Les acteurs culturels indépendants en Algérie se limitent à l'acte culturel pour dynamiser le paysage et marquer leur présence en raison du manque de moyens financiers, ce qui laisse paraître, pour les observateurs, que beaucoup d'activités «sont des programmes faits à la hâte et auxquels l'innovation fait défaut». Les Algériens se sont habitués à voir les parties officielles encadrer et superviser l'acte et le produit culturels, et c'est ainsi que le soutien aux manifestations culturelles est resté loin de l'initiative personnelle, sauf pour des cas rares.
La vérité est que les personnes, les associations et les établissements culturels «peuvent être partenaires», a maintes fois affirmé le ministre de la Culture, Azzedine Mihoubi, qui encourage «la contribution du privé à la dynamisation du paysage culturel». M. Mihoubi a indiqué que son département a réduit de 15% le budget alloué aux grandes manifestations. De même, un grand nombre de festivals a été délaissé et certains reportés, sans qu'une alternative privée ou indépendante prenne le relais. Au moment où certaines associations enregistrent un recul, à l'instar de El Jahidhya, qui semble avoir disparu avec son fondateur Tahar Ouettar, d'après les spécialistes de l'actualité culturelle, quelques associations à caractère national, à l'image de l'association Beit Echiir El Djazaïri (la maison de la poésie algérienne) sont apparues. Présidée par les deux poètes, Slimane Djouadi et Achour Fenni, cette association a lancé plus d'une manifestation dans les différentes wilayas.
«L'activité culturelle s'inscrit au cœur même de la mission de notre association» qui active depuis des décennies à Alger, estime Abdelghani Mezghiche, poète et activiste culturel. Le président de l'association Al-Kalima, affirme, à ce propos, que l'acte culturel est pour son association «une priorité». Soulignant que le produit culturel «nécessite des ressources financières», il a fait observer que «la normale voudrait que les associations et les individus activent plus que les autorités officielles».
Les acteurs culturels indépendants demeurent loin de la production culturelle en raison de ce qu'elle requiert comme budget la rendant proche de l'industrie ; du coup, ils se contentent de l'acte culturel pour dynamiser le paysage et marquer la présence, laissant ainsi les grandes productions en cinéma, théâtre et livre au soutien de l'Etat et aux décisions du ministère de la Culture.
Nombreux sont les personnes et les établissements qui ont pu apporter un plus au paysage culturel et l'enrichir. Dans la ville de Tiaret, à titre d'exemple, l'association Afkar organise chaque mois «Le café Dar En-Nakkadi», une activité culturelle intégrée. Elle œuvre également à créer une bibliothèque, explique son président, Noureddine Thamer, qui affirme que son association vise à «célébrer l'intellectuel algérien et le rapprocher des jeunes».
A Djelfa, un groupe d'intellectuels a relancé une tradition cinématographique hebdomadaire où les cinéphiles se rencontrent pour voir et débattre d'un film. «Une démarche qui vise à élargir l’horizon du public et appréhender le cinéma en tant que détente, plaisir et message intellectuel», a expliqué Naiel Hanti, l'un des initiateurs de cette activité. Dans la même ville, des membres du groupe «Click-on», une agence start-up, ont pu organiser pour trois jours le festival «Cinéma et couleurs» au profit des enfants et des familles.
Certaines manifestations ont pu s'inscrire dans le temps avec de simples moyens grâce à la volonté de leurs initiateurs, à l'image du festival «Raconte-Arts», organisé par la Ligue des arts cinématographiques et dramatiques de Tizi-Ouzou, qui présente un programme riche en musique, contes et théâtre.
Dans le même contexte, des rencontres cinématographiques sont organisées par «Project Art» de Béjaïa, depuis plus de dix années, gagnant une notoriété qui a dépassé les frontières.
A Sétif, Toufik Mezghiche organise, chaque année, les Journées nationales du one man show. Cette manifestation, qui en est à sa 5e édition, présente des spectacles et des conférences et rend hommage au regretté Ahmed Ben Bouzid, connu sous le nom de Cheikh Attallah.
Pour sa part, l'association culturelle Nawafid organise le prix Tahar-Ouettar et s'attelle à la préparation de sa 2e édition, indique son président Riad Ouettar qui évoque «le début de réception des candidatures». Dans toutes les villes algériennes, des jeunes se sont engagés à promouvoir la lecture à travers le slogan «El Madina Taqra» à travers les réseaux sociaux, puis dans les rues, les places publiques et les jardins, mettant ainsi l'initiative indépendante au service de la scène culturelle de chaque ville.