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Rubrique Contribution

Le trauma à toutes les sauces ou la ratatouille théorique des quatre saisons

Par Amin Hadj-Mouri(*)

Je réponds ici à l'entretien que Karima Lazali a donné au Soir d'Algérie. Mon propos sera nécessairement condensé. Je prépare un écrit plus étoffé, qui fait suite à celui que j'ai déjà mis sur le site de l'AECF Lille, sous le titre : «Pourquoi nombre de révolutions...»
Alors que la société algérienne traverse une crise essentielle et décisive pour son avenir, la responsabilité des intellectuels est capitale quant aux lectures qu'ils proposent et mettent à disposition de leur peuple, quels que soient les choix ultérieurs que fera ce dernier. Car sa responsabilité est tout aussi importante, et l'argument facile et fallacieux, souvent usité «on ne savait pas», ne vaudra plus.
Par cette réponse, à l'interview du Soir d’Algérie, je ne cherche nullement à polémiquer. Même si mon propos peut en présenter certains tours, il s'agit surtout de réhabiliter la ‘’dispute’’ pour revaloriser la discordance et se libérer des funestes consensus béats, nourris par un humanisme néocolonialiste, qui croit s'affranchir de la culpabilisation coloniale, en continuant à victimiser les ex-colonisés, malheureux traumatisés de toute éternité. Comme s'ils n'avaient pas pris les armes contre le colonialisme, dès que les armées françaises ont foulé le sol algérien, jusqu'à la conquête de leur indépendance. Cette obsession du trauma, qui fait les choux gras des idéologues de la psychologisation, rejette la logique propre à la subjectivité (et non " les subjectivités", confondant ainsi la subjectivité Une, et ses multiples (plurielles) manifestations qui la concrétisent, comme le montre assez la pathologie : un délire reste caractérisé par les mêmes mécanismes, sous toutes les latitudes, quels que soient ses contenus et ses emprunts aux cultures locales. De même pour les hallucinations, pour errer dans des conceptions faites de bric et de broc, s'emparant de concepts analytiques en pervertissant leur assise épistémologique et en les amalgamant à des considérations morales, néfastes aussi bien pour le peuple algérien que pour le discours analytique, qui ne demande pas cela pour être connu et reconnu. Cette «œuvre» empathique, adressée aux «pauvres Algériens», au niveau desquels il faut se mettre (quelle humilité !), est généralement concoctée par des officines idéologiques, surtout françaises, qui chargent leurs affidés (es), — «trabendisme intellectuel» oblige —, moyennant récompense et reconnaissance, de répandre ce type d'explication causaliste simpliste, voire débile (incapacité de raisonner en trois dimensions), assortie d'arguments «tripiers», chargés d'émotion pour faire avaler le pathos psychologique, conformément aux impératifs de la «belle âme», toujours victime, jamais responsable. Les «visages jaunis» ne craignent jamais la honteuse «tbahdila» !
Telle Toinette, dans le Malade imaginaire de Molière et sa réponse stéréotypée «le poumon», adressée à Argan, nous voilà passés allègrement du «trauma colonial» au «trauma social» (je cite : «La société est passée du trauma colonial au trauma social»). De quoi faire pâlir quelques sérieux sociologues et/ou historiens ! Bref, on n'est pas à une offense de l'éthique du discours analytique, près. Pire, ce genre d'argument, qui ressortit à un choix théorique, n'est pas sans conséquences politiques. Et il a beau mettre en avant des considérations techniques et empiriques — la clinique et la thérapeutique —, il est fondamentalement réactionnaire et funeste.
Le larbinisme idéologique «occi(re)dental» «chouchoute» les «modérés», éclectiques, et rejettent les «radicaux» qui forment le «front du refus», et qui «terrorisent» les tenants de la modernité univoque que le néolibéralisme barbare soutient. Et une de ces manœuvres actuelles, comme dans les années 1950/1960 avec le triomphe de «l'American Way of Life», consiste à pervertir par tous les moyens, le legs freudien et son concept central : l'inconscient, qui fait office de «mesmar dj'ha», faisant échec à tous ceux qui cherchent à le «déraciner» et à l'extirper, d'une façon ou d'une autre.
Amin Hadj-Mouri

(*) Docteur en psychopathologie. Psychanalyste.
Membre fondateur de l’AECF Lille et de Dimensions
de la psychanalyse (Paris).

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