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Rubrique Contribution

La plateforme numérique, le parangon de l’économie de la connaissance

Par le Pr Baddari Kamel(*)
La révolution de l’internet ne permet plus aux entreprises d’ignorer l’importance de la transition numérique, autrement dit l’intégration des technologies digitales dans leurs processus de gestion et de production à travers l’élaboration de plateformes numériques en ligne, outil efficace pour doper leur croissance en réduisant, de manière drastique, la lourdeur des démarches administratives. Il y a une multitude de plateformes numériques en ligne dans le monde. Les plus connues sont Google, Facebook, Youtube, Instagram… autrement dit des moteurs de recherche servant au partage de vidéos, à la recherche d’informations, aux réseaux sociaux, au paiement en ligne, à la réservation d'hôtels et de voyages… Ces plateformes s’appuient sur des algorithmes et des réseaux informatiques valides. Si les plateformes numériques en ligne sont répandues au sein de l’économie numérique à travers le monde, dans notre pays, elles ne disposent pas jusqu’à aujourd’hui d’un régime juridique clair. Cependant, la loi de finances de l’année 2020, en lien avec l’économie digitale, mentionne clairement «l’obligation de payer un impôt… applicable pour les opérations de production et de vente de biens par voie de plateforme numérique», et plus loin, il est mentionné : «Cette disposition est à ce jour difficile à appliquer compte tenu du manque de traçabilité sur les transactions faites par voie électronique.» Ainsi, la loi reconnaît l’utilité de la plateforme dans notre pays, cite la problématique de son application mais ne donne aucun signe pour mettre fin aux entraves qui l’empêchent d’exister. Il appartient bien sûr aux institutions en charge du numérique de cerner les problématiques et d’en trouver les solutions. Qu’en est-il de la situation actuelle dans notre pays ? Quels en sont les obstacles et les remèdes à apporter en conséquence ? Ce sont autant de questions que cette contribution se propose d’aborder sans avoir la prétention de tout régler, mais modestement l’ambition de situer les faiblesses et d’apporter l’éclairage nécessaire.

Quelques préalables pour réussir la mise en place d’une plateforme
L’une des particularités de l’économie digitale est qu’elle est régie par des plateformes numériques en ligne fondées sur des techniques avancées de l’informatique et de l’électronique. Si les algorithmes informatiques doivent garantir un fonctionnement parfait de la plateforme en intégrant les outils les plus modernes tels que les agents intelligents, elles devront assurer à toute épreuve une traçabilité des transactions effectuées par les usagers. À cet égard, il faut signaler que la sécurité des données, l’accès et l’échange d’informations entre les usagers constituent une constante fondamentale pour la crédibilité des services offerts par la plateforme numérique en ligne. En outre, une plateforme digitale doit fournir à l’usager une information fiable, toujours mise à jour et opérer sur une bande passante d’internet assurant une circulation et une disponibilité remarquables de l’information toute en étant disponible sur tout le territoire national, et en garantissant l’échange avec tous les continents avec la même perfection. Ces quelques préalables au côté de l’indispensable acquisition de la culture du numérique devront faire l’objet d’une attention particulière avant d’envisager le lancement du projet. Sans cela, une plateforme numérique sera circonscrite aux seules régions du pays disposant de ces préalables, ce qui n’est pas sans conséquence sur la production des plateformes digitales appelées à introduire plus d’égalités et annihiler, sinon réduire, autant que possible les lourdeurs administratives quelle que soit la région où l’on se trouve. Dans le cas où ces préalables ne sont pas garantis, la plateforme risque d’être contre-productive, et au lieu de réduire les inégalités administratives dans le pays, elle les accentuera, voire même les consolidera.

