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Rubrique Contribution

Jeux et enjeux des espaces maritimes L’Algérie, un pays… presque «sans littoral»

Par Farid Omari
On dit que le transport maritime est l’épine dorsale du commerce international. En effet, plus de 90% des échanges de marchandises se font par voie maritime. La venue du conteneur a révolutionné ces échanges et ainsi favorisé la mondialisation. Le phénomène de la conteneurisation a bouleversé la vie sur terre : changé les métiers des Hommes(1) (techniques et pratiques), façonné la géographie (conception des réseaux logistiques — Infrastructures — ports, routes, plates-formes…), constitué un terrain propice d’innovation pour les chercheurs dans le domaine du management des flux, de la gestion de la performance et des nouvelles technologies. 
Le conteneur a réduit drastiquement le coût du transport et donné naissance au phénomène de «gigantisme» dans la construction navale dans le but de diminuer ces coûts. Les armateurs sont les donneurs d’ordre et ce sont eux qui en bénéficient davantage.
Les ports desservis par les grands navires bénéficient en particulier d’économies d’échelles car ils attirent des navires de grande taille (allant à plus de 22 000 EVP(2)).
Ceux (les ports) des pays non développés se contentent des services de collecte, desservis quant à eux par des feeders(3). 
Les coûts liés au passage portuaire sont un élément-clé dans le choix des ports d’escales par les armateurs (transporteurs).
Il est prouvé qu’il existe une corrélation entre l’efficacité portuaire, les coûts de transport et le commerce (maritime).
Sans amélioration dans l’efficacité des opérations portuaires(4) et sans augmentation des exportations, nos ports seront marginalisés et ne vont bénéficier que du service de «feedering» (collecte).
Il faut comprendre qu’en présence d’une faible densité de trafic, les tarifs de transport augmentent, ce qui engendre des coûts pour les importateurs et exportateurs et limite la compétitivité de l’économie.
L’Indice de connectivité des transports maritimes pour l’Algérie est de 12,81 sur une échelle de 100 alors qu’un pays sous embargo comme l’Iran est mieux positionné (voir table 1).   

Indice de connectivité des transports maritimes réguliers(5)
En s'établissant à la 107e place dans le classement de la performance en matière de logistique, l'Algérie, selon l'édition 2017 du rapport «Connecting to compete 2018» de la Banque mondiale sur les pays les plus performants en matière de logistique, enregistre un score de 2.45 points (6).

Comment améliorer la situation et par quels mécanismes ?
Nous avons toujours favorisé l’intuition à l’analytique et la forme sur le fond. Il y a un processus simple qu’on nous a appris à l’école et qui consiste à se poser principalement trois questions pour solutionner un problème, que sont :
- Que dit la science sur la question ?
- Quelles sont les expériences d’autrui (échecs et réussites) ?
- Quelles leçons tirer de cette science et de ces expériences ?
Les données collectées permettront de concevoir une stratégie qui va guider nos décisions futures (décider sur des références).
Cette stratégie relative au secteur des transports maritimes doit être en cohérence avec la stratégie globale du pays (autres secteurs : commerce, finances, défense…). 
Points à considérer dans l’élaboration de cette stratégie maritime :
- Revoir celle-ci (stratégie) dans le cadre d’une intégration régionale (marchés, flotte, ports, logistique, industrie maritime…).
- Créer une cellule de Business Intelligence au niveau du ministère des Transports et des Travaux publics (veille sur les pratiques…).
- Opter pour une politique de partenariat et d’alliances(7) avec des armateurs (amélioration du service et extension géographique, plutôt que de tenter vainement de réguler par des textes (cas des récentes notes émises par l’Abef, relatives à l’utilisation exclusive de l’incoterm FOB).
- Faire participer de manière majoritaire le secteur privé (productif) dans l’investissement (équipements, installations, management,…), toute en étudiant l’opportunité d’un partenariat public-privé.
- Réviser tout processus, procédure, texte, loi ou pratique ayant un impact négatif sur les délais et les coûts dans la chaîne logistique globale (opérations physiques, immobilisations, rotations des conteneurs, pratiques des banques, douanes, impôts, commerce, transport…).
- Actualiser les dispositions du code maritime (dispositif relatif à l’affrètement des navires, pavillon de complaisance...).
- Revoir le texte relatif à la concession des services de transports maritimes.
- Revoir le texte relatif à l’octroi d’agrément d’auxiliaire des transports maritimes et du dispositif de contrôle des comptes d’escales des navires.
- Lier les coûts de passage portuaire à la performance des services fournis par les ports (remorquage, accostage, manutention,…) et contractualiser cette performance avec les armateurs. 
- Réduire les délais de traitement des comptes d’escales et de transfert de devises (utilisation des TIC). 
- Relancer les projets liés aux TIC (communauté portuaire, guichet unique, dématérialisation…)
- Relancer le projet de mise en place d’un «conseil des chargeurs» 
- Améliorer le dispositif de gestion des flux logistiques terrestres en sortie des ports. 
- Encourager la recherche scientifique en matière de gestion de la chaîne d’approvisionnement globale où fera partie l’Ecole nationale supérieure maritime, ENSM – Bou smaïl (rôle principal des universités).
Les pays développés comme la Chine, le Royaume-Uni, pour ne citerque ceux-là, ont fait de l’industrie maritime, non seulement un outil de développement du commerce et de l’économie en général, mais aussi un outil de guerre en temps de paix. 
Car en sus du commerce proprement dit, se cachent des stratégies de conquête(8) (collier de perles – figure 2), de géostratégie(9) (nouvelle route de la soie), autoroutes de la mer (Meda-MoS),….
Tout endettement amenuisera nos ressources naturelles et énergétiques en particulier, sachant que plus de 80% des exportations vers la Chine sont des matières premières.
L’Algérie doit être économiquement et militairement prête à négocier sa place dans cet échiquier mondial afin de préserver ses intérêts en termes économique et spatial(10) (figure 3), protéger ses ressources et en assurer leur pérennité aux futures générations.
Il est dit que «celui qui contrôle la mer, contrôle le commerce».
Les enjeux sont énormes et il est salutaire de revaloriser le transport maritime en Algérie car au fil des temps nous en avons fait un pays sans littoral et géographiquement aride.
F. O.

* Expert international diplômé de l’OEI, Genève-Suisse MBA UQAM, Université du Québec à Montréal-Canada, expert maritime agréé - UAR, certifié - Ejla, Europe, capitaine au long cours, ENSM.

Notes :
1) Hommes : il est entendu femmes et hommes.

2) EVP : Equivalent vingt pieds
3) Petits navires de collecte.
4) Taille minimum d’efficacité, équipements modernes, simplification des processus grâce aux TIC… 
5) Indice de facilitation des échanges et des transports.
6) https://donnees.banquemondiale.org/pays/algerie
7) Opérationnelles et/ou stratégiques (voir figure 1) ou opter pour des contrats de «slots».
8) https://www.alternatives-economiques.fr/strategie-collier-de-perles-0109200970931.html
9) https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2017/10/Asias-Focus-45-octobre-2017.pdf
10) Souveraineté sur ses espaces maritimes.

Figures:

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