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Rubrique Contribution

BILAN DES PROJETS DITS DU SIÈCLE 1999-2019 Surcoûts exorbitants, retards, gabegie et bricolage

Par Pr Abdelkrim Chelghoum(*)
Pour commencer cette contribution, permettez-moi de citer le célèbre poème écrit par le poète Su Shi, pour se moquer de la situation des enfants issus de milieux aisés et des relations politiques ayant toujours le dessus sur les enfants brillants de statut inférieur.

«Les familles, quand un enfant est né
veulent qu’il soit intelligent
J’ai, grâce à mon intelligence
anéanti toute ma vie,
Le seul espoir que le bébé se
 révélera ignorant et stupide
il coulera ensuite une vie tranquille
en devenant ministre »
(Su Shi (104) Naissance de mon fils, poète chinois, 1037-1101)

Préambule
Soucieux du respect de l’éthique et de la déontologie, je clos l’analyse technique relative au bilan des grands projets lancés au cours des quatre derniers quinquennats en espérant que le pilotage des   nouveaux programmes à venir sera à la hauteur des tendances et objectifs planifiés. Aussi je tiens à préciser que tous les avis, questionnements et recommandations cités dans l’ensemble de nos interventions ne relèvent ni de la fiction ni du dénigrement, mais découlent des résultats réels obtenus à partir d’une centaine d’expertises que nous avons eu l’honneur d’exécuter en tant que cabinet spécialisé dans la quantification des risques, le génie parasismique et la dynamique des sols pour le compte de groupes étrangers et nationaux en charge de la réalisation de ces grands ouvrages. Conformément au corpus des règles de l’art, la présente contribution est basée sur un inventaire actualisé de l’état des lieux des projets structurants lancés tous azimuts depuis vingt ans en considérant essentiellement les volets surcoûts, surfacturations, délais et dangers encourus par leur implantation aléatoire et irréfléchie. Ainsi, l’objectif de la présente démarche est de compléter les bilans publiés dans le quotidien Le Soir d’Algérie les 14 et 15 décembre 2014, le 26 novembre 2017 et le 10 novembre 2018. Les deux premiers ont couvert les trois quinquennats alors que le troisième a exposé un constat technique étayé et compilé à mi-chemin du 4e mandat et, enfin, dans le quatrième, un aperçu exhaustif est établi sur la traçabilité des évènements ayant occasionné des pertes considérables en vies humaines et dégâts matériels depuis 2001 et dont la cause principale, comme je l’ai toujours signalé, réside dans l’incompétence chronique des différents gouvernements à gérer intelligemment une situation de crise quelle que soit son origine. Pour rappel, tous les aspects liés aux carences majeures enregistrées au niveau de ces projets sur les plans organisationnel, conceptuel, sécuritaire, pilotage et coûts, ont été clairement identifiés, analysés et justifiés dans mes diverses contributions parues antérieurement dans toute la presse écrite, pour ne citer que celles publiées dans le quotidien national Le Soir d’Algérie le jeudi 23 août 2012 «Rétablir les vérités», le 10 octobre 2012 «Cessons la polémique», le 6/3/2016 «Vérités et mensonges sur un mégaprojet», le 2 février 2014 sous le n°7091 intitulée «Les véritables raisons de l’effondrement du tunnel de Djebel El-Ouahch», le 13 mars 2014 sous le n°7125 intitulée «Ces catastrophes en cascades qui touchent l’autoroute Est-Ouest», le 15 juin 2014 sous le n°7203 intitulée «Viaduc trans-Rhumel de Constantine : des carences majeures», le 9 avril 2014 sous le n°7148 intitulée «La réalisation de trois millions de logements avril 1999-avril 2014 ou l’impossible équation». Il faut dire que la gestion de ces projets sur les plans faisabilité, négociation, prise de décision des montants alloués, conception et suivi a été assurée sans discontinuité par la même équipe depuis 1999, ce qui rend nos conclusions tout à fait réalistes, impartiales et sans équivoque.
