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Rubrique Contre poings

Sylvio, un Kabyle génie du rire

Puisque des centaines de clowns s'apprêtent à rejoindre les travées de l'Assemblée nationale après s'être fait élire par des armées de zombies en barbe, kamis, hidjabs et costumes taïwan, autant parler d'un vrai et génial clown qui brille sur les scènes françaises et européennes et qui porte des gènes algériens ! De son vrai nom Karim Oulamara, Sylvio est né d'un père kabyle originaire d'Aït-Lamane, chez les Iboudrarène, Bélaïd, et d'une mère française, Andrée, tous deux décédés aujourd'hui. 
À 54 ans, Sylvio-Karim peux s'enorgueillir d'avoir eu une vie bien remplie ! Un jour de mai 1980, il remet au pape Jean-Paul II, sur le parvis de la basilique de Saint-Denis, sa ville natale, une gouache peinte par lui-même, en lui susurrant qu'elle représentait l'amour. Ému, le pape le serre dans ses bras et le bénit devant les caméras du monde entier. Il fallait oser, et avoir du sang algérien pour le faire ! Un autre jour, sur un autre terrain, devant le palais des Congrès de Paris, perdu dans une foule de 300 figurants costumés, à l'occasion du tournage d'un spot commandité par l'ONU dans le cadre de la lutte contre la faim dans le monde, il est choisi par Zidane (Le Dieu Zizou !), pour recevoir son accolade. 
Sylvio, ou Karim dans ce cas, lui lance «azul fellak è Zizou !» et Zidane de répondre, contrit : «Désolé, je ne parle pas kabyle.» Rire fusionnel, puisque Sylvio, lui aussi, en connaît à peine quelques mots. Bolinio qui vient de sortir son deuxième album de chant, un opus qui rend hommage aux plus grands du cinéma qui ont chanté et aux maîtres de la chanson à texte, a des dizaines de cordes à son arc ! Surnommé monsieur rigolo ou encore le suiveur des Champs- Élysées, il excelle dans l'imitation de Charlot. Il a ainsi étalé de rire des centaines de touristes lorsqu'il est rentré dans sa peau sur la butte Montmartre, par exemple, où je l'ai vu se produire toute une après-midi, il y a quelques années. 
Mime. Il a été l’élève du célèbre et défunt Marceau, le maître du genre. Clown, il a été l’élève d'Annie Fratellini à l'École nationale du cirque. Son intense activité artistique lui a valu d’être décoré comme officier, puis chevalier de l'ordre des arts et métiers. 
À l'heure où tous les médias haineux livrent quotidiennement bataille aux enfants d'immigrés, toutes générations confondues, le parcours du résilient Karim Oulamara s'impose comme un cinglant démenti aux allégations qui tendent à désigner les enfants de nos parents venus construire la France comme les responsables de tous les maux de ce pays. 
Les amalgames, monnaie courante par ici, ont trop duré... Résilient , pourquoi ? À l'âge de 16 ans, Sylvio, dont la fratrie compte 10 membres, vit un drame affreux : son père Bélaïd assassine sa mère, Andrée ! C'était le 18 septembre 1983. «Ma vie s'est effondrée, dit-il, et je suis le seul à avoir  vraiment remonté la pente  parmi mes frères et sœurs.» La mère morte, le père en prison, c'est l'aîné, Aziz, qui hérite de la charge de la fratrie. Aujourd'hui, «tous sont reconstruits ; j'ai choisi de passer du tragique au comique en gardant le meilleur, en cimentant. J'ai choisi le soleil, l'amour, les choses simples. J'ai mis un quart de siècle à faire le deuil de ma maman». 
Sylvio rêve de servir d'exemple à la jeunesse algérienne des deux rives de la Méditerranée, lui qui a fini, sans vraiment pardonner, par revoir son père avant de l'enterrer en 2005. Le Berbère Karim préfère s'intéresser aux hommes dans leur totalité. «Certains d'entre eux oublient que les autres sont des frères , à l'instar de ces dictateurs qui finiront tous par tomber !» Il en sera ainsi des gouvernants qu'affrontent les jeunes du Hirak aujourd'hui, en Algérie, pense-t-il. «Les peuples finissent toujours par gagner», conclut-il.
Le marasme qui sévit depuis des décennies, ce pays cryogénisé, cette vie assassinée, est-ce là une fatalité ? Le seul lot des Algériens ? Nos millions de jeunes sont-ils condamnés à servir de murs de soutènement pour l'éternité ? Sylvio-Karim, sa vie tumultueuse, sa rencontre avec la lumière semblent présager du contraire... 
M. O.

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