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Rubrique Ici mieux que là-bas

Femmes de Bordj-Badji-Mokhtar et d’ailleurs

Comment articuler tout ça ? Il y a d’abord ce film de Maïwen, congelé par le confinement, qui vient de (re)sortir. Il s’intitule ADN et c’est l’histoire d’une quête des racines qui se termine par cette image inattendue et roborative de l’actrice principale, arrivée au terme de sa recherche, ceinte du  drapeau algérien, dans le Hirak à la Grande-Poste d’Alger. C’est que Maïwen est de mère algérienne.
Le film est axé sur le décès d’Émir, le charismatique grand-père maternel, un Algérien venu en France il y a fort longtemps, qui fut à la fois un militant pour l’indépendance de l’Algérie et un militant communiste sensible à la question sociale.
Ce grand-père jovial et débonnaire était le rassembleur d’une famille aussi éclatée que l’Algérie elle-même. Il en a été le ciment et l’on appréhende que l’édifice ne s’écroule après son décès qui plonge cette famille dans la perte et le désarroi. Mais déjà, les préparatifs des obsèques révèlent la causticité des désaccords, la profondeur des failles. Le personnage principal s’appelle Neige, un nom tiré de Nedjma de Kateb Yacine. Comme le père de Neige, un Franco-Asiatique, est un militant d’extrême droite, il  refusa le nom à consonance arabe de Nedjma. On coupa la poire en deux, ce qui donna Neige.
La mort du vieil émigré algérien à la descendance cosmopolite a accentué les lézardes à l’intérieur de la famille privée de l’ancêtre tutélaire, et a provoqué chez Neige, en particulier, le désir d’aller en quête des origines. L’Algérie fait irruption dans son univers. Film bouleversant sur la mort en exil, l’immigration, la solitude, la famille...
Le personnage de Neige dit que sa mère est à 50% algérienne et elle à 25%. Elle est née en France où elle a grandi, mais elle revendique l’héritage algérien et les luttes de son grand-père et de sa lignée. Pourtant l’exclusivisme nationaliste quasi endogamique qui s’est exprimé à satiété ces derniers temps par rapport à la diaspora lui dénierait jusqu’à sa passion pour l’Algérie, un pays inscrit dans son ADN. Un film franco-algérien fort que nous recommandons à quiconque peut le voir. Espérons qu’il sera projeté en Algérie.
Comment donc articuler avec ce qui va suivre ? Des enseignantes ont été agressées à Bordj-Badji-Mokhtar, à 2 200 km d’Alger. Plus qu’un bled perdu, c’est le genre d’endroit où l’État n’estime pas judicieux d’être présent et où les journalistes ne se précipitent pas. Pourtant, elles, ces enseignantes, se sont dévouées, en dépit de la désolation et de l’insécurité des lieux, à assurer aux enfants la scolarité à laquelle ils ont droit dans cette école numéro 10. L’irruption d’une horde barbare – difficile de trouver les mots pour caractériser les auteurs de cette ignominie ! — contre des femmes a été vécue par celles-ci comme un enfer et une infamie. Et toute conscience « normale » doit se sentir outragée par ce qui vient d’arriver !
Comment se peut-il que, dans une société qui se gargarise à longueur de discours creux de valeurs religieuses de solidarité et de vertu convoquée à tout-va, on en vienne à commettre des actes aussi bestiaux à l’encontre de femmes sans défense, qui plus est des éducatrices qui prennent en charge l’avenir de nos enfants.
Le mouvement d’horreur provoqué par cette hogra sur les réseaux sociaux est juste et nécessaire, ce à quoi devrait s’ajouter l’indignation devant le silence des autorités par ailleurs promptes à réprimer les journalistes pour des articles et des hirakistes pour des marches. Ce silence est plus que troublant. Il a aussi l’éloquence macabre de celui qu’on avait vécu lors de l’épisode sordide des violences commises contre les femmes de Hassi Messaoud le 13 juillet 2001 lorsque 300 hommes attaquèrent une centaine de femmes dans le quartier d’El-Haïcha.
Comment articuler avec ce qui va suivre ? On n’arrête pas la régression. C’est même le seul mouvement irrépressible dans ce pays ! En 2018, en Afghanistan, pays des Talibans où le conservatisme est resté intact et intense, il y eut des élections législatives. Sur les affiches électorales, on voyait les photos dévoilées des candidates. En 2021, en Algérie, pays de Djamila Bouhired et de Louisette Ighilariz, des héroïnes de la libération du pays et du combat pour celle de la société, sur les affiches électorales, on voit  des photos de candidats mais pas celles des candidates, remplacées par des sortes d’avatars. On ne sait comment commenter cela avec un minimum de bon sens. Comment demander aux électeurs de voter pour des candidats dont on ne voit pas le visage ? Pourquoi les femmes ont-elles le droit de se présenter à des élections si on leur dénie celui de montrer leur visage.
Les gens de ma génération qui ont connu en d’autres temps, ceux d’avant le code de la famille, une Algérie fière de ses héroïnes,  demeurent sidérés devant tant de mépris pour la femme et devant tant d’incohérences.
En dépit de tous les archaïsmes induits par la salafisation, il n’y a pas de doute sur le fait que le progrès finira par l’emporter car l’histoire de l’Algérie est une succession de séquences pour la libération et l’émancipation, des valeurs inscrites dans l’ADN de notre peuple.
A. M.

 

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