Dans ce contexte, je procéderai à un diagnostic chiffré sur l’état de ces projets avec les surcoûts hors normes engendrés à chaque étape de leur évolution impactant de trois à quatre fois le montant initial «déjà surévalué à la source» couplé avec le non-respect flagrant des délais de réalisation (le délai prévisionnel contractuel est généralement multiplié par deux voire trois en fonction des vices cachés) sans aucune application stricte des clauses contractuelles relatives aux pénalités de retard de la part des pouvoirs publics en charge des dossiers. De plus, il faut dire que les dangers gravissimes encourus par 90% de ces projets par rapport aux aléas en place qu’ils soient d’origine naturelle (séismes, inondations, mouvements des sols, sécheresse, désertification) et/ou technologique (risques industriels et pétrochimiques) vont compliquer pour les prochains gouvernants toute mise en œuvre d’une stratégie de prévention et de protection des biens et des personnes.
 Le bilan de cette politique menée unilatéralement en vase clos sans débat contradictoire, a engendré l’effet inverse sur le développement durable du pays et la qualité de vie du citoyen dont les contours peuvent être résumés à ce jour comme suit : un appauvrissement accéléré de la classe moyenne, un aménagement du territoire obsolète, une urbanisation anarchique et débridée, des ensembles d’habitations et d’équipements très vulnérables représentant un réel danger à tout moment pour leurs occupants, des universités, hôpitaux et écoles réalisés hors normes par des tâcherons, en état de délabrement avancé quelques mois après leur réception, un trafic routier immobile devenu un véritable risque majeur et un handicap pour l’économie, un réseau internet à la fois inopérant et obsolète, et ce, malgré les investissements colossaux consentis, des barrages et viaducs importants fissurés avec un risque d’effondrement imminent, des coupures récurrentes d’eau allant jusqu’à 4 à 5 jours touchant toutes les wilayas, et enfin une capitale complètement désarticulée et asphyxiée. Concernant le volet stratégique relatif à la gestion de la prévention des risques majeurs et des situations de crise le constat est parlant avec des pertes importantes en vies humaines et des dégâts matériels dépassant 30 milliards de dollars depuis les inondations de Bab El-Oued du 10/11/2001.  
Cette intervention sera circonscrite aux projets phares suivants : l’autoroute Est-Ouest, les centrales électriques de 1000 MW de Terga et Koudiat Edraouech, la grande mosquée d’El Harrach, les villes nouvelles, l’aménagement de l’oued El-Harrach et Les Sablettes, l’étude de résilience PDRU de la capitale, les promotions immobilières privées, le nouveau port centre de Cherchell, le viaduc de Mila et le barrage de Beni Haroun, les stades de Baraki et de Tizi-ouzou, ainsi que le programme de logements. La liste de ces projets calamiteux est encore très longue avec son lot de tares et de dangers et concerne l’ensemble des secteurs sans exception, ce qui explique l’impact désastreux sur l’économie du pays et la sécurité nationale.  Des sommes colossales dépassant 1 400 milliards de dollars US à ce jour ont été gaspillées en grande partie dans l’informel, les surcoûts et surfacturations, avenants en cascades, trafic de tout genre au profit de la camorra de patrons véreux et voraces sans aucune forme de contrôle de la part des pouvoirs publics. Pour éviter tout égarement en conjectures et détails futiles, je traiterai le cas des projets suscités comme modèles de corrélation statistique pour une évaluation réaliste des pertes financières et manque à gagner engendrés par l’absence totale d’une gestion cohérente et correcte des affaires de l’Etat.
La capitale Alger et le PDRU : Dans nos précédents articles, nous avons identifié Alger sur la base de certains principes et règles de l’ordonnancement urbain comme une métropole, sans âme, polluée et dont le pronostic vital est déjà engagé. En effet, son extension anarchique défie les règles minimales de la politique urbanistique imposées par la règlementation en vigueur, POS, PDAU et PER (plans d’exposition aux risques). Ce qui est frappant dans la gestion de cette cité c’est la facilité avec laquelle l’administration wilayale squatte systématiquement la moindre poche de terrain intra-muros pour implanter des ouvrages démesurés par rapport à l’environnement naturel immédiat sans espace vert occultant toute étude d’impact et au mépris des lois en vigueur. Des promotions immobilières privées érigées dans les lits mineurs des oueds, sur des terrains fortement accidentés et lâches, des terrains agricoles, les sites longeant le littoral (domaines protégés par la loi) poussant comme des champignons en toute impunité ont défiguré l’urbanisation et l’architecture originelles des quartiers. Il faut dire que toutes ces opérations ont été lancées depuis une quinzaine d’années par un «tout-venant d’analphabètes trafiquants de tout bord» encadré et soutenu par les décideurs. Aucune commune n’a été épargnée par ce déluge, les plus touchées sont les daïras de Cheraga, Hydra, Kouba, Ouled Fayet, Aïn Benian, Staouéli, Boumerdès et Ben Aknoun.

