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Rubrique Ici mieux que là-bas

Et si le Mak n’était qu’une baudruche ?

«Je ne suis pas fait pour toute cette haine.» 
(Paul Verlaine)

En réaction à la chronique de la semaine dernière (« Jimmy, la Kabylie et ces feux qui nous brûlent ») qui a suscité beaucoup de retours hostiles, parfois malheureusement irrationnels,  un ami journaliste bienveillant m’écrit en message privé : « La pire des tares est le nombrilisme. »
Je lui demande ce que cela signifie, car, franchement, je ne vois pas ce qu’il y aurait de « nombriliste » à parler de la chaude actualité des incendies en Kabylie, du meurtre du jeune Djamel Bensmaïl et surtout de la singularité politique qui fait de l’espace kabyle le lieu de décantation des heurts des clans au pouvoir. Soit dit en passant qu’il y a des types à la jugeote torve qui confondent singularité et suprématisme ! Pauvre de nous !
La réponse de mon confrère a augmenté mon interlocution. Il me dit
texto : « A focaliser sur la Kabylie, il n’y a rien de bon qui en sort. J’ai le cœur brisé de voir tous ces gens pétris de générosité se retrouver nus comme un ver. On oublie trop souvent que ces mêmes gens se fichent de toute la littérature débitée sur eux. » À ce tarif-là, rien ne vaut d’être écrit !
Essayer de comprendre un processus politique qui consiste à allumer un brasier, est-ce du nombrilisme ? Mon ami me répond : « Pour certains, il y a beaucoup de ça ! »
J’ai beau relire cette chronique, je ne trouve aucun nombrilisme dans le sens que lui donne le Larousse, c’est-à-dire une attitude narcissique, égocentrique. Le reste de cette discussion m’a révélé qu’en fait ce qui posait problème à mon ami, c’était le mot singularité qu’il assimile au particularisme péjoré qui renvoie au fameux « mythe kabyle » issu des travaux anthropologiques de la fin du XIXe siècle, notamment ceux du Dr Paul Topinard qui attribuait aux Kabyles des qualités susceptibles d’en faire des alliés de la France. Pourtant, cette stratégie coloniale de division a échoué puisque les Kabyles avec les Chaouis furent à la pointe de la résistance indépendantiste.
Me voilà comme sommé d’expliquer des choses pourtant évidentes. Singularité veut tout simplement exprimer un ensemble de caractéristiques géographiques, linguistiques et  culturelles. De ce point de vue, chaque région d’Algérie a sa singularité et c’est une richesse pour le pays. Celle de la Kabylie est augmentée par un tropisme, celui  de réagir comme  un enjeu politique. En poussant plus avant la discussion, à cœur ouvert, mon ami ajoute qu’au nom de l’intérêt national, il ne faut pas affirmer publiquement « Je suis Kabyle », car cela exacerbe l’animosité de ceux qui entendent par là, non pas une appartenance régionale, mais, au bas mot, l’expression d’un identitarisme exclusif et, au pire,  l’aveu de quelque séparatisme perfide. Je lui ai même répondu qu’il ne faut pas qu’un Noir assume d’être un Noir car cela risque d’exciter davantage les racistes.
Du coup, affirmer « je suis Kabyle » n’a rien à voir avec le fait de se dire Oranais ou Mozabite ? Et pourtant, c’est la même chose.  L’affirmation séditieuse est suspecte d’attenter à l’État-Nation et au nationalisme algérien censé cimenter l’unité nationale. Mais ne faut-il pas que nous réunisse la citoyenneté algérienne plutôt qu’un nationalisme confisqué par ceux qui parlent plus fort que les autres ?
Un autre ami bien intentionné et même magnanime me dit que toute expression est certes libre pour lui, mais il trouve normal de  me dénier le droit de nuancer dans l’approche de l’épisode des incendies en Kabylie car «un journaliste sait que c’est le MAK qui a fait ça, et qu’il est manipulé. Ne pas le dénoncer, c’est être un extrémiste. De toute façon en Kabylie, tout a toujours été manipulé y compris en son temps, le MCB. »
Que répondre à ça ? Sinon que nous sommes dans un moment polémique dangereux où une parole excessive et même haineuse s’est libérée. Le comble, c’est que ceux qui l’entretiennent sont très certainement de bonne foi. Dès que l’on essaye d’insinuer un brin de nuance, on est ipso facto taxé de berbériste, une étiquette de moindre mal, de kabyliste, ou de makiste, ce qui est le summum du discrédit.
S’il faut parler un peu de soi, je ferai comme l’ami Maâmar Farah qui racontait dans un billet récent que lors d’une conférence en Kabylie, il y a quelques années, où on lui demandait sa position par rapport au MAK, il avait répondu qu’il était contre la division du pays mais qu’il ne désapprouvait pas le fait que ce groupe s’exprime tant qu’il cultivait le pacifisme. Depuis l’assassinat du jeune Djamel Bensmaïl, Maâmar Farah rejette totalement  le MAK sur la foi des « aveux publics des assassins». 
Comme la plupart d’entre nous, j’ai eu droit à la même question lors d’une conférence à Montréal et j’ai répondu que je n’étais pas d’accord avec le projet du MAK mais que tant qu’il restera une force politique pacifique, je ne vois pas pourquoi il n’aurait pas droit à la parole dans un pays où des Madani Mezrag avouent publiquement qu’ils ont tué de leurs propres mains des jeunes soldats de l’ANP. Cependant, je suis en total désaccord avec le MAK à cause de son orientation politique. Plus encore, ce qui me semble rédhibitoire, c’est son acoquinement avec Israël, non point avec les forces de gauche israéliennes comme le mouvement La Paix maintenant, mais avec les groupes les plus réactionnaires tels que le Likoud. Je précise que je trouve ce lien inacceptable, non pas parce que des Juifs oppriment des Arabes mais parce que l’État d’Israël est un État colonialiste et raciste qui réprime sauvagement les Palestiniens. Ce qu’il convient d’ajouter, c’est que le MAK, comme tous les groupes à quintessence sectaire, s’en prend d’abord aux Kabyles qui ne sont pas dans sa ligne. Personnellement, je suis vu par beaucoup de militants du MAK, et pas uniquement par eux d’ailleurs, comme un « Kabyle de service », un Kabyle du système, un Kabyle incomplet quand ce n’est pas carrément un traître.
Mais je reste persuadé qu’on gonfle le MAK pour le rendre de taille à endosser tous les  malheurs du pays. Les gens qui vivent en Kabylie savent bien qu’il ne représente pas la force qu’on lui attribue afin de se défausser sur lui.
Eh bien, sans rancune, et bonnes vacances pour ceux qui peuvent et ont l’envie de les prendre. Pour les autres, de tout cœur avec vous.
A. M.

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