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Rubrique Corruption

Les pots-de-vin Du népotisme au clientélisme en passant par la rétrocession des services

L’Exécutif intérimaire nommé par le président démissionnaire affiche sa volonté soudaine de lutter contre la corruption, à telle enseigne que deux anciens Premiers ministres et plusieurs ex-ministres ont été placés en détention provisoire en attendant leurs procès, et même un ministre en poste a été mis sous contrôle judiciaire. La Cour suprême a aussi annoncé que de gros scandales de corruption feront l’objet de nouveaux procès : Sonatrach 1 et 2, Khalifa, Autoroute Est-Ouest.

La corruption est un phénomène qui a pris, au cours de ces dernières années, des proportions inquiétantes, l’Algérie étant un des pays les plus touchés. Il faut développer pour chaque pays des stratégies spécifiques et adaptées aux formes et dimensions historiques que prend le phénomène dans chacun de ces pays. Mais pour combattre ce phénomène, encore faut-il l’identifier au mieux, en indiquant une définition du concept, pour mieux en mesurer les dimensions afin de produire des indicateurs, qui permettent d’appréhender ses formes, ses manifestions et ses mécanismes. Il y a un accord général sur les situations qui favorisent la corruption. Cependant, pour la combattre efficacement, il faut s’attaquer aux racines du mal. Il est essentiel de comprendre les motivations de ceux qui offrent les pots-de-vin, ainsi que celles de ceux qui sont les victimes de la corruption des autres. 
On peut établir quatre catégories générales :
Catégorie 1. Un pot-de-vin peut être payé pour (a) obtenir une ressource rare, ou (b) éviter de payer des frais.
Catégorie 2. Un pot-de-vin peut être payé pour accéder à un service qui n’est pas rare, mais qui n’est accessible qu’à travers le pouvoir discrétionnaire des agents de l’administration.
Catégorie 3. On peut être soudoyé ou recevoir un pot-de-vin non pas pour obtenir un bénéfice précis mais pour accéder par exemple à une source d’information classée ou particulière, ou bien pour pouvoir accélérer ou détourner la procédure habituelle.
Catégorie 4. Un pot-de-vin peut être payé pour (a) l’accès exclusif à un service ou produit, ou (b) imposer des frais supplémentaires à un autre.

Identification, classification et signification des catégories
La catégorie 1 comprend toute décision bureaucratique par laquelle celui qui offre le pot-de-vin obtient un avantage, en privant un autre. Par exemple, l’accès à des permis d’importation ou d’exportation, à l’octroi de devises étrangères, à un contrat avec un gouvernement ou l’obtention d’une franchise, de concessions pétrolières ou minérales, à l’allocation de terrains appartenant à l’Etat, à l’achat de sociétés récemment privatisées, à des capitaux sous contrôle de l’Etat, à des permis commerciaux limités par des quotas, à des allocations ou facilités d’obtention d’un logement financé par l’Etat, à des subventions diverses ou à la protection renforcée d’une affaire par la police.  
Il peut aussi exister, pour chacun de ces exemples, une concurrence entre ceux qui offrent les pots-de-vin — parfois créée ou manipulée par les bureaucrates ou les politiciens. Si les agents de l’administration ont le pouvoir discrétionnaire d’élaborer des programmes, ils peuvent créer des pénuries, ou demander une «sur-allocation» de ressources (un phénomène appelé «l’extension des ressources») pour leur propre bénéfice. 
La catégorie 2 couvre tout ce qui touche à la réduction des taxes ou l’extorsion de paiements plus élevés en l’absence de contraintes sur le revenu fixe ; la dispense du paiement de taxes douanières au non-contrôle des prix ; l’attribution de permis ou de licences aux «mieux» qualifiés ; l’accès illimité aux services publics (l’habilitation) ; des affectations dans la Fonction publique ; le favoritisme dans l’application de la loi (surtout dans le cas de crimes de cols blancs sans victime) ; l’accord de l’APC (mairie) pour un objet de construction ; de la non-application des lois concernant la sécurité ou l’environnement. 
Le pouvoir discrétionnaire bureaucratique peut mener à l’extorsion de pots-de-vin. Tout en acceptant des paiements de la part des entreprises pour leur protection, la police peut aussi payer des gangs pour les menacer. De la même manière, un homme politique peut menacer de soutenir des lois imposant des frais supplémentaires aux sociétés, ou leur accorder des privilèges moyennant le paiement de pots-de-vin.
La catégorie 3 comprend tout ce qui concerne l’amélioration des services plus que l’obtention d’un bénéfice ou d’un avantage en soi. Par exemple, l’information classée sur les spécifications d’un contrat, un service plus rapide, une bureaucratie réduite, un avis préalable d’une descente de police, ou une vérification comptable favorable à une baisse d’impôts. 
Le bureaucrate peut créer une situation favorable aux pots-de-vin, en introduisant par exemple des délais inutiles, ou en imposant des critères rigides aux demandes d’un service.
La catégorie 4, comme la première, génère des gagnants et des perdants. Par exemple, une personne gérant une opération illégale paie les forces de l’ordre pour faire des descentes sur ses concurrents ; ou le patron d’une entreprise légitime cherche à faire imposer une réglementation sévère et injuste sur ses concurrents, ou pousse les agents publics à refuser une licence commerciale à un concurrent potentiel.