Une brève tournée à travers ces quartiers permet de confirmer facilement cet état des lieux pitoyable. 
Aussi je ne peux m’empêcher de constater que la réalisation du projet du «grand hôpital militaire mère-enfant» érigé sur le terrain agricole (Djenane Elouz) jouxtant le rond-point de Beni Messous-Cheraga, peine à progresser depuis l’achèvement de sa carcasse il y a plus de deux ans (?) polluant ainsi la vue des citoyens et amplifiant les nuisances insupportables pour l’environnement immédiat. 
La dernière farce présentée par l’inamovible wali d’Alger concerne l’élaboration d’un PDRU (étude de résilience) de la capitale pour la transformer, tenez-vous bien, en «smart city» alors qu’il est dans l’incapacité de régler efficacement la collecte des ordures ménagères à travers les quartiers. Dans ce contexte, il est utile d’expliquer au lecteur non averti le concept d’une ville résiliente ! Ainsi pour remplir le conditions d’admission au club des «villes résilientes», une métropole ou une agglomération doit avoir la capacité de s’adapter aux évènements (aléas ou dangers) afin de limiter les effets des catastrophes naturelles et de retrouver le fonctionnement normal le plus rapidement possible, par conséquent elle doit fonctionner comme un écosystème urbain dynamique qui consomme, se transforme et libère des substances et de l’énergie d’une manière adaptive et en interagissant avec d’autres écosystèmes en prenant en compte la qualité de vie grâce à un urbanisme mieux conçu et plus vert. 
En résumé, une ville résiliente est capable de s’adapter et prête à affronter les impacts climatiques existants et futurs en limitant leur ampleur et gravité. Au vu de ces spécificités draconiennes, une question mérite d’être posée : sur quelle principe le wali d’Alger a décidé de lancer ce PDRU pour une capitale avec un centre originel abandonné insalubre et délabré, sans espaces verts, des rues bouchonnées à toute heure, verrouillées, «dos-d’ânées» et très vulnérable vis-à-vis de plusieurs risques conjoncturels tel que les inondations récurrentes de tous les quartiers après la chute de quelques gouttes de pluie ? Ce qui est grave malheureusement dans cette affaire, c’est la marginalisation de tous les experts et BET nationaux mis devant le fait accompli par ce wali, qui a décidé de confier cette opération sur la base du gré à gré à une personne vivant à l’étranger et qui n’a jamais exécuté le moindre projet dans ce pays ! Premier questionnement : quels sont les moyens humains, matériels et financiers présentés par ce BET pour être retenu compte tenu de la complexité des paramètres à traiter sur site ? Il est clair que l’élaboration d’un programme aussi stratégique que complexe requiert l’intervention régulière et continue d’au moins une centaine d’experts toute filière confondue ayant une expérience avérée dans les domaines de la géotechnique, la quantification des risques majeurs touchant la région centre, la cartographie, le génie civil, la collecte qualitative de l’information, la géophysique, etc. Deuxième questionnement : est-ce que la personne retenue possède tous ces moyens en qualité et quantité ? Compte tenu de l’opacité totale dans laquelle ce contrat a été octroyé, les services compétents du gouvernement sont dans l’obligation de procéder à un audit global de cette opération. Une troisième question à laquelle le wali d’Alger devrait répondre : à la réception du document final de ce PDRU comment et par quel biais sa validation serait faite ?
