Placeholder

Rubrique Constances

On sévit, Messieurs, on sévit !

C’était l’hécatombe, vendredi, sur la route reliant Jijel à Constantine. 18 morts dans la collision entre un bus et un camion, c’est énorme, terrifiant, rare. Ça fait longtemps que le pays s’est installé dans de sinistres records en matière de drames routiers. Ça tourne maintenant à la tragédie. Les classements mondiaux en matière d’accidents de la circulation ne sont jamais dans la philosophie. Ils n’exagèrent rien, comme ils ne revoient aucun bilan à la baisse. Ils sont dans la froide comptabilité des morts. Les services spécialisés en la matière nous livrent des chiffres. Les routiniers, les banals, les faits divers, les assez graves, les inquiétants et les terrifiants. La comptabilité des morts veut être utile. Un peu comme les drames qui « servent à quelque chose », à condition de concéder qu’il y a des morts utiles. La chose est entre la piètre consolation et l’acquis de conscience. Ne philosophons pas trop quand même. Vendredi, peu avant 20 heures, 18 personnes ont perdu la vie sur la RN27 reliant Jijel à Constantine, au lieudit Oued Werzeg à Hama-Bouziane, nous apprend la collègue Ilhem Tir. Le chiffre est net mais surtout froid et glaçant comme la mort. Ce n’est pas terminé, il y a des moments comme ça, qu’ils se déclinent en heure, en jour ou en semaine, où vous n’êtes jamais au bout de vos peines. En l’occurrence, la peine est lourde, très lourde, aussi lourde que le chiffre. Les chiffres, puisque loin de Jijel, de Constantine, de Oued Werzeg et de Hama-Bouziane, le tunnel de l’horreur s’est encore allongé. Nous sommes sur les sables brûlants du Grand Sud. Il y a une éternité de sable, énormément de soleil de l’espace à n’en plus finir et puis la mort sur un pan de route où tout devait n’être que sérénité. Une heure à peine après Hama-Bouziane, sur un tronçon de désert de la RN6 reliant Reggane et Bordj-Badji-Mokhtar, un camion a percuté un véhicule 4×4. Même en terre chaude, les chiffres de la mort sont aussi froids que glaçants : 9 morts et des corps calcinés par les flammes. Allez savoir comment on peut obtenir 9 morts dans la collision d’un camion avec un véhicule tout-terrain ! C’est à croire qu’il y a eu plus de morts que de passagers. Ceci n’est pas une plaisanterie, elle serait vraiment mal venue. On fait quoi, à part compter les morts sur la route et en faire de sinistres bilans pour des classements mondiaux très peu glorieux ? On… sensibilise ? La rigolade, toujours mal venue en l’occurrence. On fait quoi, sérieux ? On sévit, Messieurs, on sévit. Tous les pays qui ont réduit les chiffres de leurs horreurs sur l’asphalte ont d’abord sévi.
S. L.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder