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Rubrique Culture

Parution Le Hirak et les armes silencieuses de Benali Saci

 Benali Saci est diplômé de l’Ecole nationale d’administration. Titulaire d’un magister et d’un doctorat en sciences politiques et relations internationales, il  a déjà  deux essais sur la géopolitique à son actif : Les organisations non gouvernementales (2017) et Les complots dans les théories (2018).

Pour Benali Saci, il existe une pléthore de moyens pour faire basculer un pays dans une période de trouble même en temps de paix. Influencer, contrôler l’opinion, faire pression sur un peuple peuvent venir aussi bien de l’intérieur du pays que de l’étranger, via la toile. C’est ce qu’il appelle les armes silencieuses. Après avoir été l’apanage des médias traditionnels comme la radio, la télévision ou la presse écrite, les nouvelles techniques de communication (NTIC) ont pris la relève, offrant une tribune d’expression à des médias off-shore qui utilisent la désinformation, les fake-news et la manipulation.
 Dans son essai, l’auteur fustige les néo-hirakistes qui tentent de semer le désordre. S’appuyant sur les travaux  de Noam Chomsky,  il écrit que la manipulation de masse emploie plusieurs stratégies dont celle de la distraction. «Les manifestations festives et joyeuses peuvent être instrumentalisées par les membres de la 3issaba et de leurs acolytes, ainsi que les néo-hirakistes pour détourner  le Hirak originel de son objectif final.» Il cite également l’infantilisation du public : «Les néo-hirakistes qui surfent sur la vague des contestations populaires, sans humilité aucune, se présentent comme parole du peuple algérien tout en essayant de donner des leçons sur  la démocratie et la liberté alors qu’eux-mêmes, toujours dans l’éternelle opposition, rejettent tout dialogue avec les autres parties.»
La désinformation a toujours existé. Elle vise à influencer l’opinion publique, rappelle l’écrivain. Avant d’envahir la Toile, elle a été l’apanage des médias traditionnels. «On accuse Facebook, Twitter et d’autres sites d’être des vecteurs privilégiés de personnes ou d’organisation malveillantes alors que la presse écrite, par le truchement des ‘‘grands reporters’’, est elle-même productrice de ces textes bidons. C’est le cas du journaliste de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, Claas Relotius, à qui la chaine américaine CNN avait décerné en décembre 2018 le prix du Reporter pour un article boyauté sur la guerre en Syrie... C’est en cherchant le sensationnel que ce journaliste a mis de côté les fondements du métier pour manipuler l’opinion publique de son pays et celui du monde occidental.» Et de paraphraser l’écrivain et humoriste américain Mark Twain : «Un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures.»
L’auteur pointe du doigt les médias sociaux qui ont joué un rôle prépondérant dans la manipulation lors des marches populaires et pacifiques du Hirak, à partir du 22 février 2019. Il cite les trolls, ces mercenaires 2.0 algériens et étrangers ainsi que des sites spécialisés qui ont essayé de brouiller le caractère pacifique de ce mouvement contestataire. Dans un autre chapitre, Benali Saci met l’accent sur la sémiologie des contestations populaires qui analyse les signes de la communication, à l’exemple des slogans, des chants et les gestes qui accompagnent les marches de protestation. Le Hirak a en effet marqué les esprits par une kyrielle de chants, slogans et néologismes qui feront date. Il cite l’hymne national et en décrypte le message.
«En entonnant Qassaman, les marcheurs de toutes les couches sociales et de tous âges voulaient faire entendre à ceux qui ne veulent pas entendre leur fort attachement à une seule Algérie.»
Pendant le Hirak, les Algériens ont fait preuve d’une extraordinaire créativité. Les slogans brandis les vendredis rivalisaient d’imagination. «Silmya, silmya ; Djeïch, cha3b, Khawa-khawa ; Yetna7aw ga 3.» «Ce slogan, qui a fait immédiatement le buzz sur la Toile, a été repris par les manifestants pour devenir une exigence populaire : le départ du système et de ceux qui le composent. Ce slogan, le plus répandu dans toutes les manifestations et sur le net en ce qui concerne l’Algérie, a dépassé les frontières pour devenir un produit made in Algeria.»
L’humour et la créativité ont accompagné les marches du Hirak dès le 22 février 2019. «Pour exprimer son refus d’un 5e mandat, un des contestataires  a arboré une pancarte sur laquelle il demande une chaise en tefal pour que le prochain président ne colle pas. Coller signifie se maintenir au pouvoir pour une longue durée», écrit Benali Saci.
Le vocabulaire s’est enrichi de nouveaux vocables lors des manifestations : «Vendredire, un néologisme, façonné par les Algériens depuis le 22 février 2019, avait pour signification, au début, manifester pacifiquement et joyeusement contre la candidature du Président Bouteflika pour un cinquième mandat».
Le tunnel des Facultés a été désigné «Ghar Hirak» et la saucisse (cachir), symbole des flagorneurs qui ont appelé à un cinquième mandat de Bouteflika lors du meeting organisé le 9 février 2019 à la Coupole du 5-Juillet où des sandwichs au cachir ont été offerts aux participants. L’auteur cite également la chanson La Casa del Mouradia, devenue l’hymne des manifestations du Hirak.
Un essai qui décrypte la genèse du Hirak, un des plus grands mouvements pacifistes de l’histoire de l’Algérie.
Soraya Naili

Le Hirak et les armes silencieuses, de Benali Saci. éditions Anep. 2021. 125 pages. 610 DA.

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