Absence totale d’une stratégie de prévention face aux risques : Dans la contribution du 10 novembre 2018, nous avons considéré le risque majeur «inondations» qui concerne toutes les régions du pays Est-Ouest, Nord-Sud et Grand Sud pour établir un constat technique comparatif des situations catastrophiques qui ont touché ce pays depuis la date référentielle de 1971. De cette recherche, il a été enregistré en moyenne sept à dix inondations de grande ampleur par an touchant essentiellement les grandes villes depuis 2015. Ce qui est à la fois gravissime et inquiétant depuis le début de l’année 2018, des inondations récurrentes et dévastatrices ont touché plus de 32 chefs-lieux de wilaya (Constantine, Tébessa, Alger, Batna, Sidi Bel-Abbès, Oued Tlelat w. Oran, Tizi-Ouzou, Boumerdès, Bouira, Adrar, BBA, In Amenas, Aïn Guezzam, Setif, etc.) avec des dégâts humains et matériels inacceptables sur le plan technique évalués à des milliards de dinars sans qu’aucun responsable (ministres, walis) ne soit inquiété ou sanctionné. A titre d’exemple, on peut citer le cas du jeune Ayache (Allah yarhamou) tombé dans un tube de puits artésien et dont l’extraction a pris plus de neuf jours prouvant encore une fois l’incompétence totale du gouvernement a gérer correctement une situation de crise pour sauver des vies humaines. Une simple comparaison des courbes représentant l’évolution des pertes humaines et matérielles durant les périodes 1971-2000 et 2000-2018 dégage un coefficient d’amplification supérieur à 4 (ce qui est énorme) et démontre clairement la gravité de la situation et l’inexistence d’une stratégie de prévention des risques majeurs malgré l’importance des enjeux en place. Je rappelle que l’ancien ministre de l’Intérieur devenu aujourd’hui Premier ministre, avait promis de mettre en application une grande stratégie de prévention contre les risques majeurs suite aux inondations de 2018. Nous sommes toujours dans l’attente de ce document !
L’autoroute Est-Ouest : Il est utile de rappeler au lecteur non averti que le lancement d’un projet de cette importance doit respecter les fondamentaux basés sur les études suivantes : la faisabilité avec toutes les études de risque et d’impact sur l’environnement, la rentabilité et la résilience et dont l’objectif attendu devrait aboutir à l’augmentation du gain de temps pour les usagers, la contribution à un aménagement équilibré et rationnel du territoire et la création d’un nouvel espace socioéconomique rentable et attractif pour l’investissement. 
Malheureusement comme indiqué dans nos précédentes contributions relatives à ce mégaprojet, ces trois étapes pré-requises pour une réussite sans faille des études d’exécution ont été élaborées superficiellement, voire bâclées, ce qui explique l’état calamiteux dans lequel se trouve cette autoroute dont le constat technique post-réception est sans appel, à savoir un lot phénoménal de tares, malfaçons et inepties gravissimes sur tous les tronçons telles que : affaissements de chaussée, éboulements, crevasses, hernies, bourrelets, nids de poules, glissements et sinistres pathologiques et irréversibles de tout genre et une vulnérabilité accrue aux inondations. Deux entreprises étrangères de renommée douteuse avec certains tâcherons privés nationaux érigés en groupe, ont largement contribué à l’échec de ce mégaprojet livré contrairement aux normes d’usage. 
Ce qui nous amène à affirmer que les pouvoirs publics ont réussi l’échec ultime en réalisant le kilomètre le plus bricolé et le plus cher de la planète ; en effet l’évaluation initiale du kilomètre était fixé entre 5,5 et 6 millions de dollars par le ministère des Travaux publics après une pseudo-maturation de l’APD (avant-projet détaillé) soit un coût global de ce tracé de 1216 km d’environ 7 milliards de dollars. 
Par rapport aux surcouts faramineux injustifiés impactant ce ruban de goudron en l’état, le montant dépensé avoisine à ce jour plus de 17 milliards de dollars, soit plus de 14 millions de dollars le kilomètre. 
Par ailleurs, il est utile de signaler que la reprise en sous-œuvre pour la mise aux normes internationales de cet ouvrage va coûter au contribuable la bagatelle d’au moins 5 milliards de dollars au vu de la gravité des endommagements répertoriés et des risques majeurs liés aux aléas géotechniques, géologiques et géo-climatiques encourus le long du tracé impactant ainsi le coût du kilomètre à environ 16 millions de dollars. 
A titre de comparaison, le TGV Al Boraq reliant Tanger à Casablanca avec une vitesse de pointe de 350 km/h sur un linéaire de 340 km a coûté 2 milliards de dollars, exemple à méditer ! Aussi, il est utile de noter que tous les questionnements et réserves émis dans nos précédentes interventions par rapport à cette gabegie sont restées lettre morte sans oublier l’absence totale de réaction de la part du ministère des Travaux publics et des Transports concernant le constat insultant et dénonciateur du groupement canadien Dessau en charge de l’assistance technique rapporté dans notre contribution du 26 novembre 2017 (Le Soir d’Algérie) comme suit : «Les décomptes mensuels sont préparés par les entreprises elles-mêmes et payés sans vérification» (?) 
