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Bouteflika, héros tragique de l'Algérie

©Samir Sid
©Samir Sid

Par Yazid Ben Hounet
J’avais déjà de la peine à le voir malade dans son fauteuil. J’en suis resté, pour ma part, à son dernier discours, celui de Setif : «Tab djnanû» (2012). Les années qui ont suivi n’ont été qu’une longue prise d’otage. J’ai donc eu du chagrin en apprenant son décès. J’ai pleuré et essayé de comprendre pourquoi.
Il n’était pas de ces héros morts durant la guerre de Libération nationale, ni au lendemain de l’indépendance, ou encore ceux exilés, écartés. Ceux que l’on idéalise, à juste titre, et dont on s’imagine qu’ils auraient forcément conduit le pays à bon port. En vérité, cela n’est qu’une chimère.
Lui a assumé, plusieurs décennies durant, de grandes responsabilités au sein d’un État en construction, imparfait donc. Il a été la voix du pays, quand Alger était La Mecque des révolutionnaires. Il a été le porte-voix de la Palestine (offrant la tribune à Yasser Arafat à l’ONU en 1974) et de la lutte contre l’Apartheid. Il a longtemps été un homme public (ministre de 1962 à 1980), ainsi que paria (1981-1989). Trop facile alors de crier à l’imposture du parcours de Bouteflika, seulement lorsqu’il est devenu président.
Trop facile également de ne pas lui donner crédit de la paix retrouvée (ce serait grâce aux autres, paraît-il)… et en même temps lui faire porter l’entière responsabilité de la corruption en Algérie. Boudiaf avait dénoncé cette gangrène en son temps, lui aussi à son arrivée. Elle existait avant lui. Elle existera, bien entendu, après Bouteflika.
Je me souviens des peurs que j’avais à le voir s’exposer en allant au-devant du public en 1999 et au début des années 2000. Il se trouvait que le dernier président civil était justement… Boudiaf. Nous avons oublié le courage qu’il fallait pour assumer une telle responsabilité en cette période.
Je me souviens également de la fierté éprouvée lors de son discours prononcé à l’Assemblée nationale française (14 juin 2000). Pas seulement en raison de la profondeur du propos et de sa superbe éloquence. Je me souviens avoir ressenti comme un formidable baume à mon cœur meurtri par une décennie meurtrière. Avec lui, l’Algérie n’était plus «seulement» le pays du terrorisme et du «qui-tue-quisme».
Avec lui sont venus la paix, la fin de l’endettement au FMI, les constructions et les grands chantiers comme Medgaz (bien utile actuellement), les routes, les tramways, le gaz naturel dans l’arrière-pays, l’abondance dans les réserves de change, etc. Mais aussi, malheureusement, des projets bâclés, une plus grande corruption et des répressions.
Il était moudjahid, ministre, paria, président, otage. Il était sémillant, charmant, ténébreux, colérique. Il était l’opulence, l’autorité, l’Algérie fastueuse et l’Algérie simple et profonde (en particulier celle des zaouias).
Il était aussi la maladie, la déchéance et la paralysie. D’une certaine manière, il était, selon sa formule, «l’Algérie tout entière» (1999), dans ce qu’elle a de meilleur et ce qu’elle a de moins bon, dans ce qu’elle a de vrai, de tragique et de touchant à la fois.
Il est mort dans son pays, naturellement, quand les dictateurs déchus, eux, s’exilent en Suisse ou dans les pays du Golfe.
J’ai pleuré aussi en pensant à son dernier discours testament, «Tab djnanû», et au fait qu’un si grand jardin ne se bâtit et ne s’entretient pas seul, qu’il est soumis à de multiples forces internes et environnementales (parfois imprévisibles), qu’il convient encore et toujours d’y arracher régulièrement les fruits pourris et les mauvaises herbes.
Il a assumé sa part et comme les héros tragiques, ces héros si humains (ni parfait, ni honni) au destin compliqué, il s’en est allé discrètement, partiellement boudé par un État et une population incapable de se voir en face et donc de se reconnaître en lui. Quand le temps des acrimonies, des jalousies et des colères sera passé (car il passera), l’Histoire et les arts le réhabiliteront.
Y. B. H.

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