Le pouvoir des monopoles
Pour les catégories 1 et 4 qui génèrent des perdants l’organisation des «soudoyeurs» potentiels peut être importante pour déterminer la taille et l’ampleur de la corruption. S’il n’y a qu’un petit nombre de bénéficiaires potentiels, ils peuvent se partager le marché de façon monopolistique et présenter un front uni aux administrateurs, évitant ainsi le versement de pots-de-vin. Ces exemples montrent bien pourquoi l’élimination de la corruption ne devrait pas être une fin en soi. Un programme qui réduit la corruption, mais qui en même temps encourage la monopolisation d’un secteur  aura peu d’impact bénéfique sur la société. Les profits se trouveront dans les coffres des monopolisateurs, au lieu des poches des agents de l’administration. 
Si en plus le monopolisateur fait partie d’une organisation criminelle internationale — ou d’une société étrangère —, le transfert de ses gains à l’étranger ne rapportera aucun bénéfice à l’économie domestique. Par ces exemples on voit que le problème réside non seulement dans la corruption, mais aussi dans les monopoles qui engendrent la perte d’argent.

A propos de la corruption dans les services publics
L’hypothèse de base sur laquelle fonctionne en principe le service public est la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers de manière à assurer sans discrimination à l’ensemble du public l’accès aux services de base. Dans cette perspective, l’agent public, homme politique ou fonctionnaire, doit rester impartial, objectif et privilégier, dans l’exercice de ses fonctions, les principes de désintéressement et d’intérêt général. 
Traditionnellement, face à ce principe, on définit la corruption comme «un abus du pouvoir dont on est investi à des fins (de profit) personnelles». Au-delà de toute considération morale, si cette définition opérationnelle est suffisamment large pour englober une grande partie des pratiques de corruption, la tentative de définir la notion de corruption doit mettre en évidence le fait que :
- la prise de décision ne doit pas être influencée par des considérations personnelles ou familiales et qu’une «distance saine» doit être respectée à cet égard ;
- la corruption se manifeste dans le secteur public autant que dans le secteur privé ;
- la corruption désigne un ensemble très large de pratiques et concerne toutes sortes de fraudes telles que le détournement des deniers publics, la concussion, etc. ;
- la définition de la corruption doit inclure les notions de corruption passive et de corruption active et désigne autant le fait de donner que de recevoir des pots-de-vin ou autres avantages.
Nous pouvons reformuler ainsi la définition de la corruption : «La corruption est le fait, pour un agent public ou privé, de donner ou recevoir indûment un bénéfice personnel (argent, présent ou autre avantage) afin de s’assurer un traitement préférentiel dans l’exercice de sa fonction (officielle).»
Dans la pratique, les acteurs concernés ont une perception «subjective» de la notion de corruption et il est important de prendre la manière dont ils perçoivent la notion de corruption comme point de départ de toute stratégie visant à promouvoir des changements de comportement. Les acteurs concernés reconnaissent-ils ces principes ? Les fonctionnaires en particulier  reconnaissent-ils la nécessité de privilégier la recherche du bien-être public et comment perçoivent-ils «la corruption» ?
Il est donc évident que toute initiative de lutte contre la corruption doit tenir compte des perceptions individuelles des personnes dont on cherche à modifier le comportement.
L’étape initiale consiste à susciter la prise de conscience d’une norme de conduite acceptable, ainsi qu’une compréhension approfondie des conséquences de la corruption.

Comment se manifeste la corruption et quelles méthodes sont utilisées
Les méthodes appliquées, remarquablement similaires un peu partout, comprennent :
- les relations familiales, professionnelles et personnelles ; 
- la corruption politique, par les dons au financement des campagnes électorales, etc. ; 
- les ristournes illégales dans les contrats gouvernementaux (et dans des sous-contrats de consultants) ;
 - les fraudes de toutes sortes.
Dans les services publics (comprenant les fonctionnaires nommés et les élus), on trouve les pratiques suivantes :
- la «vente» du pouvoir discrétionnaire des ministres ;
- un certain pourcentage empoché par des agents publics sur les contrats gouvernementaux, souvent transféré directement sur des comptes bancaires à l’étranger ;
- «l’hospitalité» excessive, et autres avantages divers, que reçoivent les agents publics de la part des bénéficiaires des contrats gouvernementaux (par exemple, des bourses d’université à l’étranger pour leurs enfants) ;
- les contrats gouvernementaux qui bénéficient aux agents publics eux-mêmes, en tant que «consultants» ou à travers des «sociétés-écrans» ou des «partenaires» inexistants ;
- les voyages inutiles à l’étranger pour lesquels les agents publics fixent eux-mêmes leurs indemnités, souvent exagérées ;
- la perspective du pouvoir, utilisée par les partis politiques pour lever des recettes, sur les entreprises internationales en particulier (prenant la forme d’une donation à une «œuvre de charité» ou un «hôpital» ou un «établissement humanitaire» ;
- le chantage exercé par les forces de l’ordre en menaçant d’amendes contre le paiement d’un pot-de-vin (le pot-de-vin ne coûtant guère moins que l’amende) ;
- l’insistance de la part des agents publics pour qu’on les paie ou pour qu’ils accélèrent une procédure pour la délivrance, par exemple, de permis de conduire, permis commerciaux ou le contrôle de passeports ;
- le versement hebdomadaire ou mensuel d’une somme d’argent à son supérieur par l’agent public.
Djilali Hadjadj

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