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Carnaval fi dechra électoral

Par Merhab Mahiout, Universitaire
Une fois de plus, nous sommes conviés à avaliser le choix que d’autres auront fait pour nous. Le 18 avril, nous aurons à approuver le 5e mandat dans une élection fermée, à l’issue plus que certaine.
A peine quelques jours après la convocation du corps électoral, plus de 100 candidats à la candidature ont retiré les formulaires de parrainage. Une centaine de citoyens qui ont estimé en leur âme et conscience qu’ils (elles) sont capables de gérer le pays et le sortir du marasme dans lequel il se débat depuis des années. Cet état de fait est le résultat d’un long processus de désarmement du politique, de dévitalisation des ressorts éthiques et moraux et du brouillage des repères culturels et identitaires de la société.
La ruée vers le retrait des formulaires de parrainage est la traduction de la vision du politique comme le moyen le plus court, le plus sûr et le plus rapide pour s’enrichir. Accessoirement, ces candidatures farfelues finiront par désillusionner les militants de l’optimisme à tout prix que le changement n’est pas pour demain. 

Pourtant, ce qui est attendu d’une élection est d’apporter le changement. Mais pour cela, il faut que l’idée de changement soit portée par une organisation puissante qui aura «travaillé» la société pendant assez longtemps. C’est que le changement met du temps pour advenir, un temps inversement proportionnel à celui consacré à le préparer. Or, durant les dernières années, ceux qui étaient potentiellement intéressés par le changement ont consacré un temps infinitésimal à sa préparation. Proche de zéro. Dans pareilles circonstances, les mathématiques sont formelles : l’inverse d’un temps proche de zéro est proche de l’infini. Autant dire que le changement n’est pas pour demain.  

