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Rubrique Débat

Le voleur qui crie au voleur La réponse de Badr’Eddine Mili à Emmanuel Alcaraz

C’est fou ce que les «historiens» idéologues français partagent, avec une formidable constance, une marque distinctive peu reluisante : réagir contre leurs contradicteurs qui les surprennent en flagrant délit de manipulation et de délation, par le recours facile à la technique archi-usée du voleur qui crie au voleur.
Dans le même temps qu’ils jouent aux vierges effarouchées victimes d’agresseurs malveillants, ils renâclent, la bave insultante à la bouche — un vieux réflexe pavlovien propre aux colons —, incapables d’expliquer et de justifier leurs écrits, autrement qu’en s’abaissant aux anathèmes et clichés jdanoviens du genre «vous êtes un idéologue de service», «vous êtes dans une posture d’exclusivité et de servilité», «vous feignez d’adopter une position nationaliste», «les martyrs algériens ne sont pas votre propriété», «vous défendez une minorité de nantis», etc., des arguments d’une faiblesse criarde qui ressemblent à tout sauf à des matériaux d’analyse scientifiques et qui en disent long sur le vide sidéral de leur système de défense en tous points identique à celui qu’il avaient conseillé, il y a quelques années, à Malika Mokaddem volant, contre moi, au secours de Benjamin Stora, suffisamment majeur et en pleine possession de ses facultés mentales pour se défendre tout seul, sans se faire assister par un avocat. A moins que...
Et voilà que le feuilleton de série B, saison 2, est remis au goût du jour, avec un nouvel épisode, animé par un autre second rôle, incarné, cette fois-ci, par Emmanuel Alcaraz, «le professeur d’Histoire».
La mise au point que cet auteur a cru devoir m’adresser — un droit reconnu et garanti par la Constitution de l’Etat qu’il a, copieusement, insulté dans son dernier ouvrage — participe de la même veine et porte le sceau de la même fabrique : le double langage et le désordre sémantique, les enseignes emblématiques du fonds de commerce que ces néo-«algérianistes» s’acharnent à constituer et à entretenir dans leur tentative de s’arroger une domination, sans partage, sur l’écriture de l’Histoire de notre pays.
Mais, à quelque chose malheur est bon, la diatribe qui m’est, ainsi, infligée par les souffleurs de derrière le rideau et qui n’honore, en rien, ce quadragénaire né, comme il le dit, 14 ans après la guerre, dans le Var, le fief du Front national — je ne lui en tiens pas rigueur, on naît là où le destin en a décidé — ayant, cependant, choisi d’endosser les pires atavismes légués par ses aînés, cette diatribe — dis-je — me donne l’occasion de revisiter, par le détail, les périodes évoquées et de remettre les pendules à l’heure afin que les jeunes Algériens distinguent leurs vrais amis de ceux qui le prétendent.
Procédons par ordre :
1- Au plan de la forme :
Monsieur Alcaraz, vous me reprochez de parler de ce que je n’ai pas lu, de dire n’importe quoi, de citer des extraits inexistants dans votre livre — que j’aurais, alors, inventé —, d’avoir digressé sur le président Macron que vous affirmez ne pas avoir abordé dans votre texte et, par un ostracisme orienté, comme vous le suggérez, d’avoir volontairement omis de joindre Mohamed Harbi et Abu El Qasim Saâdallah (notez la transcription, par trop pédante, du nom de Belkacem Saâdallah) à la liste des historiens algériens que j’ai considérés, dans mon analyse, comme des référents de premier ordre, pour tous ceux qui souhaiteraient connaître les racines et reconstituer la genèse du sentiment national algérien que vous affirmez être, encore, en construction. Où avez-vous été pêcher cette vilaine provocation ? Maurice Thorez avait dit, à peu près, la même chose sur la Nation algérienne.
L’Histoire le renvoya à ses chères études, tout grand leader qu’il fut.
Pour votre bonheur ou pour votre malheur — c’est selon —, sachez que j’ai lu votre fastidieuse compilation de données, vieilles de plusieurs décennies, sur «les monuments et lieux de mémoire de la guerre d’indépendance algérienne», largement diffusée, avec force publicité, sur votre blog et que vous commentez, de façon discriminatoire et politiquement intéressée, en les utilisant comme prétexte servant à illustrer la division des familles du mouvement national, en enfonçant des portes ouvertes sur des faits notoirement connus de tous les Algériens.
