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Rubrique Hommage

HOMMAGE Krim Ouramdane, un enfant de la guerre

Par Hadj Aomar Krim
C’est en ce 9 mars 2018, que la famille Krim, parents et alliés, s’est réunie pour commémorer le quarantième jour du décès de notre cher neveu et cousin, Ouramdane Krim, commandant de l’ANP à la retraite. C’est donc en ce quarantième jour, ultime moment de recueillement, par lequel nous accompagnons traditionnellement nos morts, que je tiens à évoquer des souvenirs et des faits, peut-être méconnus, ayant marqué la vie du défunt.
La naissance d'Ouramdane a eu lieu dans les douleurs de l’enfantement de l’Algérie elle-même. Il est né, en effet, quasiment le jour même où son père, Da Ahmed n’Ouramdane, est tombé en chahid.
C’était à l'automne 1958, j’avais à peine douze ans – je m’en souviens très bien – car je ne peux oublier ce mois d’octobre marqué par deux grands évènements : l’arrestation de Dada Ahmed et la naissance de son fils Ouramdane, qu’il ne verra jamais. En ce temps-là, la guerre battait son plein. La Kabylie était mise à feu et à sang à l’instar des autres régions du pays. Pourtant, la population, exsangue et démunie, soutenait de toutes ses forces ses enfants, maquisards, qui livraient un combat héroïque et sans relâche à la soldatesque coloniale. Cette dernière, souvent impuissante, contre les coups que lui portait l’ALN, n’hésitait pas à se venger systématiquement contre les civils. Vers midi, un silence lourd planait sur la zone 4 de la Wilaya III. Les premières déflagrations des tirs du mortier 105 mm se faisaient entendre. Enfants, on avait appris à discerner les différentes armes au bruit de leur crépitement ou de leur déflagration. Et là, c’était bien les tirs du105 mm qui tonnaient et s’intensifiaient en se rapprochant progressivement des alentours des villages; il s’agissait, sans aucun doute, d’un tir de barrage.
On pilonnait les maquis avant le déploiement des troupes au sol. La localité devrait être bientôt totalement bouclée, car elle se trouvait dans une zone interdite… Les explosions ne s’étaient pas encore tout à fait arrêtées, quand le vrombissement des avions et des hélicoptères «banane» remplissait l’air et semait l’effroi. En même temps, les camions GMC et half-tracks débouchaient de partout. Du côté de Boumahni, de Timezrit, d’Ali-Vounave, de Maâtka… ils convergeaient, tous, vers le lieu des opérations. Exactement là où se trouvait notre village.
Dans les pauvres demeures s’abritaient, serrés les uns contre les autres, des femmes, des enfants, des vieillards et quelques rares hommes encore valides. Ces derniers, pour une raison ou une autre, n’ont pas encore rejoint les maquis ou l’émigration, comme ce fut généralement le cas dans la plupart des villages à cette époque. Les visages sont livides et dans les regards hagards se lisait la peur... Je remarquais que même les animaux tremblaient et se terraient au fond de l’unique pièce ou dans des recoins de fortune...
Et puis, c´est le silence ! Le temps s’était brusquement suspendu. Tout le monde savait l’imminence du danger, et retenait son souffle… Venant de très loin, des aboiements de chiens se firent entendre.
Les bergers allemands, haletants, la bave pendante et les crocs acérés, étaient les premiers à s’engouffrer dans nos maisons, suivis par des soldats agressifs et excités, le doigt nerveux sur la gâchette. Tout le monde est jeté dehors et rassemblé par petits groupes pendant que les maisons sont mises sens dessus dessous.
Dans les cours, on jetait, pêle-mêle, tous les aliments pour les rendre impropres à la consommation ; huile, semoule, café, sel, sucre, figues sèches, pétrole, etc. Certains soldats mus par le zèle – et comme si cela ne suffisait pas – y mettaient le feu.
Da Ahmed n’Ouramdane n’avait que 39 ans, il fut emmené, avec d’autres villageois, dans un camp tristement célèbre, à Tadmaït (ex-camp du Maréchal). Quelques jours plus tard, on apprit que Da Ahmed, Khalfaoui Moh-Kaci N’saïd et d’autres civils, nombreux, dont j’ai oublié le nom, furent atrocement torturés.
N’ayant pu leur soutirer des aveux, ils furent contraints de creuser chacun sa propre tombe au bord de laquelle, ils furent tous, tour à tour, froidement abattus. Du plus haut des montagnes des youyous s’élevèrent pour saluer le martyre de ces héros, mais aussi pour annoncer, en même temps, la venue au monde des citoyens de demain.
Digne fils, enfanté dans le feu du combat libérateur, Ouramdane Krim se retrouva, à l’indépendance, à Larbaâ-Nath-Irathen, dans une école d’enfants de chouhada. Quelques années plus tard, c’est tout naturellement qu’il s’engagea, sans hésiter, dans l’école des officiers de Cherchell. Assurément mû par le désir instinctif de contribuer à l’édification de cette patrie pour laquelle son père s’est sacrifié.
Jeune officier, il se fit un devoir de servir son pays et de le connaître dans sa profondeur et sa diversité au gré des mutations et des postes qu’il occupa dans les différentes régions du pays. Il termina sa carrière en qualité d’enseignant, avec le grade de commandant, dans cette même école qui l’avait formé.
Ouramdane avait mis l’amour de la patrie au-dessus de tout, au point où, atteint d’une grave maladie, il refusa d’être transféré à l’étranger malgré l’insistance de ses proches, il leur répétait souvent : «Je fais confiance à nos médecins et pour peu qu’on mette à leur disposition un minimum de moyens, il n’ont rien à envier aux médecins étrangers.» Une belle leçon de patriotisme !
Il faut dire, aussi, que cet homme, qui n’a jamais quitté l’Algérie, même pour faire du tourisme, comme beaucoup, dans les pays voisins, était connu pour son abnégation, sa modestie et sa gentillesse.
Il passait, quasiment, tous ses congés et ses permissions dans son village natal, perché sur la haute colline de Tizra-Aïssa d’Aït-Yahia-Moussa. C’est là qu’il prit sa retraite, pour se consacrer à l’écriture, car il était aussi romancier. Il s’adonnait, aussi, au tir à l’arc ; son loisir préféré.
C’est dans le cimetière de ce même village qu’il repose désormais, malheureusement loin de la tombe de son père, les restes de Da Ahmed n’ayant jamais été retrouvés.
Mon cousin Arezki et moi-même n’avons pu assister à l’enterrement, car vivant à Hambourg depuis plus de quatre décennies.
Nous exprimons, ici, toute notre peine de n’avoir pu l’accompagner à sa dernière demeure. Qu'il repose en paix !
H. A. K.

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