Tous les vendredis ne se ressemblent pas sur tout
mais ils se ressemblent quand même sur l’essentiel. Demain sera le
dixième et jusque-là, rien, ni personne n’a pu affaiblir l’ampleur du
mouvement populaire, essouffler son élan, entamer sa détermination,
venir à bout de sa sérénité, encore moins à altérer ses objectifs. Que
ceux qui y ont travaillé se rassurent : ils n’ont rien à se reprocher !
Et pour cause, ils ont tout fait pour y parvenir. En football, on
appelle ça le match parfait contre un adversaire trop fort. Sauf que
dans le cas précis, la partie n’est pas terminée, même si on ne voit pas
comment elle peut avoir une autre issue. Ils ont tout fait dès l’entame
du match, même s’ils ont essayé le quart d’heure d’observation. Comme
toutes les tactiques, toutes les stratégies de jeu qu’ils prévoyaient
chez l’adversaire étaient abandonnées aux vestiaires, ils n’avaient pas
d’autre choix que celui de faire le dos rond. Puis ils sont passés à ce
qu’ils savent faire le mieux, ayant réalisé qu’ils n’ont aucune chance
dans une confrontation à la régulière. Ils n’ont pas la culture de la
compétition loyale mais l’adversaire est tellement fort qu’il pouvait
leur concéder ça, un peu par illusion mais surtout par acquit de
conscience. A ce stade- sans jeu de mots- de l’histoire et peut-être
bien de l’Histoire, le langage et les images du foot deviennent
dérisoires. Le terrain de jeu a d’autres dimensions et l’enjeu trop
grand pour être contenu dans un trophée. Ils ont tout fait mais
l’adversaire connaît trop bien et depuis trop longtemps ce qu’ils savent
faire le mieux. Il a déjà anticipé les manœuvres, toutes leurs
manœuvres. Il faut leur savoir gré d’être à ce point prévisibles. Déjà
qu’ils n’avaient aucune chance quand ils avaient caché quelques cartes
maîtresses dans la manche, on ne va pas les redouter maintenant qu’elles
sont toutes sur le tapis. Ils peuvent faire appel aux remplaçants mais
la profondeur de leur banc est trop rachitique pour prétendre faire la
différence. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Ils pouvaient bloquer
les spectateurs sur le chemin des arènes mais il n’y a plus de
spectateurs, il n’y a même plus de joueurs, il n’y a que des
combattants. Il n’y a pas de stade mais un pays. Ils ne peuvent pas
empêcher le pays d’être dans le pays qui les somme de partir. Ils ont
crié au voleur. La ruse est du terroir qu’ils connaissent trop peu, de
l’avoir déserté pour se terrer dans le bunker. Le voleur qui crie au
voleur au milieu du marché est une désespérante vieillerie. Le ver est
dans le fruit, c’est aussi vieux mais toutes les vieilleries ne sont pas
anachroniques. Demain, c’est vendredi. Le dixième, si ça peut avoir un
sens. Les vendredis, c’est comme les joueurs de foot, ils ne gagnent pas
parce qu’ils ont le même profil mais parce qu’ils sont complémentaires.
S. L.
S. L.