La visite du Musée du moudjahid et du Musée de l’ANP de Riadh El-Feth renseigne plus exhaustivement et plus méthodiquement que tout ce que vous avez rapporté dans votre longue et ennuyeuse énumération.
A la différence que vous, vous cherchez, avec une insistance malintentionnée, à prouver la volonté de l’Etat algérien de s’en accaparer, à travers une gestion manichéenne et machiavélique, afin de maintenir la société sous «son contrôle culturel et idéologique autoritaire». Seulement, avant d’écrire mon article, j’avais pris le soin de comparer les extraits que j’ai cités avec ceux publiés par le quotidien El Watan, dans sa livraison du 3 mars 2018, et que vous n’avez pas démentis. Si j’avais eu l’esprit mal tourné en vous faisant dire ce que vous n’avez pas écrit, vous auriez accusé le journal du même délit de faux et usage de faux, et vous l’auriez fait connaître, ce qui ne fut pas le cas, un argument qui tombe, donc, à l’eau.
La lecture critique que j’ai faite de votre ouvrage, je ne l’ai pas entreprise à travers le prisme d’un historien attitré — ce n’est pas mon métier —, mais à partir de l’intérêt et du vécu d’un citoyen libre de toutes attaches partisanes et étatiques, après avoir cumulé 50 années de militantisme dans les syndicats estudiantins et ouvriers, de journalisme et de responsabilités, au sein des institutions nationales, dont je n’ai pas à rougir, bien au contraire. Même si vos inspirateurs se sont bien gardés de vous en affranchir, j’y ai subi, en fin de parcours, les assauts des niveleurs par le bas, ainsi que de nombreux cadres patriotes, défenseurs de la cause des plus démunis, en firent l’amère expérience.
Au cours de ces années exaltantes, j’ai rencontré tout ce que l’Algérie comptait de dirigeants politiques d’envergure, d’intellectuels de tous bords, j’ai fréquenté tous les niveaux — vertical et horizontal — de l’administration de mon pays, du nord au sud, et de l’est à l’ouest, j’ai fait le tour de la planète où j’ai côtoyé des leaders révolutionnaires et des chefs d’Etat prestigieux, de Castro et Guevara à Tito et Chou En-laï et de Nasser et Arafat à Cabral et Neto, après avoir bénéficié de l’enseignement d’éminentes sommités universitaires, Jacques Berque, Maxime Rodinson, Boutros- Boutros Ghali, Jean Leca, Samir Amin, Anwar Abdelmalek, Mahfoud Kaddache... et au sein de l’ANP où je me suis porté volontaire, lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967. Aux syndicats de l’Unea et de l’UGTA, j’eus la chance de parachever la maturation de ma conscience nationale et sociale entamée avec l’Ugema, dans le vacarme d’une guerre de libération où j’ai perdu des parents et des amis, les uns guillotinés, les autres torturés à la ferme Ameziane de Constantine, ou internés dans les camps de Bossuet et de Paul Cazelle, en Algérie, et du Larzac, en France, une guerre que j’ai racontée dans La brèche et le rempart, antérieurement au roman de justification de Benjamin Stora sur son enfance constantinoise et le départ de sa famille du pays.
Et après tout cela, vous venez, toute honte bue, m’accuser d’avoir été au service d’une nomenklatura, «semble-t-il, sans discontinuité», ce dont vous n’êtes, donc, même pas sûr ; une assertion du genre le plus perfide.
Avant de vous engager sur la voie des attaques personnelles qui ne mène nulle part, faites au moins l’effort d’établir la différence entre servir une Révolution et un Etat et servir un régime politique, ce qu’en principe vos professeurs de droit constitutionnel ont dû vous enseigner à l’université.
