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Rubrique Ici mieux que là-bas

Dans la nuit inquiète…

Ça ne t’arrive jamais, à toi, ça ? Tu pistes Morphée mordicus, mais il te snobe avec la morgue des conquérants. Tu ingurgites presto un somnifère de derrière les fagots, - dose d’éléphant ! Mais tu n’y arrives quand même pas. Bon sang de bonsoir ! Tu prends ta zapette et tu regardes la télé, mais tu ne vois rien. Ce sont des images plus ou moins floues qui défilent, -l’une chassant l’autre dans un fondu enchaîné apocalyptique, - qui ne s’impriment dans la rétine ni ne font sens.
Les pensées noires continuent de se bousculer dans ta tête. Le contraire d’une pensée noire, est-ce une pensée blanche ? Voilà donc à quoi ressemble une nuit neutre de couleur ! Un palimpseste où s’écrit et s’efface l’Algérie et la souffrance, dans un mouvement perpétuel. Dur d’avoir de telles cogitations insomniaques, pâles, haves, mais moins que de subir ces nuits atroces que les samaritains de « la nouvelle Algérie » infligent aux jeunes qui sont tombés dans les rets du néonationalisme de la rente. Pas de politique la nuit, vaut mieux, hein !
Puis, comme le temps lentement s’étire, tu cherches quoi faire ! Tu ouvres la chemise rouge. Elle est toute chiffonnée. Que faisait-elle là, avec sa frimousse toute froissée, mitée aux encoignures, comme si la patine voulait témoigner bessif de la survivance du passé tout proche : Printemps berbère de 1980, Octobre 1988, Décennie noire, Printemps noir de 2001… Un album de sang et de cannibalisation des révoltes populaires ! N’est-il pas encore là, le temps qui chancelle, ne peut-on pas presque toucher  le  passé  complexe ?
Ah cette manie de tout archiver ! Comme si rien ne devait se perdre ! Pas une goutte. Pas un mot. Tout ! Qu’est-ce qu’ils fichent là, au fond, ces articles de presse tout rabougris, recouverts de taches de café ou de pinard, ces textes imprimés sur du papier jauni par le temps amnésique? Attendaient-ils sans doute, dans l’incertitude, que quelqu’un vienne les délivrer comme le génie de la lampe ?
En parcourir quelques-uns, comme ça, pour le fun. Œil distrait, regard en diagonale. Y’en a dont la résonance se prolonge dans l’incandescence d’aujourd’hui. Ainsi de cette chronique (publiée dans Ruptures, N° 23, du 22 au 28 juin 1993, donc après l’assassinat de Tahar Djaout), écrite en réaction au sauvage attentat dont fut victime le professeur Boucebsi, éminent psychiatre, personnalité marquante de la société civile, membre du Comité Vérité sur l’assassinat de Tahar Djaout.
La conclusion de cette chronique qui avait pour titre «Masochisme» ne sied-elle pas comme un gant à la situation post-Hirak d’aujourd’hui ? «Les ruptures que le peuple d’Octobre (1988), débordant le cadre tracé par les marionnettistes du ras-le-bol, sont plus que jamais d’actualité. Le drame qui frappe au coup par coup, amplifiant la colère, générant la peur, doit aiguiser la lucidité qui exige que la sortie de la crise qui est en train de mener le pays au bord de la guerre civile soit fondée sur des solutions d’alternance réelle et non pas sur cette technique du «rey-rey» ( le bonneteau) qui repose sur l’art de cacher les cartes dans un jeu indéfiniment recommencé».
Le rey-rey continue. Eternel recommencement aux pays des oublis et des renoncements !
Tu quittes la chemise rouge et son dépôt de temps qui stagne ! Tu reviens un instant aux réseaux sociaux ! Tes yeux te picotent. Et te revient cette amicale interpellation de l’ami Saci Belgat. Il avait lu ton post sur FB lors d’une précédente insomnie, la nuit où fut libéré Walid Nekiche contre lequel le procureur a requis… rien moins que la perpétuité. Nous revoilà dans nos proportions préférées, la démesure.
Plus encore, Walid Nekiche révèle au juge qu’il a été la victime non seulement de tortures mais de sévices sexuels lors de ses interrogatoires. Oh ça ne se dit pas !
Dès que tu as appris la fin du procès, tu as écrit ceci : «Tard dans la nuit, le jeune étudiant hirakiste Walid Nekiche sort libre du tribunal. Soulagement. Mais le procureur qui a requis la perpétuité restera dans l'histoire de l'Absurdistan. Délirant.»
Crier au soulagement que Walid Nekiche rentre chez lui, et biffer ce qu’il a subi, c’est se résoudre à «s’acheter une bonne conscience» et renoncer, ce faisant, à défendre «l’honneur de la République». 
D’accord avec Saci ! On ne devrait pas se contenter de s’octroyer avec autant de légèreté une bonne conscience. Après Octobre, il y eut un comité contre la torture ! Un minimum…
Mais on ne se mobilise pas en Algérie pour un jeune étudiant accusé d’être du… MAK ? Rien que pour cela, les «bonnes consciences», effarouchées, joueraient l’indifférence ?
Préjugés. Erreur. Des compétences en matière de droits de l’Homme sont déjà mobilisées. On réclame une commission d’enquête. Des avocats ont demandé à ce que Walid Nekkiche passe devant un médecin.
Retour à la chemise rouge. Un autre morceau de passé rédigé dans une insomnie d’antan (Ruptures, juillet 1993) : Comment, en fait, d’abord, se l’expliquer cette sorte de rocher de Sisyphe qui revient fatalement au même point quand on croit l’avoir fait avancer ?»
L’ennui, c’est ce retour inévitable, récurrent, ce rocher que tu hisses et qui te retombe dessus. La nuit inquiète te colle à la roue !
A. M.

 

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