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Rubrique Haltes Estivales

Tôt ou tard, le rêve redémarrera !

Voici la dernière chronique republiée dans cet espace «Souvenirs» que j'alimente durant les vacances, au moment de la paisible retraite estivale. Si je compte bien, ce n'est pas dans la 36ème année de journalisme que je rentre aujourd'hui mais bien dans la 50ème. Simple calcul mental : cet écrit date de 14 années...
Il y a quelques jours, un ami me rappelait que je rentrais dans ma 36e année de journalisme et me demandait quelle leçon je tirais de cette longue pratique et si j’étais toujours motivé en écrivant mes articles. Il me disait aussi que mes derniers écrits étaient ceux d’un « désabusé »… Je ne lui ai donné aucune réponse, parce que je n’en avais pas tout simplement à ce moment précis. Je pense que nous ressemblons aux coureurs cyclistes, toujours prêts à recommencer à courir... Mais contrairement aux champions de la petite reine qui avancent au fur et à mesure des étapes qui les mèneront à l’arrivée finale, nous brûlons les... étapes !
Vite, vite, nous sommes tout le temps pressés ! Pareils à un boulet qui vient d’hier et qui va vers demain, nous sommes incapables de nous arrêter au présent ! Car la vie n’est pas seulement exister pour courir derrière des richesses éphémères ! La vie, c’est cette sensation de bonheur qui vient parfois d’un simple regard, du sourire matinal d’un soleil printanier, d’un geste qui fait renaître l’espoir, d’une fraternité sincère, d’une amitié à toute épreuve, d’un amour vrai.
Chaque matin, lorsqu’il faut refaire le monde dans 24 pages, vous avez la certitude que vous êtes l’homme le plus riche du monde. En entamant une journée de travail dans un quotidien, vous allez tout simplement vivre une aventure palpitante qui va vous éloigner des prétentions humaines, des petites et grandes lâchetés de vos semblables, de leurs arrogances et vilenies. Vous allez pénétrer un monde à part où les chefs d’Etat, aussi puissants soient-ils, deviennent de simples humains. Parce qu’il vous suffit de penser à la couverture de la mort de Boumediène ou de Boudiaf, de vous rappeler la page spéciale sur les obsèques de Gamal Abdenasser ou de Mao Tsé Toung et tant d’autres leaders que l’on pensait immortels, pour relativiser votre vision du monde. Les hommes riches, les armateurs grecs, les grands patrons du pétrole, les acteurs d’Hollywood, les chefs de l’industrie spatiale, les émirs à la tête de fortunes colossales et même Bush, père et fils, ne résisteront pas au temps, cet océan sans fin qui emporte tous les hommes, sans s’attarder sur leur statut social ou leurs comptes en banque. C’est la première grande leçon de ce métier : nul n’est éternel.
Cette certitude vous libère totalement, car elle vous donne à réfléchir sur l’attitude de vos semblables. Pourquoi ont-ils peur des chefs d’Etat et des puissants ? Pourquoi ont-ils peur de simples mortels ? Pourquoi se courbent-ils devant un roi ? Pourquoi sont-ils enclins à se baisser devant les signes de l’autorité ou de la richesse ? Le citoyen, quelle que soit sa position, est tenu de respecter les lois du pays où il vit ; il a des droits et des devoirs, pas plus ! Tout le reste est un héritage des tyrannies balayées pourtant par le combat des hommes libres ! Et quand ce sont des peuples entiers qui perdent la boussole, devenant de simples esclaves d’un système imposé par la force, quand les gens deviennent naïfs au point de penser qu’ils peuvent être sauvés par un seul homme, cela conduit nécessairement à toute sorte de dérives…
Le journalisme m’a appris à respecter ceux qui n’acceptent pas l’ordre établi s’ils pensent qu’il est injuste. La pratique de ce métier m’a appris à être toujours du côté de ceux qui luttent inlassablement pour que le monde soit plus juste, plus fraternel, plus libre. Les lécheurs de bottes, les imbéciles heureux qui vendent leur âme pour un bon compte en Suisse, les membres de l’association des malfaiteurs qui ne dorment pas bien depuis quelques semaines, les voleurs de parcelles de terrains, de logements et d’usines, ceux qui, pensant qu’ils sont intouchables, accomplissent des forfaits que l’on s’empresse d’étouffer (où en est l’affaire de la tentative d’assassinat d’un jeune à Club-des-Pins ? Où est l’affaire des corrompus par Khalifa ?), tout ce beau monde ne nous intéresse pas. Ce sont des déchets qui finiront dans la poubelle de l’Histoire et, à ce titre, ils ne sont cités que pour rappeler à ceux qui nous lisent que le crime ne paie pas, que les bandits finissent toujours derrière les barreaux et qu’il ne faut jamais avoir peur de leur dire les quatre vérités en face !