Dans ma vie syndicale, politique et professionnelle, je n’ai servi que mon peuple et j’ai milité pour que ses intérêts fondamentaux soient défendus par un Etat au contenu social progressiste, pas celui qui est aujourd’hui menacé par les spadassins d’une bourgeoisie compradore, sans foi ni loi, sous-traitant pour le compte de l’Etat capitaliste de votre pays. J’ai soutenu l’Etat national parce qu’il est le plus grand acquis de l’indépendance, celui qui a institué la gratuité des soins pour tous, et construit, dans un contexte de luttes sociales continues, un service public au profit de tous les Algériens, un Etat que vous dénigrez, sans vous donner la peine de séparer le bon grain de l’ivraie qui s’en disputent le pouvoir. Vous, vous n’en avez retenu que les tristes et condamnables épisodes de Chaâbani, de Chihani, de Mellah, des sépultures des chefs des Wilaya III et IV historiques que les élites politiques et intellectuelles algériennes, de divers courants, s’emploient à faire sortir des limbes des vieilles querelles intestines, depuis, au moins, deux décennies, en évitant de réveiller les vieux démons du régionalisme et de la division, ainsi que vous vous y êtes attelé, avec un malin plaisir, lorsque vous avez mis en exergue la façon dont est célébré le 20 mars 1956 à Ifri et celle qui a prévalu, dites-vous, à un moment, dans le cas de la bataille de Djorf, honteusement tue par l’armée française, et dont on ne comprend, vraiment pas, le pourquoi du comment de votre souci, une bataille que les Algériens ont, de tout temps, évoquée et commémorée, avec fierté, et que les musées nationaux illustrent, abondamment, avec documents et tableaux à l’appui, sans censure ni a priori, à l’attention de centaines de jeunes qui s’y rendent, chaque jour, venant de toutes les wilayas du pays et aussi d’Europe et d’Amérique.
Quant au président Macron dont j’ai dit qu’il lui aurait été plus facile, s’il en était vraiment convaincu, de régler le problème des crânes des résistants retenus en otage au Musée de l’Homme — qui ne mérite plus de porter ce nom — par le biais d’une simple instruction administrative plutôt qu’au moyen d’une loi — qu’attend-il pour en soumettre le projet à son Parlement ? —j’en avais parlé, incidemment, en dehors du contexte de votre écrit. Si vous n’avez pas saisi le sens d’une parenthèse, aussi élémentaire, que penser de votre capacité à prétendre embrasser le champ immense de la problématique mémorielle algéro-algérienne.
Même chose pour Belkacem Saâdallah dont la citation du nom — transcrit selon une phonétique non orientaliste — vous a échappé. Là, aussi, si vous n’acceptez de ne voir que ce qui vous arrange, comment voulez-vous traiter de questions aussi compliquées, en chaussant des œillères qui vous égarent sur des sentiers de hasard.
Enfin, si je n’ai pas cité Mohammed Harbi que je respecte en tant qu’intellectuel révolutionnaire et auteur pertinent ainsi que nombre d’acteurs politiques appartenant à la constellation communiste algérienne, avec les martyrs et les moudjahidine qui avaient rejoint le FLN, via Abane Ramdane, sans la casquette du PCA, c’est parce que je leur avais réservé un long développement dans mon récent essai publié par Casbah Editions sous le titre «L’opposition politique en Algérie» que je vous invite à lire avec Les présidents algériens à l’épreuve du pouvoir paru, en 2015, pour actualiser vos connaissances sur l’Histoire de la vie politique de l’Algérie post-indépendance. Mais de grâce, laissez Mohammed Harbi tranquille, ne le mêlez pas à votre basse polémique, en essayant de l’utiliser comme sauf-conduit, il est hors de votre portée.
2- Au plan du fond :
Ici deux remarques préliminaires s’imposent :
- Lorsqu’un écrivain publie un texte — quels qu’en soient le genre et le thème — il doit s’attendre à essuyer toutes sortes de critiques auxquelles il est tenu de répondre, sereinement, sans monter sur ses grands chevaux. C’est la règle, sinon, il s’engluera dans le bourbier de la suffisance et n’en récoltera que les dividendes de la misère morale.