Nature et aspects sociaux des plateformes numériques en ligne
On distingue plusieurs catégories de plateformes : les plateformes généralistes, les plateformes free-lance et les plateformes de services. Premièrement, les plateformes généralistes, d’envergure mondiale, proposent du travail virtuel indépendamment de la localisation géographique des offreurs et des demandeurs de services. Les tâches proposées par cette catégorie de plateforme sont, entre autres, le développement web, le design graphique, la programmation informatique, l’identification d’objets sur des photos ou vidéos nécessaires notamment pour l’intelligence artificielle, la duplication de données, la traduction et la rédaction de textes, la participation à des concours créatifs, etc. Deuxièmement, les plateformes de travail freelance, qui intéressent plus particulièrement des travailleurs indépendants, sont des plateformes qui permettent de faciliter le contact et la mise en relation entre un freelancer et un employeur géographiquement répartis. Dans cette catégorie sont nées les plateformes d’intermédiation car du côté des entreprises, il est souvent difficile de trouver un travailleur indépendant qui correspond entièrement à ses attentes. Troisièmement, les plateformes de services qui réalisent une intermédiation entre des offreurs et des demandeurs de services immatériels, comme les plateformes d’Uber pour le transport de personnes, de livraison de repas (Deliveroo, UberEats), d’hébergement touristique (comme dans le cas de Airbnb), etc.
Les plateformes digitales de travail ont un impact social de première importance. Elles sont l’occasion d’offrir de nouvelles opportunités d’emploi, y compris pour les femmes au foyer, les personnes en situation d’handicap, les personnes marginalisées au sein du marché de travail classique... L’étudiant pourra accéder à des « jobs » tout en continuant ses études en présentiel. Elles permettent à l’entreprise de disposer d’une main d’œuvre abondante et flexible aux compétences diverses. En matière de justice, l’une des conséquences liées aux aspects sociaux concerne entre autres la formation des juges, des avocats, des notaires…qui devront se familiariser avec l’utilisation des plateformes numériques et aussi avec les litiges portés par l’introduction et l’usage de ces nouveautés.

La plateforme numérique, un outil novateur pour cerner l’acquittement des obligations fiscales et sociales relatives aux revenus
Afin de réduire entre autres la lourdeur du travail administratif et les pratiques bureaucratiques, il est désormais indispensable d’élaborer ou d’adapter des textes à l’égard de la plateforme numérique en ligne réalisant des ventes ou des prestations de services. Elle devra fournir à ses usagers une information loyale, claire, d’actualité et autant que faire se peut transparente. Elle doit adresser périodiquement à ses usagers un état récapitulatif des montants des transactions réalisées par son intermédiaire afin de les aider à déclarer leurs revenus auprès de l’administration fiscale. Elle devra aussi fournir les liens électroniques nécessaires vers les sites des administrations utiles pour se conformer aux obligations, et d’acquérir l’information nécessaire. D’autre part, elle est tenue d’adresser ces mêmes informations à l’administration fiscale. C’est la meilleure façon de réduire les inégalités, la lourdeur administrative et les velléités de détournement des procédures ou d’échapper au fisc. Elle permet également à l’administration fiscale d’identifier les cas d’individus qui se livreraient à une activité sans s'être préalablement enregistrés comme telle et sans respecter les obligations fiscales et sociales qui leur incombent à ce titre. La plateforme numérique en ligne, dans le cadre de l’économie collaborative, introduit donc une modernisation du dialogue social et crée un nouveau rapport social entre les organisations et la population utilisant une ou plusieurs plateformes.

Qu’en est-il de la situation en Algérie ?
La culture numérique est devenue un préalable indispensable pour les citoyens car elle est le condensé de plusieurs technologies tout en étant porteuse des meilleurs outils pour l’efficience dans la gestion. Les entreprises et les institutions dans notre pays n’ont pas encore intégré cette culture numérique dans leur vie de tous les jours bien que des tentatives, par-ci et par-là, infiniment insuffisantes, permettent de rendre compte de l’état actuel de leur existence et de l’importance accordée par les pouvoirs publics à la transition numérique dans le devenir du pays. Il faut signaler à cet effet, il y a un peu plus d’un an, lors du Conseil des ministres du 20 mars 2020, le président de la République a signalé toute l’importance d’accélérer la transition numérique à tous les secteurs du pays, et a insisté sur la mise en œuvre des conditions qui permettent sa réussite. À ce jour, il est regrettable de constater sur le terrain que les réalisations effectuées ne reflètent pas les attendus de cette orientation politique qui requiert notamment une interaction étroite entre les différents acteurs pour favoriser la création de pôles d’excellence nécessaires pour atteindre une masse critique ; autrement dit, un marqueur de rentabilité d’une entreprise.
À ce jour, l’identification des projets structurants mis en œuvre est notoirement faible. La création de pôles d‘excellence, un rassembleur des industriels, des chercheurs et des étudiants, est restée à l’état de promesse, et par voie de conséquence toute velléité d’évolution en la matière est freinée, faisant en sorte que la mise en place d’incubateurs ou d’accélérateurs de startups ne connaît que des discours creux, sans commune mesure avec les orientations politiques du pays. Les startups créées semblent être une copie carbone du dispositif Ansej qui, on le sait, n’a pas donné les résultats escomptés par manque d’une stratégie définie au préalable, connue sous le nom de business model ou modèle économique indispensable à la rentabilité de tout projet.

