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Rubrique Culture

Woman projeté à l’IFA Le patriarcat dans le box des accusés

Réalisé par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, le film-documentaire Woman (2019) repose sur les témoignages de 2 000 femmes à travers cinquante pays. Sexisme, viols, vie professionnelle, maternité, sexualité, tradition sont autant de thèmes abordés à la première personne avec émotion, courage et dignité. 
Comme à son habitude, Yann-Arthus Bertrand vise le monumental, parfois la démesure, dans ses projets filmiques. Mais s’il s’est limité, par le passé, dans un style conventionnel malgré son gigantisme, sa collaboration avec Anastasia Mikova pour le documentaire Woman, projeté mardi à l’IFA, donne naissance à une œuvre moins figée, voire cinématographiquement convaincante. 
Du Japon aux États-Unis, en passant par le Soudan, le Maroc et le Kenya, les deux réalisateurs assemblent les témoignages, les visages et les regards et les lient avec des images souvent bouleversantes. Le dispositif est solide et permet d’éviter l’enlisement du rythme grâce à un récit en patchwork traversé par des séquences silencieuses et finement élaborées ; un puzzle géant qui offre une vue d’ensemble sur la condition féminine à travers le monde et dont le mérite ne réside point dans l’exhaustivité ni dans la profondeur mais bel et bien dans la mise en évidence d’un concept incontournable : la sororité ! 
En effet, qu’il s’agisse d’Européenne ou d’Africaine, de citadine ou de paysanne, de jeune ou moins jeune, ce que ces 2 000 femmes partagent surpasse de loin ce qui les sépare. Elles ont en commun un héritage répressif et misogyne séculaire qui sévit encore d’une manière ou d’une autre qu’on soit à Khartoum, à Paris ou à Pékin ! 
Woman est donc un tour du monde au féminin où les récits tantôt tragiques, émouvants et atroces, tantôt drôles et caustiques mais toujours dignes et pénétrants, s’enchevêtrent pour former un ensemble harmonieux célébrant les femmes comme le ferait un hymne national pour une patrie. 
Enfance souillée et violée, femmes attaquées à l’acide, anciennes esclaves sexuelles de Daesh, femmes excisées ou mutilées au nom de la tradition, mariage forcé, inégalités salariales… les portraits se multiplient et s’enlacent dans une immense mosaïque dominée certes par la souffrance et les injustices mais surtout marquée par la force, la résilience et la bravoure de ces femmes qui, tout en refusant de plier ou de se taire, refusent le simple statut de victimes. On s’agace bien sûr de certaines facilités prises par les réalisateurs notamment ces moments purement télévisuels où l’esthétisme bon marché ne parvient pas à créer une dimension de cinéma ; on peut aussi reprocher à Arthus Bertrand et Mikova une certaine légèreté dans la démarche puisque le challenge du chiffre semble être plus important qu’une écoute de meilleure qualité et de moins courte durée. 
On en arrive même à imaginer ce qu’aurait été Woman s’il était réalisé par un Patricio Guzman ou une Tatiana Huezo ! Mais il n’en demeure pas moins que ce documentaire réussit sans difficulté à émouvoir, remuer et forcer à réfléchir et que sa plus grande force réside dans le fait qu’il assume sans hésitation son propos : un procès en règle du patriarcat ! 
S. H. 

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