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Rubrique Haltes Estivales

L'amour arrive toujours bêtement...

El-Kala. Années 70.
... Sandra reste silencieuse un moment, puis :
«Tu crois qu’elles existent véritablement ?
- Quoi ?
- Mais les sirènes ?
- Ce sont des mythes. Les gens qui ont vécu longtemps dans les océans éprouvent le besoin de s’inventer de la compagnie. Ils ont imaginé des créatures mi-homme, mi-poisson, car ils vivent écartelés entre les deux mondes. Et puis, comme ils ont surtout besoin de tendresse, ils ont pensé à des femmes.»
Sandra se tait un instant, puis enchaîne :
- Moi, je crois que les sirènes existent effectivement.
- Mais non, dit Mourad d’un ton résolu. Ce sont des fables.
- Tu as des preuves ?
- Non, je n’ai pas de preuves, mais personne n’a jamais capturé une sirène qu’il a montrée au public ! »
Sandra fait la moue :
«Pourquoi dis-tu ‘’capturer’’ ? Suppose qu’un homme accoste une sirène. C’est le grand amour. Il n’osera jamais parler de son existence. Sinon, ils seront séparés et elle finira dans un cirque ou dans l’aquarium d’un centre de recherches.
Mourad se perd dans les dédales où chemine, tortueuse lui semble-t-il, la pensée de la jeune fille. Il est vrai qu’il ne la connaît pas et qu’il commence à peine à la découvrir. Elle le fascine davantage. Il se sent fautif d’avoir déçu Sandra :
- Moi, je passe pour être un grand rêveur, un utopique, comme ils disent... Et voilà que je censure un grand rêve ! Oui, elles existent peut-être les sirènes...»
Sandra le relance :
«C’est vrai que tu es un grand contemplatif ?
- On le dit.
- Qui le dit ?
- Tout le monde. Mes amis...
- J’espère que tu n’as pas cru un seul mot de ce que je racontais à propos des sirènes ! »
Désemparé, Mourad ne saisit plus rien :
«Ah bon! Tu ne parlais pas sérieusement.
- Tu apprendras à me connaître. Allez, un plongeon ?»
Elle se redresse et galope vers la mer...
Midi sommeille dans les flots bleus et quiets de la Méditerranée, à peine sillonnés de plis superficiels que le zéphyr du large répand à leur surface : il roupille sur le sable safrané et fluorescent du rivage, il s’assoupit dans le clair-obscur des bosquets qui cernent la baie et chevauche jusqu’aux monticules tout proches. Mourad et Sandra ont déniché une romantique terrasse assise sur un récif et ayant les pieds dans l’eau.
Elle se trouve sous un monticule boisé, à l’abri des yeux indiscrets. Ils commandent des sardines grillées et des merlans en colère. Mourad a le regard rivé sur les yeux de Sandra aux teintes oscillant entre le vert lumineux du feuillage et le bleu profond de la mer.
La jeune fille tire une petite trousse de son panier et entreprend une séance de maquillage en règle. Elle jette son dévolu sur un rouge carmin qu’elle applique sur ses lèvres, ce qui rehausse son léger bronzage et habille son regard d’une flamme encore plus enivrante.
Mourad admire en silence le tableau. Lorsqu’elle achève son ouvrage, elle mouille ses lèvres d’un coup de langue sensuel, ramasse un essuie-main en papier qu’elle applique tendrement sur sa bouche. Ensuite, à l’aide d’un stylo, elle écrit la date, l’heure et signe «Sandra» sous la marque de ses lèvres et tend la serviette à Mourad :
« C’est un souvenir !
- Je le garderai toujours...
- On dit ça, mais on oublie vite...
- Pas moi, Sandra... »
Le ton de sa voix, l’expression grave qu’il vient de contracter, le regard pénétrant qui va au plus profond d’elle lui font prendre conscience d’une réalité qu’elle a tendance à négliger : Mourad fait partie de cette race de romantiques qu’elle fuit habituellement, car cela induit inévitablement des complexités dont elle n’a nullement besoin.
Elle est de cette catégorie de femmes indépendantes qui considèrent qu’une liaison ne doit jamais avoir de répercussion et que le béguin est une prison où l’homme est toujours le geôlier.
En définitive, tout s’est bien déroulé. En rentrant chez elle, Sandra plante un baiser sur les joues de Mourad et s'éloigne. Samir est occupé à frire des œufs. Il a préparé du café et en offre à son ami ;
« Alors, ça s’est bien passé ? Tu as bien joué ton rôle de nourrice !
- Ne dis pas de sottises ! Est-ce que tu t’es donné la peine de regarder Sandra ? C’est une jeune femme très belle. Et sortir avec elle est un plaisir.»
Samir sifflote :
«Hé ! Mais serais-tu par hasard épris ?»
Mourad ne proteste pas. Il se contente de prendre sa tasse de café et sort de la cuisine. Il entend son ami fulminer contre Sandra :
«Au diable, cette nana ! Mon œuf est foutu !»
Après le coup de foudre, Mourad vient de découvrir l’amour. Bêtement. C’est facile et embrouillé à la fois. Sur les murs, les parois et les cloisons, dans les pages des journaux, des bulletins et des annales, sur le lit, sous le lit, par terre, sur le plancher, à l’intérieur du réfrigérateur et même dans les tiroirs, l’image de celle que vous aimez est là, presque réelle. Vous êtes au boulot : chaque demoiselle qui rentre, chaque illustration sur les bouquins, chaque voix provenant de la rue évoquent la femme que vous adorez.
Elle est là, partout, dans vos pensées, dans les affiches cinématographiques, dans les étuis du savon que vous achetez, dans l’autocar d’estivants qui passe, dans tout ce qui remue, bronche et se déplace. Sandra est là, authentique, dans les nuages qui moutonnent au-dessus de la colline, dans l’azur de l’océan placide, sur les crêtes des palmiers qui longent la descente de la rade, dans le bitume des avenues...
Rien d’autre, plus rien d’autre n’a de l’intérêt.
M. F.

(Tiré du roman Les Sirènes de Cap Rosa).
 
P. S. : le FMI n'est jamais d'accord lorsque des pays tentent courageusement de s'en sortir avec leurs propres moyens. Cela fait des lustres qu'il nous promet l'effondrement si nous ne suivons pas ses conseils. Et quels sont ces conseils ? Recourir aux dettes extérieures, dépendre du bon vouloir des débiteurs, appliquer une politique encore plus à droite de l'actuelle, livrer le pays plus qu'il ne l'est à l'oligarchie et finalement tomber dans les griffes de ces suceurs du sang des peuples, ces affameurs du tiers-monde, ces dignes représentants des grands financiers de la planète, ces capitalistes sans foi ni loi au service de l'empire !

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