- A propos des prérequis du métier d’historien qui me seraient, selon vous, passés sous le nez, je ne suis pas Bachelard pour vous rappeler les préalables épistémologiques auxquels obéit toute œuvre de l’esprit qui ambitionne de s’élever au rang d’œuvre scientifique, mais laissez-moi, quand même, vous dire qu’à mon sens le prérequis que je tiens pour le plus fondamental, dans toute entreprise de recherche en Histoire, entendue comme science humaine telle qu’enseignée par Ibn Khaldoun à Voltaire, c’est l’honnêteté et la rectitude intellectuelles qui passent, obligatoirement et en priorité, par le respect de toutes les parties prenantes aux événements et aux faits étudiés, sans exclusion ni préséance. Ce sont la nécessaire humilité de l’écrivain à l’écoute de toutes ses sources, sans discrimination ni stigmatisation, et le prérequis de la distanciation de la science historique par rapport à la politique qui vous ont fait défaut, ce qui vous a conduit, dans cette affaire, à adopter la double posture du juge et de la partie, un motif de disqualification aggravé par le choix, peu judicieux, de parrainages marqués par un engagement politique manifeste.
Vous aviez, probablement, pensé que ces parrainages vous seraient de quelque secours, dans l’aboutissement de la soutenance de votre thèse, en raison de leur «autorité universitaire» et de leur notoriété médiatique, vraisemblablement, séduit par la possibilité d’être coopté dans le courant qu’ils représentent et pour lequel ils recrutent.
- En Benjamin Stora vous avez vu «l’historien» prestidigitateur capable de vendre l’illusion chimérique de réécrire l’histoire en proposant un scénario de politique-fiction situé à contre-courant de la vérité historique.
Pour les besoins de cette version revue et corrigée de la réalité, il charge le nationalisme révolutionnaire, alias «le nationalisme plébéien», selon sa formule iconoclaste, de la responsabilité première des pertes humaines provoquées par la guerre, tout en minimisant le nombre de victimes algériennes de la conquête et de l’occupation, et ce, au profit du messalisme qu’il dépeint sous les traits de l’alternative la plus adaptée à l’époque, et qui aurait pu, à travers des négociations pacifiques, déboucher sur la construction d’une «nation arc-en-ciel» qui vous fait affirmer, avec des arrière-pensées à peine voilées, que «l’Algérie a toujours été une terre de métissage». Une utopie que l’Histoire a tranchée, définitivement, en 1962.
- Aïssa Kadri qui ne possède, soit dit en passant, aucun titre académique d’historien qui l’autorise à valider scientifiquement un travail de ce cru, c’est l’autre face du masque avec lequel vous comptiez avancer, assuré d’être protégé par une caution algérienne outside.
Votre préfacier, je l’ai connu à l’Institut d’études politiques où je l’ai précédé de deux années, dans la première promotion de l’université de l’Algérie indépendante. Il s’y était, déjà, distingué par son anti-marxisme réprouvé par René Galissot, dont il était un des élèves, ainsi que par son opposition à la politique de l’Etat, alors dirigé par le président Houari Boumediène. Il opta, très tôt, pour un positionnement proche de celui enseigné par Max Weber et par les disciples de Pierre Bourdieu, officiant à la Faculté des lettres et des sciences humaines d’Alger, qui lui balisèrent la route vers des études post-graduées dans les universités françaises, atterrissant, plus tard, au Centre Maghreb-Europe dirigé — ô ironie du sort — par le même René Galissot, le très orthodoxe marxiste-léniniste dont il devint l’adjoint.
Ce positionnement et ce cursus, assez singuliers, pour l’époque, tranchaient avec ceux empruntés par les fondateurs de l’Ecole algérienne de sociologie où s’étaient, brillamment, fait remarquer Djamel Guerid, Bouzida, l’auteur de la première étude sur les instituteurs algériens sous l’occupation, Sari, Nacib, Nadji Safir, Mahfoud Benoune, Abdelhamid zouzou qui signa une monographie sur les Aurès et, évidemment, Djilali Liabès et M’hamed Boukhobza, des chercheurs d’élite, modernistes, ouverts sur le monde, mais attachés à leur peuple sur les réalités et les soubassements socioculturels, économiques, linguistiques et ethnologiques desquels ils planchèrent, laissant des œuvres majeures, libres de toute influence idéologique ou politique étrangères, inscrites dans la lignée de la pensée des immenses Fanon et Lacheraf, et de l’intraitable Hamid Aït Amara auxquels vous préférez, avec vos parrains, Albert Memmi. Libre à vous de cultiver les références qui vous conviennent, mais tolérez que vos interlocuteurs en aient de différentes.
