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Rubrique Contre poings

Une lettre : qui se souvient de moi ?

C'est moi qui arrivais tous les matins dans votre boîte aux lettres pour vous donner des nouvelles de vos proches éloignés par les drames ou la misère.
Ils vivaient loin de vous. Je leur permettais de vous revenir. De respirer avec vous le même air.
On m'assimile souvent à quelques feuilles encrées fourrées dans une enveloppe frappée d'un timbre portant votre salive.
Votre ADN. Le mien, celui de la famille. Un lien....
J'étais aimée, attendue. Chaque jour. Chaque heure. Tous les matins, un facteur en tenue, avec une belle casquette des «PTT-Algérie» me déposait dans une boîte qui donnait sur une rue qui sentait bon le jasmin.
Sur mon corps, ma famille restée au pays, notamment les jeunes lettrés, contrairement aux parents occupés aux champs écrivaient : «Je vous écris ces quelques lignes pour vous faire savoir...» Que des bonnes nouvelles !
Par pudeur, on taisait, alors, les conflits familiaux, les drames et les incertitudes que réservait l'avenir. Quelques fois, je me suis faite clandestine pour porter les combats politiques, interdits en ce temps-là !
Le temps du parti unique et de la sécurité militaire. ça pouvait coûter trop cher... Il en était de même pour les lettres d'amour. Tout était clandestin, quelle belle époque !
Souvent, j'ai été réduite à un billet, un bout de papier froissé qui donnait des nouvelles pleines du quartier ou du village.
J'ai toujours été une mauvaise langue ! Parfois, j'ai été annonciatrice de bonnes nouvelles : un émigré qui rentrait, un mariage qui s'annonçait, un terrain vendu ou acheté...
Un bout de papier, pensez-vous ! Il est arrivé qu'on me timbre pour qu'on me prenne à témoin de conflits inextricables.
Pour les propriétés indivises, par exemple. Comme je suis muette, je ne suis que du papier, je ne dis rien.
Alors, on me déchire. On fait dans l'inutile, puisque je renais juste après.
On me rappelle, je reviens. Je suis toujours là, debout sur mon alfa !
J'avais une maison, des maisons. Toutes les postes d'Algérie. Elles sont en ruine. Mes assistants, ceux qui me transportaient me transmettaient sont en grève. Les avions qui me permettaient de voyager ne décollent plus.
Quelles nouvelles, je peux, aujourd'hui, apporter ?
Quand on m'envoie d'Algérie vers l'étranger, l'ailleurs, je n'arrive jamais! Tous les pays du monde s'échangent du courrier.
Moi, je suis exclue du circuit. Je ne sais jamais où je vais.
Je disparais souvent en mer. Les Bermudes ? Je ne vais jamais si loin... Je fais trois mois à  traverser la Méditerranée. Pourquoi ? Il faut chercher la réponse du côté d'Algérie Télécom, les maîtres des cieux !
Recommandé ? quelle insulte ! Toutes les nouvelles arrivent grâce à Dieu.
Pourquoi un service postal, alors? À cheval, au temps du Far-Ouest ça allait plus vite. C'était plus sûr.
Algérie ? Allô ?
Les humains peinent à traverser la Méditerranée sur des barques de fortune. Que dire de moi ? Un bout de papier.
Je ne suis porteuse que de nouvelles. Souvent bonnes. Parfois mauvaises. Ceux auxquels j'arriverai à transmettre autre chose que le vomi du pays rentreront un jour.
Le Hirak en a décidé ainsi. Il aura le dernier mot !
M. O.

P. S. : Je dois me rendre chez Rabah Karéche, journaliste de Liberté, emprisonné pour ses écrits à Tam. Je ne sais pas si j'y arriverai.

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