Comme si en «temps normal», l’Algérie souffrait d’hyperactivité
culturelle, artistique et récréative, des âmes chagrinées, parfois
sincères, s’élèvent contre l’organisation de spectacles musicaux «au
moment où l’Algérie est en pleine effervescence contestataire». On en
déduit qu’il faut donc ramener ce volume d’animation à de plus discrètes
proportions, de façon à ce qu’elles soient plus «conformes à la
situation». Ou l’anéantir tout simplement. Les plus cinglants parmi ceux
qui ont fait face à cette énormité ont été dans la riposte sèche et ils
ne manquent ni de pertinence ni d’arguments : les Algériens sont en
insurrection, ils ne sont pas en deuil. Et ils vont opportunément
chercher au cœur même du mouvement populaire, dans les entrailles des
espaces de contestation, dans l’esprit du soulèvement, les termes de la
réplique. N’est-ce pas que la formule «révolution du sourire» est non
seulement consacrée mais porte ses formes d’action comme la nature de
ses projections ? Mais il n’y a pas que des gens qui croient bien faire,
comme il n’y a pas que les réponses du berger à la bergère dans
l’histoire. En l’occurrence, les arrière-pensées de «détournement», de
«distraction» et de… diversion ne sont pas une vue de l’esprit. Ce n’est
pas faire preuve de paranoïa que de douter. Le pouvoir politique ne nous
a pas habitués à l’entreprise du bonheur sans les petits calculs de
dividendes directs et immédiats. Si par miracle ça lui arrive, ses
«états de service» accumulés depuis de longues décennies ramènent à une
légitime et tenace suspicion, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il
ne l’a pas volée. Le dernier exemple en date a été la grossière
tentative de récupération de la victoire de la sélection nationale de
football en Coupe d’Afrique des Nations. Y compris quand et là où ses
chances sont minimes de parvenir à ses fins, il… fonce, histoire de se
répéter parce qu’il ne sait pas se renier. Pour d’autres, c’est
l’occasion qui fait le larron. Ceux-là, ils n’ont jamais eu besoin
d’opportunités pour interdire la musique, diaboliser la danse, organiser
l’autodafé et, quand c’est possible…, brûler les planches», au sens le
plus terre à terre de la formule. Ils le font en «temps normal, à chaque
fois qu’ils le peuvent, ils ne vont pas s’en priver quand ils ont un
argument aussi… noble que la révolution ! Il est heureux que ça ne
prenne pas. Le festival du chant amazigh de Béjaïa se déroule plutôt
bien, les instruments de musique n’ont pas déserté le pavé et la
révolution n’a pas chassé la vie, elle est hymne à la vie.
S. L.
S. L.