L’Histoire finit toujours par nous rattraper, car ce métier a le mérite de mettre les visages à nu, tous les visages ! Les masques ne servent à rien ! Où sont les petits rats qui tiraient à boulets rouges sur les Arouchs, dénoncés à longueur de colonnes par des plumitifs accrochés aux jupes de leurs sponsors ? Où sont-ils ceux qui ont osé souiller un mouvement citoyen sorti des entrailles de ce peuple pour crier haut et fort et dénoncer les dérives d’un système injuste ? Ils se terrent dans leurs trous ! Tant pis, cela ne changera rien à la roue de l’Histoire qui avance toujours dans le bon sens. Nous n’avons pas attendu l’accord avec le gouvernement et la bénédiction du pouvoir pour dire que les Arouchs avaient raison, qu’ils symbolisaient l’espoir de tout un peuple et qu’ils devaient être soutenus par tous les patriotes de ce pays ! Et s’ils en viennent aujourd’hui à juger qu’il faut arrêter les hostilités et aller aux négociations pour faire aboutir leurs revendications, nul n’a le droit de douter de leur sincérité, et surtout pas les futés de l’arrière-boutique de la politique ! Dès le premier jour, au dernier souffle de Massinissa Guermah – cet héros que nous ne glorifions pas assez ! — nous avons été avec ces Arouchs ; et ce n’est pas aujourd’hui que nous allons changer de veste ! Allez-y mes amis, allez-y pour le bonheur et la prospérité de notre chère Kabylie !
Cet épisode m’amène tout naturellement à évoquer l’une des marques maison de pas mal de journalistes et de journaux. C’est cette tendance qu’ont beaucoup de changer de veste, pour un oui, pour un non ! Incroyable, mais vrai ! D’anciens marxistes-léninistes, qui nous traitaient de petits bourgeois, sont devenus des adeptes de ce capitalisme qu’ils traînaient dans la boue à travers leurs écrits ! Pire, ils attendent avec impatience l’émergence de ce néo-libéralisme qui va enterrer les derniers acquis du boumediénisme, pour placer leurs pions et chaparder quelques biens… L’argent a pourri la presse, il l’a éloignée de ses nobles objectifs. Plus d’argent, c’est bien. Mais quand cela vous éloigne de la majorité de ce peuple qui croupit dans la misère et vous rapproche des milieux aisés - pas tous exempts de reproches -, il y a risque de changer même votre manière de penser et d’écrire…
36 années de journalisme m’ont appris à connaître les gens. Rares sont ceux qui valent le coup d’être fréquentés, car rares sont ceux qui resteront à vos côtés dans les moments durs ! Comme au premier jour, je suis pour le socialisme, même si cette idée est démodée. Parce que, dans ce système, les pauvres, les ouvriers sans grade, les malades issus de milieux démunis, n’ont besoin de la pitié de personne ! L’Etat doit leur garantir le minimum vital, un travail digne, un logement décent et des soins gratuits, « bla mzya ! ». Et ce n’est pas une idée politique ou partisane, c’est ce que doit faire l’Algérie issue de la révolution de Novembre, la vraie, l’authentique, née du rêve de millions de martyrs ! L’Algérie des capitalistes n’était pas prévue au programme parce que, risquant de ressembler à celle des colons et de l’exploitation de l’homme, elle n’aurait pas mérité tous ces sacrifices !
Mais je sais que, tôt ou tard, lorsque la cohorte d’exclus sera bien longue, grossie par l’injustice, l’inégalité et le mépris, un nouveau vent libérateur fera lever les têtes… Quelque part au-dessus des buildings et des usines, plus haut que les petits projets cupides des nouveaux riches, au-dessus des nuages qui s’accumulent, un soleil jeune fera naître l’espoir dans le cœur de ces millions d’individus. Le socialisme, en tant que tel, est peut-être périmé, mais ce rêve tout nouveau n’en sera pas tellement différent puisqu’il dira aux hommes : le bonheur individuel n’a aucun sens s’il s’isole au milieu des malheurs collectifs !
Et ça redémarrera, au nez et à la barbe de Bush, des multinationales et de ses consuls régionaux ! Voilà la principale leçon de ces 36 années de journalisme. Nul ne pourra empêcher le rêve de redémarrer. Il n’a besoin de rien. Son moteur est l’injustice… Et ce n’est pas ce qui manque !
Publié le 7 avril 2005.
M. F.

P. S. : à très bientôt pour essayer de comprendre ce que nous réserve le dialogue refusé par le Hirak et pourquoi il faut se méfier du bouteflikisme sans Bouteflika car, enfin, ces ministres, ces walis et tout ce « beau monde » ont été désignés par lui, non ?

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