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Rubrique Haltes Estivales

Constantine, l’année du fiasco arabe

Au moment où la justice se penche sur un autre scandale de détournement des deniers publics lors de la fameuse année de la culture arabe de Constantine, je republie cette chronique d'anticipation qui montre bien qu'au Soir d'Algérie, nous n'avons jamais cautionné cette conception élitiste d'une culture financée à coups de centaines de milliards au moment où le cinéma, le théâtre, la musique et les autres arts populaires se trouvaient au bord de l'effondrement, faute de moyens... Et ces choses ont été dites au moment du déroulement de la manifestation !
Juin 2216. Constantine a rejoint Mila. Les nouvelles cités d’acier et de verre, ceinturées d’autoroutes à six voies, poussent dans tous les sens. La capitale de l’Est est une immense mégalopole qui abrite 6 millions d’habitants. Devenue chef-lieu d’une des six régions autonomes d’Algérie, elle est administrée par un gouvernement local qui dispose de larges prérogatives dans tous les domaines, hormis les secteurs de souveraineté qui sont du ressort de Mezghena, ex-Alger, capitale fédérale.
La ville a renoué avec son glorieux passé de Capitale du royaume des Amazighs. Des statues ont été élevées en hommage à Massinissa, Jughurta et tant d’autres chefs illustres qui ont été longtemps oubliés. L’université, mais aussi le cinéma, le théâtre, la culture et les arts ne lésinent pas sur les moyens pour mettre en valeur cette histoire lointaine jalonnée de hauts faits de guerre et éclairer la vie mouvementée des aguelids qui régnèrent sur Cirta et la Numidie. Constantine n’oublie plus ses héros…
Il existe, au niveau du musée du second Moyen-âge, tout un étage réservé aux absurdités du XXe et XXIe siècles, période trouble, marquée par les guerres, les sécheresses, les famines et les pandémies. Le second Moyen-âge va de la fin du XIXe siècle à l’an 2055. C’est une longue descente aux enfers pour les peuples du Sud ployant sous le poids de l’autocratie, de la mauvaise gouvernance et du sous-développement. Sur le plan culturel, des identités authentiques furent gommées ou mises à mal par des politiques de bricolage qui, succédant aux méfaits du colonialisme, installèrent des cultures dominantes importées qui avaient totalement transformé les sociétés. Grâce aux satellites et aux chaînes de télévision bêtifiantes, l’intégrisme n’avait plus besoin d’armées obscurantistes pour prendre possession des lieux. L’arriération culturelle et le retour au charlatanisme éloignèrent ces sociétés du modernisme et des bienfaits du rationalisme, de la science et des technologies. Les gens se désintéressèrent de la lecture, des arts et de la culture pour se passionner pour les prêches incendiaires des imams cathodiques, nouvelle race de prédicateurs prônant la misogynie, l’inégalité, l’exploitation des ouvriers, l’économie informelle et le refus de tout progrès.
C’est au cours de ce second Moyen-âge que l’idée aberrante d’organiser une année de la culture arabe à Constantine, capitale des Amazighs, fit son chemin. Des sommes énormes furent mobilisées pour célébrer une culture moribonde qui n’était plus que l’ombre d’elle-même dans un monde arabe miné par les guerres fratricides, les trahisons et les menées subversives des royaumes corrompus. Les États-Unis d’Amérique, agissant dans l’intérêt exclusif du sionisme qui avait pris de force les terres palestiniennes, attaquèrent l’Irak sous des motifs fallacieux. Le départ était donné pour une longue période de stagnation et de chaos. Les régimes arabes corrompus, au lieu de dénoncer l’agression barbare, se mirent au service d’une coalition douteuse que refusèrent pourtant de rejoindre la France et l’Allemagne ! Le train de la trahison était en marche. Quand un certain BHL, agent notoire du Mossad, se porta au secours du sionisme, les choses devenaient claires sauf pour certains démocrates aveuglés par les discours lénifiants sur la lutte contre les «dictatures» arabes.
