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Rubrique Culture

Pour la réalisatrice franco-chilienne Carmen Castillo C’est le temps de la révolte face au néolibéralisme

Pour la réalisatrice franco-chilienne Carmen Castillo, qui a raconté dans ses documentaires la résistance contre la dictature de Pinochet, les mouvements sociaux en cours, au Chili comme en France, montrent que les «braises ardentes» de la révolte se sont rallumées face à un néolibéralisme qui a conquis la planète. L'auteure et réalisatrice est l'invitée d'honneur du Fipadoc, Festival documentaire, qui s'achève samedi à Biarritz (sud-ouest de la France) et lors duquel plusieurs de ses œuvres ont été projetées, dont Rue Santa Fe, un témoignage poignant qui mêle son histoire personnelle et celle d'opposants à la dictature de Pinochet.
Professeure d'histoire, proche du président socialiste Salvador Allende et épouse de Miguel Enriquez, dirigeant du Mouvement de la gauche révolutionnaire, le MIR, elle a vécu le cauchemar du coup d'Etat du 11 septembre 1973, durant lequel les militaires renversent le régime et imposent une dictature sanguinaire.
Avec Miguel, elle s'installe clandestinement dans un faubourg de Santiago. Mais, le 5 octobre 1974, leur maison, rue Santa Fe, est prise d'assaut. Miguel est tué après une heure et demie de combat et elle-même, alors enceinte, est blessée.  Elle survit grâce à l'intervention courageuse et désintéressée d'un voisin, Manuel. Expulsée vers l'Europe grâce à une campagne de mobilisation internationale, elle échappe à la torture et à la mort que subiront des milliers d'opposants (dont des centaines de membres du MIR).
Dans un entretien à l'AFP, Carmen Castillo a raconté son long chemin pour sortir de l’«entre-temps» de l'exil. Le suicide de son amie Beatriz Allende (fille de l'ancien président), en 1977, a été pour elle un «cri d'alarme», et l'a poussée à refaire sa vie en France. «Beatriz m'a sauvé la vie et m'a extraite de quelque chose qui pouvait être mortifère. Et Paris, après sa mort à Cuba, était le seul lieu possible dans lequel je pouvais redevenir anonyme, détruire la veuve héroïque, retrouver le mouvement des femmes et rencontrer de très grands penseurs qui m'ont aidée à comprendre que cette temporalité linéaire — passé, présent, avenir — n'existait pas, que la question était le devenir, l'expérience, les rencontres», dit-elle. Avant de créer des documentaires, elle a d'abord trouvé une forme de catharsis à travers l'écriture, nourrie d'échanges avec des poètes, écrivains et philosophes. Comme le théoricien trotskyste Daniel Bensaïd, décédé en 2010, auquel elle a consacré un autre documentaire, On est vivants, en forme de réflexion sur l'engagement politique et les nouvelles formes de lutte, du Chiapas du sous-commandant Marcos aux sans papiers à Paris et aux femmes des quartiers nord de Marseille. Et les mouvements sociaux qui ont éclaté au Chili, ou en France, montrent que les «braises ardentes» de la désobéissance, qui subsistaient au milieu du «désert marchand néolibéral» n'étaient pas éteintes. Même si les formes d'action, et notamment le rapport à la lutte armée, ont évolué. «Il faut inventer une nouvelle poétique, on n'est plus dans l'esthétique de notre génération, même si c'est le socle de notre mémoire — Allende, Miguel, le pouvoir populaire — qui se lève comme un désir d'un nouveau régime, face au néolibéralisme parfait qui règne au Chili», dit-elle.
Un capitalisme pur et dur mis en place à la demande de la Junte par les «Chicago Boys», ces économistes de l'Ecole de Chicago, disciples de Milton Friedman, qui testèrent au Chili leurs politiques avant de conseiller Reagan et Thatcher. «ça donne une société cruelle, dure, implacable, mais malgré 40 ans de lavage de cerveau et de domestication par l'endettement et la consommation, nous assistons à un soulèvement qui dure depuis près de quatre mois et qui ne va pas disparaître», s'enthousiame la réalisatrice, qui retourne régulièrement au Chili où elle participe à des ateliers de cinéma avec des jeunes. Et pour elle, «les résonances» entre la contestation de la jeunesse chilienne et les mouvements sociaux en France, des «Gilets jaunes» aux grèves contre la réforme des retraites, sont évidentes, car elle y voit le même rejet d'un capitalisme qui serait devenu l'unique horizon de l'humanité.«Il y a des décalages de temporalité, mais tout est connecté», assure Carmen Castillo, qui voit «dans les deux cas des pouvoirs aveugles, sourds, qui obéissent à une vision religieuse de l'argent, de la finance et du marché, alors que cela n'a pas marché», sauf pour «les 1%» les plus riches de la population, et en face, des hommes et des femmes qui ne résignent pas.

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