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ÉCOLE La fuite en avant

Par Ahmed Tessa
Au moment où le calendrier des examens et la date de la reprise des cours connaissent une avalanche de critiques, on s’attendait à une réponse appropriée de la part du ministère de l’Education nationale. 
Une réponse qui aurait pour vocation d’expliciter le choix de ces dates et de rassurer parents et élèves quant à la prise en charge effective des impacts négatifs induits par la longue «diète pédagogique» de sept mois. Or, ne voilà-t-il pas que dans le sillage de la publication de ce calendrier, le ministère annonce la prochaine révision des programmes scolaires. Pas un mot sur les appréhensions des uns et les angoisses des autres! Est-ce utile de prioriser une telle opération alors que l’urgence est au sauvetage d’une année scolaire – en réalité de deux années scolaires ? Un sauvetage qui nécessite la mise en place d’un double protocole psychologique et pédagogique bien détaillé et que tout le monde attend. 
Quant aux programmes scolaires, il est vrai que depuis la réforme de  2003, ils se caractérisent par une «obésité», porteuse de graves dérives dans les apprentissages scolaires. 
À commencer par cette Arlésienne d’approche par les compétences qui déroute aussi bien les enseignants et les inspecteurs que les élèves. 
Et ce, depuis 17 ans ! Sans parler de la prolifération des matières enseignées et d’un système d’évaluation des plus archaïques. Mais, en réalité, quoique très importants dans l’architecture pédagogique, il n’y a pas que ces éléments constitutifs des programmes qu’il nous faut revoir. 
C’est là une autre paire de manches ! Pour rester en phase avec l’actualité, contentons-nous de cette annonce du ministère sur les programmes.              En pédagogie scolaire tout changement de programme, de méthode ou de manuels doit être impérativement précédé par une phase d’évaluation. De quel changement parle-t-on ? Refonte, relecture ou réaménagement ? La réponse ne pourra émerger que de la phase d’évaluation préalable. Nos programmes, ne l’oublions pas, sont en circulation depuis 17 ans ! Et la notion de programmes de 1er et de    2e génération n’est que pur artifice sémantique (ils n’existent pas). Pour évaluer, il faut au bas mot une année scolaire pleine et dans des situations réelles de déroulement de la classe, en plus du travail d’analyse théorique qui est du ressort d’équipes de recherche. Tout ce protocole nécessite du temps, des moyens humains et matériels : des analystes de programmes scolaires, des évaluateurs de programmes. Autant de spécialistes qui auraient dû être formés et qui ne l’ont jamais été – malheureusement. Et ce n’est pas fini. 
L’évaluation fiable et crédible se réalise toujours à un double niveau.   En interne par les structures du ministère et en externe par un organisme indépendant. Est-ce possible de se lancer dans une telle opération sans réunir toutes les conditions de sa réussite ? Pour rappel, l’idée des programmes à revoir a de tout temps été dans la bouche des ministres depuis l’indépendance.  C’est quoi un programme d’enseignement ? C’est l’outil essentiel qui façonne le devenir intellectuel, social et éthique de la génération d’élèves pour laquelle il est destiné. Il est l’émanation/concrétisation d’un projet de société – qu’on le veuille ou pas ! N’oublions pas que l’école reçoit un mandat des citoyens pour former et éduquer en fonction d’un projet de société qu’ils ont choisi démocratiquement.
À la lumière de ce mandat, le programme d’enseignement sert à transmettre savoirs et connaissances pas de celles désuètes ou tronquées/falsifiées ; à développer les compétences intellectuelles supérieures (compréhension, analyse, synthèse et créativité) ainsi que les compétences de la vie (empathie, sociabilité...) et d’enraciner dans l’esprit et le cœur de nos enfants des VALEURS, notamment celles qui fondent la cohésion de la société et pérennisent le vivre-ensemble universel. Tout programme scolaire est appliqué via des méthodes d’enseignement, des modalités d’évaluation et de manuels. Cette conception du programme d’enseignement linéaire est, de nos jours, dépassée avec l’avènement de l’enseignement intégré qui postule la fin du cloisonnement disciplinaire. Une révolution qui nous vient de Finlande. Alors, la décision du ministère de revoir les programmes se fera-t-elle de façon prospective, soit à l’aune de l’arrivée imminente de cette révolution scolaire ? Ou bien, un changement de surface dans la «bonne et vieille» démarche administrative ?
Et aux questions qui fâchent de jaillir ! Le système scolaire algérien souffrirait-il des seuls programmes d’enseignement pour se précipiter à les changer ? Ces programmes d’enseignement ne doivent-ils pas s’adapter à des rythmes scolaires nouveaux et à une nouvelle politique de recrutement/formation des enseignants ? Pour ne citer que ces deux préalables. Et quid de la persistance d’une méthode d’enseignement qui remonte au Moyen-âge : bachotage de l’enseignant et parcœurisme de l’élève ; de la coupure linguistique entre l’école et l’université ; de l’iniquité entre les élèves d’un même pays, voire d’un même quartier ; de la misère des équipements d’un bon nombre d’établissements scolaires ; du «mammouth» à dégraisser où l’effectif administratif est pléthorique....? Arrêtons là les points noirs du tableau noir d’une école algérienne dont le mal se trouve à ses racines… avec des fondations vermoulues.
La refondation de l’école algérienne (en réalité de l’ensemble du système éducatif) est cette autre urgence à prendre en charge en parallèle avec le sauvetage de ces deux années scolaires (2019-2020 et 2020-2021). 
Le bon sens aurait voulu que le ministère s’attelle à une évaluation d’impact de la Conférence nationale d’évaluation de la réforme tenue en 2016. Voir si ses recommandations (formulées par des spécialistes et experts) ont été appliquées. Comment et pour quels résultats. 
Une évaluation d’impact qui nous réserverait bien des surprises… peu réjouissantes. En passant outre cette indispensable évaluation d’impact et en ignorant les préoccupations liées aux conséquences de la crise sanitaire nous ne faisons que reproduire un schéma mental dont les Algériens ont l’habitude... la fuite en avant.
A. T.

 

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