Le volet complémentaire qui risque d’engendrer un autre scandale sur lequel le gouvernement devrait se pencher sérieusement est celui des pénétrantes ; afin de clarifier cette situation et minimiser les pertes, il serait urgent de procéder à un audit et un contrôle de toutes les opérations engagées sur ce chapitre en espérant qu’il ne soit pas trop tard ! 
Les villes nouvelles : Depuis les questionnements posés dans le cadre de mes interventions parues le 13/12/2012 (Le Courrier) et le 26 novembre 2017 (Le Soir d’Algérie), les villes de Boughezoul et Hassi Messaoud peinent à démarrer alors que celles de Ali Mendjelli, Sidi Abdellah et Bouinan subissent un développement anarchique sans aucune prise en charge des dangers encourus par rapport à leur vulnérabilité accrue vis-à-vis des aléas naturels (quartiers souvent inondés, présence de failles sismiques, etc.), voilà un autre cas d’école en matière d’échec sur les plans technique, financier et urbanistique de la part de l’Etat algérien. 
L’effondrement spectaculaire des tunnels de Djebel El-Ouahch (w. Constantine) : le 31 décembre 2014 (les causes ayant été largement exposées dans la contribution parue dans le quotidien national Le Soir d’Algérie du 02/02/2014), mais à ce jour toute la problématique posée est restée malheureusement sans réponse de la part des pouvoirs publics. Voilà maintenant cinq années depuis la ruine de ces ouvrages d’art, le tronçon d’autoroute correspondant est toujours dans un état déplorable sans aucune prise de décision claire de la part du gouvernement qui peine à répondre aux questions suivantes :
- Quel est le montant des pertes directes et indirectes de ce sinistre ? 
- Qui est responsable de cette catastrophe ? 
- Qui doit payer la facture ? 
Le viaduc trans-Rhumel de Constantine : Le danger encouru provoqué par la faute technique commise au niveau de la pile n°4 du viaduc trans-Rhumel de Constantine (pont à haubans de 749 m de long avec une hauteur centrale de 80 m au-dessus du lit de oued Rhumel) et  dont les raisons ont été clairement décortiquées et expliquées dans une contribution parue dans le quotidien Le Soir d’Algérie  n°7203 du 15/6/2014 intitulée «Viaduc trans-Rhumel de Constantine : des carences majeures», ce qui présente toujours un grand risque d’endommagement préjudiciable pour cet ouvrage d’art et qui a déjà coûté plus deux fois le prix initial prévisionnel, c’est-à-dire plus 900 millions $. Encore une fois les pouvoirs publics (ministère des Travaux publics) sont incapables de trouver une solution pour corriger cette défaillance et refusent de faire appel à l’expertise privée nationale. Qui endossera la responsabilité en cas de catastrophe ? 
Le viaduc de Mila : voilà un autre méga-pont très récent et très coûteux (dépassant un milliard de dollars avec tous les avenants) qui subit des désordres structuraux gravissimes. Ces derniers, provoqués par des glissements de terrain, ont entraîné un déplacement du tablier et l’instabilité des haubans. A ce jour, aucune solution n’a été avancée par le maître d’ouvrage pour corriger cette défaillance sachant que le phénomène à l’origine de ce désordre est évolutif et risque d’engendrer avec le temps des déformations irréversibles dans la superstructure de l’ouvrage. Dans ce cas extrême, le viaduc sera irrécupérable et l’unique solution serait sa démolition.  
Projet de la grande mosquée d’El- Harrach (Alger) : Depuis le choix du site d’implantation de cet ouvrage, tout a été dit concernant la problématique des dangers potentiels dus aux multiples aléas géotechniques et géologiques auxquels se trouve confronté cette zone mais surtout leur impact direct sur le coût et le délai de réalisation de ce projet. Le lecteur non averti peut consulter sur la Toile l’ensemble de mes contributions publiéesdans les quotidiens nationaux, en particulier celles du Soir d’Algérie sus-citées avant même le démarrage du chantier. J’ai toujours veillé à recentrer le débat sur un plan strictement technique et éviter toute polémique stérile régulièrement entretenue par les ministres zélés qui se sont succédé à la tête de ce projet et soutenus par une horde de pseudo-techniciens sans expérience ni formation adéquate recrutés pour caresser dans le sens du poil et plaire au chef au détriment de l’intérêt national. 
