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Rubrique Ici mieux que là-bas

La guerre des amulettes ?

Il y a des mecs omniscients (tu vois, ce sont ces gens qui savent tout, quel que soit le domaine !) qui nous expliquaient doctement, il y a encore quelques jours, que nous n’avions décidément rien pigé. Et que, de toutes les façons, hormis leurs augustes individus, personne n’a jamais rien compris au galimatias qui nous sert de sphère politique dans ce pays.
 Leur message même pas codé est, d’un mot, qu’il était impossible qu’Abdelaziz Bouteflika rempile pour un cinquième mandat. L’argument ? «Tu as vu son état de santé.» Nos experts qui-savent-tout-des-arcanes dédouanent par avance leurs compères conseilleurs de princes : « Ils ne feront pas ça, non ! Ils n’oseront pas. Le monde entier se gaussera de nous, on n’en est pas là tout de même !» La prière du vendredi est dite ! Fermez le ban.
Et la conséquence, logique, s’impose. Le Système, le Clan, le Cabinet noir, et je ne sais quoi, et je ne sais qui, est en train justement de plancher sur une solution de rechange à la Guépard de Lampedusa : «Tout changer pour que rien ne change.»
Les bulbes gambergent pour trouver un candidat de substitution. Un qui tienne la route, tu vois ce que je veux dire ! Suit une liste de noms possible. Laquelle liste change tous les jours avant de finir engloutie par la dure loi de la réalité.
Quelques-uns parmi ces lecteurs des desseins de Dieu fustigeaient même ceux qui, habitués aux aberrations surréalistes de ce pays au point de n’être surpris de pas grand-chose, subodoraient qu’il n’en serait rien et qu’il y aura bien un cinquième mandat. Ces laboureurs de la prospective étaient accusés illico presto de propager des rumeurs nuisibles à l’intérêt national. «Tu joues le jeu de qui, là ?» Allons bon !
Puis la nouvelle tombe. Aïe ! Sans surprise ! Attendue pourtant en dépit de toutes les dénégations des oracles du système et de ses alentours, elle a provoqué la sidération. Et la tristesse ! Pauvre pays ! Pauvre homme !
Oui, il y va ! Comment ? Il y va, il court, je te dis! J’ai bien entendu ? Heu, quoi ? Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, compris ! Abrège !
Et du coup, j’ai l’impression qu’on va dérouler ici, comme ailleurs, le même propos depuis 20 ans. Y’a rien de nouveau à dire ?
Il s’est lancé comme une course à l’échalote où chacun, preuves à l’appui, vient nous montrer que la suite lui a donné raison. Bravo, c’est toi qui as vu juste ! Oui, tu savais qu’on allait vers le cinquième mandat. Oui, tu savais que… Je vous aurais prévenu !
Cette voyance extralucide ne régénère pas le commentaire politique algérien englué dans un pathétique surplace. On a tout vu. On se répète ? Pas possible de faire autrement ! C’est la loi du genre ! Il y a des jours où on se rêve commentateur sportif. Là au moins, ça bouge !
Au fond, il est à la fois nécessaire et superflu de chercher à comprendre. Visiblement, pas intérêt à sortir du troupeau ! Les régimes faibles font preuve de force irrationnelle lorsque la situation leur échappe. Et c’est le cas là !
Mais, voilà une occasion d’ajouter du monde à la liste déjà bien achalandée de ses ennemis. D’un côté, émettre des réserves sur le cinquième mandat ou afficher la position en toute démocratie de son scepticisme peut exposer à des représailles. Si exprimer tes opinions dans le strict respect du débat entre gens civilisés peut faire actionner le boomerang, à quoi cela sert-il de «voter» ces opinions ?
Et de l’autre, discuter la candidature d’Ali Ghediri, l’outsider favori, et respectable autant que ses soutiens divers et sincères, peut conduire certains de ses partisans à des intolérances incompréhensibles.
Le seul fait de s’être demandé si le doute prévisible sur la loyauté du scrutin ne devrait pas, tant qu’à faire, laisser le Président sortant «gagner contre personne» nous a attiré toutes foudres qui étaient en mal d'usage. Comme si, à la conception iconique qui déifie le Président sortant on devait fatalement opposer une candidature messianique. La guerre  des  amulettes n’aura pas lieu ?
Transcription d’un petit échange sans importance avec un ami qui soutient Ali Ghediri :
C’est lui qui commence :
- Tu devrais venir avec nous soutenir Ali Ghediri. C’est la dernière chance de changer le système. Si tu continues à hésiter, l’Histoire te condamnera comme un allié objectif des forces de la régression.
- Mais est-ce une bonne idée d’aller à des élections qui risquent d’aboutir au résultat que l’on sait. Bouteflika n’y va pas pour perdre, tu le sais bien.
Là, il me cite les qualités d’Ali Ghediri comme arguments électoraux :
- Il est intègre, il a un doctorat de sciences politiques, il a un programme qui conduit vers un Etat de droit, etc.
Mais on n’est pas dans une configuration d’une compétition démocratique où les qualités des candidats et leurs programmes feront la différence. On n’est pas non plus dans un système où la maîtrise de la communication numérique pourrait décider les gens à voter.
L’idée que tout cela est cousu du même fil blanc dont la pelote remonte à loin est enracinée dans le scepticisme des Algériens. Bien sûr, il y a tous ces gens qui ont milité et qui militent encore et qui veulent absolument faire quelque chose pour changer quelque chose. Ali Ghediri peut être le vecteur de ce changement. Mais…
Il reste, par delà la sidération, le droit de s’interroger. Que le système doive changer, c’est certain. Mais comment, par qui ? Ce sont toutes ces questions que ne règle pas un scrutin.
A. M.

 

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