A quoi va donc servir cette élection ?
A travers le cinquième mandat, qui est passé du registre de l’invraisemblable à celui du probable pour finir dans la certitude, trois catégories de gens trouveront leur compte : ceux qui ont profité du big-bang de la corruption et qui ont besoin d’un mandat de plus pour effacer les traces de leurs méfaits, ceux qui en profitent actuellement et qui ont besoin d’un peu de temps pour asseoir leur emprise sur les secteurs de l’économie qui relèvent de leur «compétences», et en fin ceux qui espèrent en profiter à l’avenir. La porosité entre les trois catégories est telle que les migrations de l’une vers l’autre sont fréquentes. 
Ça en fait du monde, pas tant que ça. A peine quelques centaines de milliers. Le reste des 42 millions savent qu’il n’y a rien à attendre d’une élection jouée. Ah si ! Il y a une poignée de gens qui croient dur comme fer qu’il suffit d’interpeller le chef de l’Etat et le chef de l’état-major de l’armée deux heures avant la convocation du corps électoral pour être le sauveur et le porte-drapeau de changement, celui que le peuple attendait pour se lever comme un seul homme et balayer le système rentier-corrompu qui a plongé la pays dans une crise inextricable. Pour lever tout malentendu potentiel, reconnaissons à tout citoyen le droit de se porter candidat (ils sont déjà 100 à le faire et mazal !) ou de soutenir le candidat qui lui paraît le plus apte à apporter le changement. Soyons généreux et reconnaissons-leur même le droit de s’illusionner. Mais usons de notre droit de déconstruire les chimères sur lesquelles reposent leurs illusions.  
La mère de toutes ces chimères se résume ainsi : la candidature du général Ghediri est l’émanation de l’Etat profond qui ambitionne de réaliser un profond changement en faveur de la démocratie, d’une économie productive et d’une réelle justice sociale. Mais pour cela, il lui faut la légitimité démocratique qui est espérée via la Général-candidat. Seconde chimère, ce dernier est porteur d’un projet démocratique. De là à l’assimiler à un démocrate, il y a un tout petit pas qu’il n’est pas du tout difficile à franchir. Troisième chimère, le changement c’est lui. Succombe à ces chimères tout individu qui hume les vapeurs de l’infusion «démémorisante». 
Ceux qui sont dans leurs provinces lointaines, hors d’atteintes de ces vapeurs, savent que c’est l’histoire qui bégaye. Sinon, comment comprendre que ceux qui, il n’y a pas si longtemps, avaient beaucoup de leviers de changement entre leurs mains (une partie des commandes de l’Etat, l’argent, les dossiers, la force…) n’ont pas pu/su/voulu (barrez la mention qui ne vous arrange pas) réaliser le changement, veulent soudainement le faire aujourd’hui qu’ils ont perdu l’essentiel de leur pouvoir ? 
La fable de l’Etat profond qui désire le changement a été jouée en 1995, en 1999, en 2004… Avec le recul que seul le temps permet, on peut douter, sinon de l’existence même de cette frange positive du système, du moins de volonté de changement. 
La partition qui se joue en 2019 ressemble à s’y méprendre à celle de 2004, où on a atteint le summum de la fumisterie politique. A cette époque, au moment où le roi Ubu s’apprêtait à rempiler pour un second mandat, on nous a intoxiqués par cette idée de l’Etat profond opposé à un second mandat. On a même mandaté un pieux chevalier (un Ali La Pointe postindépendance) de la battre à plate couture. Beaucoup de monde s’est embarqué dans cette aventure, dont le commandant Azzedine, le regretté Colonel Salah Boubnider qui y ont cru jusqu’au bout au point de se retrouver à la place du 1er-Mai le soir des élections pour dénoncer la spoliation de leur champion de sa victoire. 
Question : que reste-t-il de cet épisode ? Et surtout, quelles leçons en a-t-on tiré ? 
Quand on voit l’aura de ceux qui succombent à la même partition jouée 15 ans après, il est permis de douter qu’une quelconque leçon ait été tirée. Bien sûr qu’ils ont le droit à l’illusion. Mais leur droit ne vaut pas moins que le nôtre à la désillusion ! Usons-le pour rappeler aux marchands de rêves quelques évidences. 
Parmi les soutiens du Général-candidat, se trouveraient les Rebrab, Aït Larbi, Layachi en attendant que d’autres goûtent à l’infusion ‘‘démémorisante’’. Evacuons le cas Rebrab qui est dans son rôle de chef d’entreprise qui, visiblement déçu par les résultats médiocres de sa stratégie de mise à l’écart du politique, décide de changer de fusil d’épaule en rencontrant le Général-candidat et en lui ouvrant les colonnes de son journal. Vraisemblablement, il cherche à montrer sa capacité de nuisance pour mieux protéger ses intérêts. Reste Mokrane Aït Larbi, au long parcours militant et dont l’expérience et la fine connaissance des arcanes du pouvoir auraient dû prémunir contre les illusions d’un changement par la voie des urnes en 2019 et qui apporte son soutien à un candidat qui sort de nulle part et qui croit que parce qu’il a interpellé des pontes du régime 2 heures avant les élections, le peuple l’attend comme le messie !   
En tant qu’individu, il est libre de se fourvoyer dans toute aventure qui lui plaira. 
Mais il se trouve qu’il reste l’un des rares symboles du combat démocratique à continuer à résister aux chants de sirènes de la rente et de la corruption morale et éthique qui ont broyé tant de symboles de luttes démocratiques dans ce pays. 
En soutenant le Général-candidat, il lui apporte la caution démocratique et l’aura médiatique dont il jouit. Mais il sait très bien qu’il ne peut y avoir de candidat à connotation démocrate dans cette mahzala électorale, pour la simple raison qu’en 2019, il n’y a pas la moindre place au projet démocratique.
Il sait très bien que les idéaux démocratiques pour lesquels il a consacré sa vie de militant ne peuvent être portés que par un démocrate au parcours avéré, aux convictions démocratiques fermes et qui a prouvé son attachement au combat des démocrates algériens auquel il aura effectivement pris part. 
Tout ce que le Général-candidat n’est malheureusement pas ! Dommage pour Aït Larbi qui a tout à perdre et rien à gagner dans cette aventure. Le soutien qu’il apporte à Ghediri peut avoir un sens dans un seul et unique cas : que ce dernier s’illusionne moins sur le résultat d’une élection jouée d’avance et s’engage publiquement à continuer le combat quelle que soit l’issue de l’élection. 
Sinon, le capital qu’il offre sur un plateau d’argent à un candidat qui vient de nulle part fondra comme de la glace, car à la moindre anicroche, le Général-candidat rejoindra son régiment d’attache. En attendant, le combat démocratique en Algérie aura perdu un de ses imminents symboles. 
Il nous restera à nous consoler par cette maxime : les peuples gagnent toujours à perdre leurs illusions. 
M. M. 

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