Si ça peut rassurer les responsables de la gestion et de la distribution
de l’eau dans le pays, le «gaspillage de l’eau pendant l’Aïd» est
peut-être une vue de l’esprit. Des spots publicitaires, des affiches et
des interventions médiatiques foisonnent ces derniers jours pour
«sensibiliser» le citoyen en l’invitant à consommer le moins d’eau
possible «lors de l’égorgement». Les Algériens ne sont peut-être pas un
exemple de civisme, de responsabilité et d’implication dans la
sauvegarde et l’amélioration de leur cadre de vie. Ils ne se sentent pas
toujours concernés par les soucis environnementaux et ils pensent
rarement à la pérennité de leurs besoins vitaux mais tout ça, ils ne le
« font » pas tout seuls, on les y a aidés ou contraints. Parce qu’on a
beau dire qu’il y a toujours quelque chose à faire, dans le cas précis
comme dans d’autres situations, au seuil d’un certain niveau de
dégradation, les bonnes volontés n’y peuvent plus rien. Y compris en
consentant à se faire violence, en ajoutant au manque, la… retenue ! Et
souvent, ils n’ont pas besoin de solliciter leur… conscience pour
consommer le moins possible. D’abord parce que c’est l’abondance, du
moins la disponibilité en volume suffisant, qui crée les conditions du
gaspillage. Ensuite parce que le niveau de vie que permettent aux
Algériens leurs moyens ne peut logiquement pas faire d’eux de gros
consommateurs d’eau, situation aussi propice à l’abus. Pour l’exemple,
les Algériens gaspillent du pain parce qu’ils en consomment beaucoup et
surtout parce qu’il est disponible à un prix dérisoire, en raison d’un
mode de subvention économiquement ruineux et socialement injuste.
Paradoxalement, et sans besoin d’être cynique, il y a peut-être une
bonne information pour les Algériens dans cet appel pathétique à
l’économie d’eau pendant l’Aïd : l’eau sera disponible à l’occasion !
Rien n’est moins sûr, pourtant. Il n’y a aucune raison que les coupures
soient si récurrentes et anarchiques les jours «ordinaires» qui ont
précédé la fête pour s’arrêter un… jour de surconsommation ! Et quand
bien même les robinets couleraient miraculeusement à flots le jour du
sacrifice, qu’est-ce qui aura changé d’ici là pour convaincre les
Algériens de répondre à l’appel de l’autorité ? Et de se rappeler cette
évidence que les responsables «oublient» toujours, en dépit de tous les
revers, toutes les désillusions qu’ils ont subis à chaque fois qu’ils
ont eu la prétention de «sensibiliser» ou de «mobiliser» : les appels
aux citoyens quand ils n’émanent pas de responsables crédibles,
légitimes, compétents et justes restent toujours sans écho. Ce n’est pas
en appelant les Algériens à ne pas gaspiller l’eau qu’on leur mettra
dans la tête qu’ils en ont. Le jour de l’Aïd comme le reste du temps.
S. L.
S. L.