Certes, il ne faut pas occulter certaines tentatives, mais qui, hélas, demeurent insuffisantes compte tenu des attentes du pays en la matière car les bases de création sont invalidées par le manque de réelles perspectives, et aussi par les moyens insuffisants mis en œuvre pour concrétiser l’orientation politique. Les porteurs de brevets ne sont pas sollicités faisant de telle sorte que les brevets domiciliés à l’Inapi ne font l’objet d’aucune attention particulière par ceux qui souhaiteraient  la création de startups.
Les ministères de l’Intérieur, des Finances, de la Justice et de la Poste ont développé des plateformes numériques qui ont considérablement réduit les pratiques bureaucratiques à l’échelle nationale.
Elles doivent servir d’exemples et de rampe de lancement des projets en la matière pour les autres institutions et entreprises qui, étrangement, demeurent atones. Il faut aussi souligner que la transition numérique, dévolue au ministère  de la Numérisation  et des Statistiques, n’est pas l’affaire d’un seul ministère. C’est un écosystème où chaque partie pourra inter-réagir avec les autres pour renforcer sa prospérité et participer au développement du pays. Le ministère en charge de la Numérisation  et des Statistiques sera perçu comme le catalyseur de cet écosystème avec une véritable stratégie portant des objectifs atteignables et des échéances réalisables qui permettent au pays d’entrer dans le giron des pays développés en la matière. Les moyens existent, les ressources humaines aussi. Il faut signaler à cet égard le rôle éminemment important que doit garantir le ministère de l’Education nationale dans l’enracinement de la culture digitale chez les enfants, car la culture numérique se construit dès le jeune âge, à l’école. Une stratégie fondée sur l’utilisation d’internet et l’apprentissage de la logique, des mathématiques et de l’informatique dès l’école primaire est devenue aujourd’hui indispensable.
Conclusion
La plateforme numérique connaît un succès considérable dans la modernisation du rapport de travail, ainsi que dans la numérisation de la société. La souplesse de la notion lui a permis d’assurer un spectre très large dans les différentes disciplines s’intéressant à l’économie de la connaissance. Elle est désormais considérée comme un opérateur en ligne, autrement dit comme une personne physique ou morale apte à fournir au moyen d’algorithmes informatique et d’internet des services à distance. Il ne va pas sans dire que le recours au numérique est  devenu un défi de première importance, car il s’agit de la souveraineté du pays. Les pays qui n’auraient pas pris le train du numérique  verront manifestement leur souveraineté sérieusement réduite, voire même menacée.
La maîtrise de la souveraineté numérique, autrement dit l’investissement et l’usage des TIC, demande une prise de conscience collective car l’enjeu dépasse la simple transmission de données. C’est toute la chaîne du numérique qui doit être reconquise depuis les systèmes d'exploitation et de gestion des big-data, jusqu’au web social tout en contribuant aux progrès économique  et social, à la réduction de la fracture du savoir, à la formation, à la recherche et à l’innovation.
C’est en cela que la plateforme numérique en ligne sera le trait d’union qui unira les différentes organisations du pays pour les mener vers des lendemains meilleurs. Elle est en quelque sorte le parangon des libertés, de l’initiative, de l’engagement, de l’efficacité et de l’excellence, sans toutefois perdre de vue que nous avons tendance à demander trop à la technologie, et pas assez à nous-mêmes.
B. K.

(*) Professeur des universités en physique et mathématiques. Expert du numérique, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Expert en conduite de changement. Université de M’Sila.

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