quartiers s’emplissent en général dès 9 h du matin.
Les commerces habilités à ouvrir se sont naturellement eux aussi adaptés aux nouveaux horaires. «Prenez vos précautions, on ferme bientôt, on ferme à 14h», crie un jeune vendeur de fraises à Bouzaréah. Il ne porte ni masque, ni gants. «J’étouffe là-dessous, les gants m’empêchent de travailler» lance-t-il en riant aux clients qui lui reprochent son laisser-aller. Il tient cependant à rassurer : «J’ai du gel, et la monnaie trempe dans de l’eau javellisée.» Comme partout ailleurs, le port de ces protections obligatoires n’est pas systématique. Il est même rare. «On n’en trouve pas, explique une dame d’un certain âge, alors je me protège comme je peux.» Pour elle, ce sera un grand mouchoir plié en quatre. Certains commerces d’alimentation, supérettes tiennent aussi à ce que les clients soient masqués et se nettoient les mains au gel mis à leur disposition à l’entrée. D’autres n’admettent qu’un nombre réduit (pas plus de quinze dans les supérettes) dans leur magasin. Mais encore une fois, ces mesures ne sont pas systématiques.
Depuis dimanche, des patrouilles de policiers circulent fréquemment dans les quartiers à forte concentration exigeant le respect des règles de distance durant les achats. Aux Bananiers, Bab Ezzouar, Bab-el-Oued, Bouzaréah et dans bien d’autres quartiers encore, la police recommande aussi d’éviter les sorties inutiles. «A ce rythme, ils nous demanderont bientôt de ne plus quitter nos maisons», râle un jeune. Un commerçant lui rappelle que l’Algérie a dépassé la barre des 1 000 personnes contaminées et que de nombreux décès sont enregistrés quotidiennement. Une dame avec sa fille, gantées et masquées, le reprend aussi : «Avec tout ce qui se passe et vous trouvez à redire, vous croyez que c’est pour rien qu’ils sortent toutes leurs voitures désinfecter les rues chaque matin ?» Le rituel de désinfection est entré dans le quotidien des Algériens. Parfois, le passage des équipes chargées de la désinfection s’effectue y compris la nuit. Il est 14h 20. Une scène comme il en est signalé partout ailleurs dans les quartiers d’Alger : «Il nous reste quarante minutes, viens, tu as encore le temps», lance un autre jeune à son voisin encore endormi qui l’observe de sa fenêtre. «Ne t’inquiète pas, je serai au rendez-vous ce soir.» Le rendez-vous aura lieu dans les escaliers des immeubles où se déroulent de longues parties de cartes, dominos… Dix minutes plus tard, les sirènes des voitures de police commencent à hurler à travers la capitale. Chaque jour le même message : «Commencez à rentrer chez vous.»
Dimanche, premier jour d’entrée en vigueur du couvre-feu imposé à 15h, les forces de l’ordre ont dû intervenir dans plusieurs quartiers de la capitale. A Bab Ezzouar, des femmes accompagnées d’enfants ont été sorties des magasins où elles poursuivaient leurs achats le plus normalement du monde. Des scènes similaires se déroulaient un peu partout. L’esprit retors est aussi présent chez certains jeunes qui s’amusaient par groupes à ressortir des immeubles après chaque passage des policiers. De nouvelles rondes avec des messages plus fermes viennent momentanément à bout des réfractaires. D’autres scènes tout aussi incroyables se déroulent aux Bananiers : des clients restés coincés dans des commerces ayant baissé précipitamment leurs rideaux au passage des services de sécurité foncent tête baissée rejoindre leur maison. Il est déjà 15h30.
La capitale plonge peu à peu dans un silence, un calme des plus inhabituels. Des groupes de pigeons se posent à terre. Les rondes des policiers s’intensifient. Hier, des patrouilles pédestres sont venues en appoint… Alger s’est finalement vidée.
A. C.

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