Malheureusement, il faut dire que malgré l’importance et la gravité de la problématique posée, les pouvoirs publics ont toujours brillé par leur silence, leur refus du débat technique et leur incompétence à lever les réserves posées.

Le résultat escompté est édifiant, à savoir le délai prévisionnel estimé à 40 mois est largement dépassé accusant ainsi un retard de plus de trois ans et demi (42 mois) au jour d’aujourd’hui ! Quant à l’enveloppe initiale (800 millions euros) allouée à ce projet, force est de constater qu’elle est multipliée à ce jour par 3,5, c’est-à-dire un coût final qui va dépasser trois milliards d’euros, car il faut signaler que le projet est toujours en cours de réalisation par la même entreprise «chinouia» qui est en charge des études d’adaptation et des missions de suivi, contrôle, validation et signe pour elle-même le service fait avec la bénédiction du maître d’ouvrage, en l’occurrence le ministère de l’Habitat. Voilà comment sont gérés de façon burlesque les projets dits du siècle dans ce pays qui est devenu la risée des professionnels de la construction à travers le monde.
 Comme mon éducation et ma notoriété m’interdisent de tirer sur l’ambulance, encore moins sur une momie, je préfère clore ce chapitre et laisser le soin aux futurs responsables politiques d’engager un audit financier et technique pour confirmer ou infirmer tous nos arguments concernant ce mégaprojet. 
Aménagement du site dit «Les Sablettes» et des berges de l’oued El-Harrach : Ces deux sites jouxtant la Grande Mosquée ne sont que des aménagements complémentaires à cette dernière. Le premier (Les Sablettes) est constitué par une bande exiguë coincée entre la côte et la voie express allant de l’usine de dessalement du Hamma jusqu’à hauteur de la Grande Mosquée alors que le second se limite à un simple élargissement du lit de l’oued par étalement des pentes des berges avec des infrastructures en gradins dont la finalité et la fonctionnalité sur les plans technique et environnemental demeurent très discutables. Par rapport aux risques majeurs encourus dans ce mouchoir de poche, il faut signaler qu’ils sont nombreux, concomitants et de différentes natures regroupant les aléas géologiques, géotechniques, pétrochimiques et ceux liés à la pollution due aux métaux lourds, au plomb et au rejet de la saumure à même la côte.
Ces dangers clairement identifiés dans la loi 04-20 du 25 décembre 2004 concernent «le risque d’explosion» dû à la présence de trois tubes de gazoducs passant sous Les Sablettes, la centrale électrique du Hamma, le centre d’enfûtage de gaz du Caroubier, le risque «pollution atmosphérique et marine» dû aux métaux lourds charriés par l’oued El- Harrach, la saumure déversée directement dans la mer par l’usine de dessalement, le taux excessif de plomb dû à la forte densité du trafic routier et maritime, la présence d’une faille sismique active, le risque regroupement humain important par rapport à la Grande Mosquée. Ceci montre encore une fois l’absence totale d’études de faisabilité et d’impact sur l’environnement dans la gestion des projets quelles que soient leur nature ou leur importance. Encore une fois, on peut constater comment un mégaprojet mal maturé et très mal implanté a entraîné dans son sillage le lancement de deux autres grands projets dont le seul but se limite à l’embellissement édulcoré de la zone occultant ainsi tous les dangers potentiels sans oublier l’impact financier colossal.   
Les stades de Tizi-Ouzou et de Baraki non encore livrés : C’est l’exemple type de la politique du «dumping» pratiquée par la camorra sicilienne. Le marché est accordé à une personne physique ou morale sans moyens ni références qui sous-traite l’ensemble de l’opération tous corps d’état (TCE) à un groupe étranger en prenant une ristourne avoisinant généralement 40% de l’enveloppe allouée au projet sans aucun investissement ni participation à la réalisation. Aujourd’hui, non seulement les délais de livraison de ces deux stades sont largement dépassés (environ 4 années), mais aussi leur coût est multiplié par 3, voire 4 qui est, par ailleurs, approuvé sans vergogne par les différents ministres. Il faut dire que ces deux ouvrages ont été classés récemment par des experts étrangers comme les plus chers au monde dépassant chacun 500 millions de dollars !