A ce stade des éclairages que je me devais de vous fournir — bien que j’imagine que vous en saviez, quand même, un bout —, je voudrais rappeler, en quelques mots, que le Centre Maghreb-Europe s’était spécialisé dans la production de thèses sur l’Histoire de l’Algérie, et, accessoirement, du Maghreb, confiées, en contrepartie de bourses, à des doctorants d’origine souvent algérienne à qui il était demandé de développer une orientation hétérodoxe située à l’opposé des lectures qu’on se fait en Algérie de la guerre de libération et du mouvement national.
Le résultat, voulu ou commandé, transforma ces doctorants en un lobby sur lequel le gouvernement français et les «philantropes» fournisseurs d’archives de première main s’appuyèrent pour encercler, affaiblir et faire fléchir l’irrédentisme de la famille révolutionnaire, ONM, organisations des enfants de chouhada, intellectuels patriotes, etc.
Apparemment, en vain, si l’on en croit Bernard Kouchner qui se résigne à attendre de voir disparaître, biologiquement, l’ancienne génération de la tête de l’Etat national, pour espérer changer les choses, un pari hasardeux pour qui sait — averti de ces véritables états d’âme et de ses ressorts politiques — que la jeunesse algérienne qui accédera, demain, aux commandes sera aussi intransigeante sur les principes fondateurs de l’Etat national, sinon plus.
Les tentatives faites par vos parrains de reconstruire l’Histoire, selon leurs fantasmes, ont, lamentablement, échoué, n’ayant pas réussi à accrocher et drainer, derrière leurs thèses, «la foule» algérienne pour deux raisons au moins :
- C’est avec le FLN que le gouvernement français a négocié et conclu la paix, le 18 mars 1962, pas avec le MNA, Messali, Bellounis, Kobus, les bachaghas et les harkis, à la différence de ce que Mendès-France avait imposé au Maroc, lors des pourparlers d’Aix-les-Bains auxquels avaient été associés, aux côtés du roi Mohammed V, tous les partis du Makhzen.
Le général de Gaulle a prolongé la guerre d’Algérie de 4 années dans le but de faire émerger une 3e force. S’étant rendu à la réalité du terrain contre laquelle butait sa manœuvre, il tenta de faire avaler la couleuvre de «la paix des braves».
Sans succès. C’est contraint par le soulèvement du peuple algérien du 11 décembre 1960 et par l’ampleur du mouvement de solidarité internationale avec l’Algérie combattante, unie autour du FLN, qu’il consentit à négocier avec les «hors-la-loi», ses seuls interlocuteurs valables.
Aucun historien au monde ne peut réécrire cette page de l’Histoire et, encore moins, l’effacer, ainsi que Giscard d’Estaing s’était, ridiculement, essayé à le faire.
- Une Algérie «multinationale» et «multiculturelle» était une vue de l’esprit née dans l’imaginaire «d’humanistes» idéalistes, mais aussi dans les calculs de politiciens madrés.
Les Européens, en particulier les israélites, avaient refusé de répondre à l’appel du FLN de rejoindre la lutte armée. Certains avaient préféré s’enrôler dans l’OAS et la Main Rouge qui s’étaient donné, pour mot d’ordre, de brûler l’Algérie dans le dernier quart d’heure.
Victime de la propagande terroriste de Salan, Lagaillarde et Susini résumée dans la formule «la valise ou le cercueil», la masse d’ouvriers, de fonctionnaires et de commerçants pieds-noirs fut poussée à l’exode, conditionnée par les latifundiaires, les grands armateurs et les 100 familles de la Compagnie algérienne de Raymond Laquierre.
Quel historien pourrait réécrire cette page ? Aucun. Ni vous ni Stora... Encore moins en usant du deux poids, deux mesures de la vérité en deçà et du mensonge au-delà.
Dites-moi, M. Alcaraz, en quoi cela vous gêne-t-il que ce soit l’Etat algérien qui organise et encadre la commémoration des dates marquantes de notre combat libérateur ?
