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Rubrique Ce monde qui bouge

Aramco la saoudienne et l’algérienne Sonatrach

Entre Aramco, le géant pétrolier saoudien, dont le processus de privatisation a débuté le 17 novembre à la bourse de Riyad et Sonatrach qui n’est pas tout à fait à l’abri des convoitises occidentales, il y a des similitudes, des différences mais pas la même histoire. 
Aramco est officiellement propriété de l’Etat saoudien. Mais qui dit Etat saoudien dit famille royale saoudienne, à savoir 4000 princes de sang – le chiffre exact étant un secret bien gardé — et des princes de second rang estimés entre 7 000 et 25 000.  Une famille royale élargie dominée par le clan des Soudaïri dont est issu le prince héritier Mohamed Ben Selmane dit MBS.(1) 
Fondée en 1944, Aramco est à l’origine une création des majors pétrolières américaines avec lesquelles la dynastie des Saoud avait signé des contrats de concession. Ce n’est qu’en 1973 que l’Etat saoudien est entré dans le capital social d’Aramco à hauteur de 25% avant d’en acquérir la totalité en 1980. 
Depuis dimanche dernier, Aramco a introduit 1,5% de son capital à la Bourse de Riyad. Il s’agit d’une première offre qui sera suivie par d’autres mises en vente de parts du capital de l’entreprise. Derrière cette opération, le prince Mohamed Ben Selman (MBS), qui compte sur cette mise en Bourse pour financer « Vision 2030 », un plan de développement ambitieux, destiné à diversifier son économie et à sortir l'Arabie Saoudite de son ultra-dépendance à l’égard du pétrole. 
Et pour ce faire, MBS a mis tous les atouts de son côté. A commencer par faire pression sur les riches familles saoudiennes pour soutenir cette entrée en Bourse et s’assurer du soutien des religieux, dont le cheikh wahhabite Abdullah al-Mutlaq qui a encouragé les Saoudiens à investir, affirmant que c’était permis par l'Islam et que même des dignitaires wahhabites allaient participer à l'introduction en Bourse ! 
Selon le quotidien économique Les Echos, MBS « visait 2 000 milliards de dollars et une levée de fonds de 100 milliards sur une place boursière de premier plan, comme New York ». Première déception, Aramco a été estimée entre 1 200 et 1 500 milliards de dollars. Ce qui n’est pas rien, mais loin du montant escompté. Deuxième déception, l’introduction en Bourse n’a rapporté que 20 mds de dollars. « Autre déception, le manque d'appétit des investisseurs étrangers », anglo-saxons notamment, qui avaient pourtant poussé à la privatisation de tout ou partie d’Aramco, en faisant miroiter aux Saoudiens un afflux massif de capitaux et une entrée fracassante à Wall Street. 
A l’appui des craintes et des hésitations des investisseurs occidentaux, la tension régionale entre Riyad et Téhéran, l’incapacité des Saoudiens de protéger leurs sites de production vitaux comme l’ont montré les attaques du groupe yéménite Houthi contre des installations d'Aramco le 14 septembre dernier, un prix du baril qui n’arrive pas à décoller, et la possibilité, selon le cabinet IHS Markit, que la demande mondiale de pétrole  diminue structurellement à l'horizon des 20 prochaines années. Autant de raisons et d’incertitudes qui ont poussé l’agence de notation Fitch à dégrader la note de l'Arabie Saoudite sur les marchés financiers. Comme quoi, même si Aramco, c’est 10% de la production pétrolière mondiale, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. 
Sonatrach, fondée en 1964, est une création algérienne, acquis du mouvement national de libération, devenue, grâce à la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, une compagnie respectée à l’international. Elle est la propriété du peuple algérien et non celle d’une famille ou d’un clan, et ce, même si un groupe de malfrats – le clan Bouteflika-Khelil qui avait en vue le modèle saoudien ou émirati car aux Emirats également le pétrole est la propriété des familles régnantes – l’ont fragilisée à l’international en confiant les postes stratégiques de l’entreprise à des proches (cousins et parents) au profit des majors anglo-saxonnes et à des fins d’accaparement d’une partie de ses avoirs au bénéfice du clan, et ce, sans compter cette valse de P-dg à la tête de l’entreprise et les divers scandales qui l’ont minée. 
Pour autant, malgré la chute du clan Bouteflika, le projet de loi sur les hydrocarbures adopté par une APN dominée par les partis de l’ex-Alliance présidentielle risque à terme de faire de Sonatrach une entité sans réels pouvoirs au seul profit des pétroliers anglo-saxons. 
H. Z.
 
(1) Ce sont les descendants de Hassa al-Soudaïri, épouse favorite d’Ibn Saoud fondateur de l’Arabie Saoudite.

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