Le programme de logements : Le bilan de l’habitat à la fin de ce quatrième mandat demeure très controversé.          En effet, les chiffres avancés par les politiques relèvent de la pure fiction, quatre ou cinq millions de logements livrés depuis 1999, c’est-à-dire 200 000 logements par an ou l’équivalent de 16 666 logements par mois. Il faut noter que la construction de 3 000 000 de logements permet de loger ou reloger environ 25 millions d’habitants c’est dire l’ampleur presque démesurée de cette tâche que les gouvernements successifs tentent de faire admettre comme le résultat exceptionnel, la «grande prouesse» de leurs actions depuis 1999 alors qu’une brève exploration de certaines incohérences constatées jusque-là permet de dégager les lignes d’évaluation sur le plan quantitatif du programme de logements réceptionnés. Il va de soi que l’évaluation des capacités matérielles, humaines et financières que l’Etat a essayé de présenter pour résorber cette crise constitue le paramètre fondamental dans notre appréciation concernant cet enjeu. 
Dans notre contribution intitulée : «La réalisation de trois millions de logements avril 1999-avril 2014 ou l’impossible équation» du 9 avril 2014 (Le Soir d’Algérie), nous avons présenté une analyse chiffrée de l’ensemble de ces opérations qui a abouti au résultat de 30 000 à 35 000 unités par an, et ce, malgré les centaines de milliards de dollars engagés par le gouvernement. Au vu de ces paramètres techniques, la production de logements est d’environ un million d’unités durant les vingt dernières années, c’est-à-dire un coût global de 40 milliards de dollars à raison de 4 millions de DA par logement (F3). Aussi une question mérite d’être posée : sur quelle base technique le chiffre de quatre millions de logements réceptionnés a été évalué ? Quel est le montant officiel dépensé sur ce volet depuis 1999 ?
Le projet du nouveau port de Cherchell : L’aberration de ce projet réside dans la création de l’Entreprise portuaire de Cherchell (EPC) avant même le lancement de l’avant-projet sommaire. Cette entité factice a bénéficié de toutes les structures d’une entreprise fonctionnelle (siège au centre d’Alger, véhicules, départements financier, administratif, matériel, CA, budget, etc.). Ce qui est contraire à l’éthique dans le cas de cette structure, c’est le profil et le parcours de l’ensemble du personnel désigné par les pouvoirs publics sur la base du copinage et qui ne correspondent pas à la spécialité requise pour la bonne conduite de ce projet. Il faut dire que l’étude et la réalisation d’un méga-port en eau profonde à Hamdania (w. Tipasa) sont des missions pluridisciplinaires très complexes et exigent un savoir-faire et une grande expérience dans le domaine du maritime et l’évaluation des risques ayant trait aux aléas de la géotechnique maritime, géologie et le phénomène de houle. 
Encore une fois, tout a été décidé dans la précipitation, «une fuite en avant», en optant pour la même stratégie «ubuesque» utilisée dans le cas des projets de l’autoroute Est-Ouest, la Grande Mosquée, etc. Aussi l’absence d’études de risques et d’impact sur l’environnement, faut-il rappeler que la région du Chenoua est un site protégé, avant le lancement de l’avant-projet sommaire, va aggraver considérablement le déroulement de la réalisation. Concernant ce dernier point, aucune des entreprises retenues sur la base du gré à gré (ETRHB Haddad, KouGC Kouninef et l’entreprise «chinouia» en charge de la réalisation de la Grande Mosquée) par les pouvoirs publics n’a   la moindre qualification dans les travaux maritimes, ce sont de véritables amateurs qui vont coûter «très cher» au Trésor public et anticiper d’ores et déjà sur les dangers à venir. 
A ce stade, le maître d’ouvrage, en l’occurrence le ministère des Travaux publics, est dans l’obligation de répondre aux questionnements suivants : 1) pour quelles raisons le BET sud-coréen YouShin qui a achevé l’APD du port a été remplacé par Rambool (BET anglais) ? Quelles sont les références dans le domaine maritime de la firme Rambool Londres ? Aussi il faut signaler que le BET Rambool a basé la suite de l’étude sur la proposition conçue par le BET YouShin qui lui a été transmise par l’EPC. Comment et sur quelle base technique l’organe chargée de la validation des études a été sélectionné par l’EPC ? Quel est le temps imparti à cet organe pour valider l’APD ? Compte tenu de ces graves carences techniques, il est fortement conseillé au gouvernement de geler ce projet et procéder à un audit détaillé. Autant donc de questions auxquelles des réponses doivent être apportées.
