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Rubrique Ici mieux que là-bas

Kateb Yacine, le 1er Novembre, le Hirak

Tiens, c’est tout bientôt le trentième anniversaire de la disparition de l’immense Kateb Yacine. Comment ne pas se rappeler ce 29 octobre lorsque le père de Nedjma, le roman constitutif de l’âme algérienne en lutte contre l’oppression et surtout contre les oppresseurs, nous quittait. Un jour comme un autre ? Non, pas vraiment. « L’ombre du midi avait plus de tourment », dirait, en la circonstance, Jacques Brel. La disparition de Kateb Yacine avait laissé la trace d’un hématome dans le cœur de l’Algérie tuméfiée. C’est une voix qui s’éteignait, une voie qui finissait dans le cul-de-sac de ce qu’il a toujours haut et fort combattu : l’intégrisme religieux, l’étroitesse nationaliste, la résignation devant les forces de l’argent et de la bêtise…
Kateb Yacine, c’était un poète et un écrivain de grande envergure, mais c’était plus que cela. C’était l’incarnation d’un mélange unique de talent, de pugnacité, de probité et de résistance.
Et c’était, surtout, une voix claire et distincte qui disait tout haut ce qui était dans l’intérêt du peuple et qui déplaisait forcément à tous les pouvoirs, ceux de l’argent, de la politique et de la religion. C’est ainsi qu’il s’est fait beaucoup d’ennemis parmi ces derniers et beaucoup d’amis et de soutiens, surtout parmi les jeunes dans les années 1970 et 1980.
Tout chez lui était romanesque. Sa vie, son œuvre, sa pensée, sa sensibilité. Tout chez Kateb Yacine sortait de l’ordinaire.
Voilà ! Juste un salut à Kateb Yacine, peut-être un chouia oublié dans ce Hirak. Il aurait trouvé les mots qui seraient entrés dans l’Histoire pour booster cette révolution tranquille pour la dignité, valeur capitale pour lui.
Dans le chapitre des hontes, il faut se rappeler, tout de même, qu’un imam égyptien, Ghezali pour ne pas le nommer, écrivait dans El Irchad, la revue de l’association de Nahnah ceci : « Quand j’ai appris la nouvelle de la mort de Kateb Yacine, j’ai dit : était-il donc vivant qu’on puisse parler de sa mort ! ? »
Mais comme l’infamie n’a pas de limite, il ajoutait : « S’il n’avait tenu qu’à moi, j’aurais recommandé de l’enterrer en France, non en Algérie. Il a vécu en écrivant en français, non en arabe !… »
Grassement payé par l’Algérie pour apprendre via la télé officielle aux Algériens à être musulmans, cet imam importé se permettait de prononcer de telles choses sans que le flasque pouvoir politique s’en émeuve !
Kateb Yacine a été enterré un 1er novembre. J’ai encore en tête les images de cette cérémonie plutôt houleuse. D’abord et comme un ultime pied-de-nez post mortem que faisait le poète aux normes, le véhicule qui transportait le cercueil de Kateb Yacine commet la facétie d’une crevaison. Ensuite, la mise en terre à El-Alia, ce cimetière d’Alger, avec, d’un côté, un imam qui avait du mal à expurger sa prière et, de l’autre, l’Internationale qui montait dans le ciel limpide de ce jour, c’était un condensé des luttes âpres pour façonner « l’Algérie qui n’en finit pas de venir au monde » (Kateb Yacine, Nedjma).
Et le 1er Novembre, c’est aussi donc un jour d’accouchement, où l’Algérie est venue au monde dans une nouvelle phase de son histoire de luttes et de combats.
Le symbole est immense. Mais il a été, lui aussi, subverti, voire perverti. L’indépendance a accouché, elle, d’un système autoritaire, dominé par la poigne et l’étroitesse. Heureusement que des hommes comme Kateb Yacine étaient là pour rappeler qu’un pays qui possède une histoire de résistance et d’héroïsme ne saurait, indéfiniment, accepter l’inacceptable.
C’est le sens du Hirak. Il y aurait à dire sans doute sur l’adhésion qu’aurait indubitablement donnée Kateb Yacine à ce grand acte d’émancipation de ce peuple pour lequel il avait un attachement que jamais ne pourraient rivaliser ses contempteurs divers et variés. Mais peut-être est-il prudent de ne pas spéculer à blanc.
Kateb Yacine a une histoire et une œuvre qui parlent pour lui. Elles nous disent que l’art est un engagement et que le talent est un héroïsme, celui de porter les siens à la hauteur lyrique de l’Histoire. C’est toute l’œuvre de Kateb Yacine. Nedjma reste comme une balise dans la longue et tumultueuse marche de ce peuple auquel il avait voué sa vie.
Curieux de savoir comment Kateb Yacine, mort jeune à 60 ans, aurait vécu la chute du Mur de Berlin, puis les transformations néolibérales de la mondialisation qui a arasé tout ce qui pouvait, de près ou de loin, rappeler que la lutte des classes est le moteur de l’Histoire. Kateb Yacine n’a jamais caché son attachement aux idées de progrès.
Curieux aussi de voir comment il aurait appréhendé l’Algérie des années 1990, dominée par la violence des intégrismes, ce linceul noir posé sur un pays jeune, puis les années Bouteflika qui a fait sortir de ce pays ce qui il avait de moins reluisant et enfin cette révolte quiète du Hirak. Pour sûr, en tout cas, qu’il n’aurait pas cédé un iota aux acteurs du néolibéralisme, barbus ou non.
Kateb Yacine était un authentique Algérien, profondément enraciné dans ce pays, dans son histoire, mais un Algérien qui a un sens de la liberté pour son peuple digne.
A. M.
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