Qui, en France, préside les cérémonies du 14 Juillet, du 8 Mai, du 11 Novembre, du débarquement américain en Normandie, du Centenaire de la guerre de 14-18, de la béatification des nouveaux pensionnaires du Panthéon, sur le parvis des Invalides, et depuis peu, au souvenir des victimes des attentats terroristes ? Est-ce que c’est le président de la République française, entouré des représentants de la nation et des corps constitués, où sont-ce les partis politiques, la société civile, les Celtes, les Corses, les Basques et les Bretons, chacun de son côté ? Pourquoi là-bas cela se lirait-il comme l’expression du «patriotisme républicain» et, ici, comme «une instrumentalisation au service de la pérennisation du pouvoir» ?
Quel mal y a-t-il à ce que le FFS, le RCD et le MCB célèbrent Ifri et le Printemps berbère, parallèlement à l’Etat, ou même contre lui ? Les partis de la droite française rendent bien chaque année un hommage au général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Eglises, plus appuyé, et, parfois, opposé à celui de la République. Le Front national ne célèbre-t-il pas Jeanne d’Arc, chaque 1er Mai, dans une geste anti-étatique revendiquée et assumée ? Pourquoi n’y décelez-vous pas le signe du pluralisme politique et de la diversité ethnique ?
Je vais m’arrêter là, car je pense vous avoir consacré plus de pages qu’il n’en faut. Et j’en conclus par ceci : vous êtes libre d’écrire ce que vous voulez, mais, s’il vous plaît, pas au nom des Algériens et contre leur Etat. Il y a un adage chez nous qui dit : «Que celui qui s’aventure à s’intercaler entre l’ongle et la chair en sera pour ses frais.»
Quant à l’éventualité de débattre avec moi en face des Algériens, sur la mémoire nationale, je ne vois pas à quel titre vous le feriez ? Et quand bien même j’y consentirai, qu’en tireriez-vous d’échanger avec un «idéologue de service» à qui vous déniez ne serait-ce qu’une once de paternité sur la mémoire des martyrs ? Mais, M. Alcaraz, si la mémoire des martyrs ne m’appartenait pas, pour la part qui me revient, dans cette nation, moi fils d’un peuple mortifié, à qui voudriez-vous qu’elle appartienne ? Aux colons, à Aussaresses, à Bigeard, à Massu, aux pieds-noirs fascistes, aux harkis, peut-être ? Souffrez d’admettre que j’ai une part, inaliénable et imprescriptible, dans la mémoire de tous les martyrs algériens, sans distinction de race ni de religion. En Algérie, nous n’avons par deux collèges de chouhada et si vous faites allusion à Maurice Audin, Fernand Yveton, Maurice Laban, Henri Maillot, Raymonde Peschard, dont le souvenir est immortalisé sur une stèle face à la mer, à côté du Bastion 23 d’Alger, notez que le peuple algérien les a logés, avec tous les chouhada, dans la prunelle de ses yeux.
Enfin, un conseil que je me permets de soumettre à votre appréciation, puisque, avec vos amis, vous avez l’oreille de l’Elysée : militez pour que l’Etat français reconnaisse, officiellement, les crimes coloniaux contre l’humanité, qu’il indemnise les victimes de ses massacres, qu’il restitue à l’Etat algérien, au plus tôt, ses archives, les vraies, pas les documentaires sur l’égorgement du mouton le jour de l’Aïd, ou les prestations footballistiques du Gallia Sport d’Alger, des années 1950, que l’INA envoie, de temps à autre, à la télévision algérienne ; agissez pour que le président Macron tienne parole et restitue, très vite, les crânes des Zaâtchas ; et dans l’intervalle, enquêtez sur l’assassinat de Larbi Ben M’hidi et de Maurice Audin ; traquez les ténèbres de l’Histoire de votre Etat, en renseignant les Français sur qui fut à l’origine de l’arrestation et de l’exécution de Jean Moulin ; fouinez dans les dossiers noirs du fascisme de Vichy et plongez dans les règlements de comptes, expéditifs, qui ont suivi, en masse, la libération de la France... Et s’il vous reste un peu de temps, profitez-en pour rassembler les documents qui nous édifieraient sur le patrimoine financier et immobilier que les nantis algériens détiennent dans votre pays... Cela nous aiderait, beaucoup, en ces moments de grande explication nationale, à démêler l’écheveau des liens occultes tissés entre les capitalistes français et les prébendiers infiltrés dans les rouages de l’Etat algérien...
Badr’Eddine Mili

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