Les centrales électriques de 1 000 MW de Terga et Koudiat Edraouech : Lancées en 2007 par Sonelgaz sur la base d’un avis d’appel d’offres international restreint pour un montant prévisionnel de 750 millions $ fixé par la commission d’évaluation de l’entreprise pour chacune d’elles, elles ont été finalement réalisées avec les montants suivants : 2 ,2 milliards $ pour Terga et 2,3 milliards $ pour celle de Koudiat Edraouech. Ainsi dans les deux cas les surcoûts sont édifiants : plus de trois fois le prix initial ! Ce qui conforte nettement l’approche statistique proposée dans ce papier concernant l’évaluation des pertes financières colossales subies par le Trésor public et dues aux surfacturations.   Au vu des coûts et surcoûts prohibitifs de ces projets phares décrétés politiquement et religieusement comme «projets du siècle ou de fakhamatouhou» par les gouvernements successifs depuis 1999, il est facile de procéder à un exercice statistique pour déterminer le montant global des pertes sèches subies par le Trésor public engendrées par la gestion chaotique de la totalité des projets de construction tous secteurs confondus. Pour cet objectif nous avons pris comme base référentielle de calcul un montant moyen de 600 milliards $ d’investissement effectif correspondant à tous les programmes lancés depuis ces vingt dernières années, le deuxième paramètre ayant trait au choix d’une hypothèse basse relative aux surévaluations fixée pour les besoins des calculs à un taux moyen de 40% quelles que soient l’ampleur et la nature du projet, en introduisant ces deux valeurs dans de simples procédures de corrélation et extrapolation, on aboutit à un résultat approximatif moyen avoisinant 250 milliards $ de pertes sans contrepartie.
Ce trou énorme dans les finances publiques est dû essentiellement à la gouvernance «têtue à la baïonnette» par des personnages dithyrambiques totalement soumis, sans formation adéquate, ni expérience avérée, ni savoir-faire, ni l’envergure nécessaire. Seul un audit financier et technique mené par des équipes pluridisciplinaires d’experts indépendants qui n’ont jamais été impliqués de près ou de loin dans cette gouvernance permet de faire toute la lumière sur ces pertes sèches dont les conséquences pour ce pays sont incommensurables. 
Soucieux de l’importance stratégique de ces mégaprojets et leur impact sur le développement durable de notre pays, je me suis toujours limité à tirer la sonnette d’alarme quand le danger devient omniprésent et menace la sécurité des biens et des personnes et proposer des solutions de sortie de crise et de réduction des risques encourus quand la situation s’y prête. Malheureusement, la gestion des affaires importantes dans ce pays a été menée ces vingt dernières années en vase clos, limitée à un cercle de profanes ayant le même gène. Le constat technique et économique est patent, à savoir des mégaprojets à trompe-l’œil, bricolés, hors normes, lancés dans la précipitation, sans les études préalables de faisabilité, occultant les principes de précaution et de prudence pour aboutir à des infrastructures laides, coûteuses et de surcroît très vulnérables par rapport aux effets des catastrophes.   
Je réitère une nouvelle fois mon souhait le plus cher de voir les experts actifs et sympathisants du Hirak ayant une formation et une expérience avérée  dans les filières de l’énergie, de l’agriculture, de la diplomatie, de la Défense nationale, de la sécurité intérieure et extérieure, de l’éducation nationale, de l’industrie, des médias et de l’économétrie, de l’enseignement supérieur  nous éclairer sur le bilan de chaque secteur afin de pouvoir constituer un état des lieux objectif et sans passion qui pourrait servir dans l’immédiat d’élément salvateur et de base de données pour la mise en place d’une nouvelle stratégie de gestion mesurée et intelligente des affaires du pays et une refondation totale de l’ossature globale du système pour le bien-être et l’épanouissement des générations futures.
A. C.
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(*) Directeur de recherches USTHB, directeur du Cabinet GPDS, président du Club des risques majeurs (non gouvernemental).

 

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