Il paraît que le Hirak s’essouffle. Pour les oiseaux de mauvais augure,
c’est déjà l’impasse. Pressés d’être les premiers à annoncer la fin de
quelque chose dont ils n’ont, à l’évidence, jamais aimé le début, ils
jouent aux champions ès perspicacités qui ont tout compris avant tout le
monde. Ils n’ont jamais rien dit. Dire, ils n’en ont ni le talent, ni le
courage, ni la lucidité. Maintenant, ils nous apprennent qu’ils…
savaient. Personne ne sait qu’ils savaient quoi que ce soit mais ils
soutiennent cela comme si la chose relevait de l’évidence. Ils vont
alors chercher quelques sentiers battus qu’ils élèvent au rang de
brillantes prospectives dont ils auraient formulé l’imminence quand les
petits esprits s’enflammaient pour un feu de paille. Les «petits
esprits», ce sont, on l’aura compris sans qu’ils nous fassent un dessin,
les millions d’Algériens qui ont investi la rue aux quatre coins du pays
pour réinventer l’Algérie dont ils sont orphelins depuis toujours. Les
«visionnaires», eux, parce qu’ils n’ont pas l’habitude de se fondre dans
la foule, ils n’ont pas la colère utile, ils n’ont pas la culture du
risque, ils n’ont pas l’indignation dans la peau ou ils n’ont simplement
pas d’intérêt dans le changement, se barricadent dans «l’intelligence»
au-dessus de la mêlée. Pourtant, ils n’ont même pas le courage de leurs
«idées», si tant est qu’on puisse appeler ainsi les postures de
planqués. Mais les planqués ont souvent leur guérite. Alors, ils se
cachent, observent, voient venir, guettent et surgissent au moment où
ils pensent opportun de surgir des buissons. Ce n’est même pas «le
moment» mais ils croient toujours à l’instant sans péril où ils peuvent
tenter leur chance, quand le peuple est en train de tenter le diable.
Ils sortent de leur tanière parce qu’ils sont convaincus que les
horizons sont suffisamment assombris pour venir placer leur grain de
sable dans l’engrenage. Les millions d’Algériens qui ont investi la rue
savaient que ça n’allait pas être facile. Les «autres» ne savaient rien
du tout mais ils nous disent maintenant qu’ils étaient sûrs que ça
allait être impossible. Ils ne l’ont jamais dit vraiment parce qu’il eût
fallu, pour cela, choisir son camp et le leur était difficile à assumer.
De quoi se mêlent-ils alors ? Ils ne se mêlent pas, ils veulent «avoir
raison» et certainement se rendre disponibles pour des options au rabais
dont ils auraient annoncé l’irréversibilité. Quand, dans quels termes,
avec qui ? Personne ne le sait mais on l’aura compris, eux savent tout,
sauf l’essentiel. L’essentiel est encore dans la rue.
S. L.
S. L.