Le plongeon dans l’inconnu était amorcé. Les Arabes se liguèrent contre la Syrie, y envoyant des terroristes par dizaines de milliers. Ils regardaient brûler la Libye et y ajoutaient de l’huile, savourant la destruction des grandes bases qui défièrent le sionisme durant des décennies. Leurs ordres, ils les prenaient de Tel-Aviv. Un État microscopique imposa sa loi au sein de la Ligue arabe. Aux uns, il distribuait des milliards de dollars. Aux autres, il lançait des menaces. Plus tard, le Qatar fut remplacé par l’Arabie Saoudite qui forma une coalition pour attaquer le… Yémen. Avant le second Moyen-âge, les Arabes s’unissaient pour combattre Israël. Gloire et décadence !
Constantine, capitale de la culture arabe aurait eu un sens si l’événement avait eu lieu au moment où les Saddam, El Assad, Gamal Abdelnasser, Boumediène, Bourguiba, le roi Fayçal, Yasser Arafat poussaient leurs peuples vers le développement et le progrès social. En dépit de leur autoritarisme, et parfois des crimes impardonnables de certains d’entre eux, ils mirent en place des politiques de mise en valeur des terres, d’industrialisation et de généralisation de l’enseignement gratuit qui eurent leurs effets bénéfiques sur des sociétés arriérées et vivant, jusque-là, dans le dénuement et l’ignorance.
Oui, ça aurait eu un sens si les invités se nommaient Oum Kaltoum, Mahfoud Naguib, Marcel Khalifa, Fayrouz, Abdelhalim, Belkhayat, Hadi Jouini, El Anka, Cherif Khaddam, Kaki, Kateb Yacine, Mammeri… La culture arabe n’existe plus. La culture qui dit les souffrances et les espoirs des peuples a été assassinée par les variétés rythmées sur les airs du Golfe arabo-persique et les émissions aseptisées de MBC et Dubaï, au concept acheté auprès des majors américaines. La culture arabe, jadis grouillante de la vie des quartiers populaires, n’est plus que le triste reflet des platitudes officielles célébrant l’arabité des riches, l’arabité des intégristes, l’arabité des traîtres !
L’année 2015 fut la plus triste pour ce monde arabe en décomposition. Ce fut aussi celle de Constantine, année de la culture arabe. Étrange coïncidence ! Devinez qui viendra dîner ce soir : les aviateurs saoudiens qui se mettent à mimer les pilotes américains et, sous les bombes, toujours les mêmes Arabes ! Enfants de Ghaza et de Fellouja, vous n’êtes plus seuls à tomber sous les bombardements qui voulaient vous «libérer» ! Vous êtes rejoints par les enfants de Syrte, d’Alep et d’Aden ! Voilà les héros de cette année de la culture arabe !
Heureusement que le second Moyen-âge eut son épilogue et que les peuples amazighs purent se rassembler sous la bannière de l’Afrique du Nord des hommes libres, frères des Arabes libres, mais jamais leurs inférieurs.
Heureusement qu’un grand printemps mit fin au règne absurde des roitelets hypocrites agissant sous les ordres de Tel-Aviv. Heureusement que Jérusalem fut libéré par la grande coalition des armées arabes rassemblées sous la bannière de l’honneur et de la fidélité. Heureusement que cette lointaine année de la culture arabe n’est plus qu’un vague souvenir.
Sur Cirta la rebelle, souffle désormais un vent nouveau. L’an 2216 a apporté sa moisson de grandes réalisations à la mégalopole aux douze ponts : l’université de la langue amazighe, l’institut Ben Badis des sciences et de la technologie, l'édification du centre de lancement de fusées d’El Hamma, la restauration des grands monuments berbères et peut-être aussi la fin de la fameuse autoroute qui fut lancée il y a un peu plus de deux siècles !
M. F.
(*) Chronique publiée sous ce titre le 16 avril 2015.

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