L’info et la marmite

Les Algériens regardent les télés étrangères depuis longtemps, plus précisément depuis que le progrès technologique a fait du monde un « village planétaire », si le terme n’est pas trop ringard. Ne spéculons pas sur quelques années, le pays peut avoir pris un peu de retard en raison de ses lenteurs structurelles mais dans bien des situations, la débrouillardise populaire a compensé les faiblesses publiques. Quand il s’agit de se mettre au diapason du monde en accédant au « dernier cri », l’Algérien a toujours trouvé les moyens pour être « de la fête ». Il en a été ainsi de la télé, puis du net. Les défaillances publiques ne l’ont jamais découragé. Et dans l’un comme dans l’autre technologie, il s’est mis à jour. S’il n’a pas souvent ce qu’il veut, il sait toujours ce qui lui manque. Il peut souffrir d’une situation de fait ou d’une insuffisance matérielle, mais il y a des choses qu’on ne peut pas lui cacher. Il sait où en est le reste du monde dans le cas précis, il sait comment des pays et des hommes ont procédé pour parvenir au niveau de développement qui est le leur dans le domaine en question. Il sait ce qui a été fait et ce qu’il ne fallait pas faire. Il a suivi les étapes de réalisation et les process de fabrication. Pour être à jour sur tout ce qui se fait ailleurs, tout savoir sur tout, il lui arrive d’entreprendre quelques explorations. Mais souvent, il n’en a pas besoin. Les considérations d’éthique, de performance et de coûts mises à part, l’information est le souci du fournisseur avant d’être celui du consommateur. Il n’y a donc pas d’efforts à consentir pour qu’elle parvienne au « client », unique et ultime destination de la marchandise. Et il n’en demande pas moins, surtout que sa boulimie est souvent boostée par l’illusion de la gratuité. Mais quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas. L’Algérien se régale toujours de ce qu’il pense chaparder aux restrictions, quand ce n’est pas à l’interdit. Il se régale mais il prend aussi sa revanche : nous avons toutes les télés du monde et nous avons toute la Toile de l’univers. On sait tout, on ne nous la fait plus, ce n’est même plus la peine d’essayer ! On peut même se mettre dans la sélection selon l’actualité de l’heure, notre actualité. Depuis quelques semaines, c’est la flambée des produits alimentaires qui en occupe les devants. On sait combien coûte la pomme de terre en Espagne, en France et à Navarre. On sait les raisons de toutes les tensions ailleurs et on n’en retrouve aucune chez nous. On sait aussi comment augmentent les prix et dans quelles proportions. On sait même en rire au lieu d’en pleurer. Quand le poulet augmente de… 2% quelque part en Europe ou dans les Amériques, on trouve ça vraiment drôle. Allez voir de combien a flambé la volaille dans nos étals : c’est 100% d’un coup et c’est souvent ainsi. L’info ne fait pas bouillir la marmite ? Oui, mais il vaut mieux savoir quand même.
S. L.