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Rubrique Ici mieux que là-bas

Le drapeau amazigh et la valse insensée

C’est la valse à 2 temps. Ou même à 3. Ou davantage encore.
1er temps, celui de l’évacuation. On nettoie au Karcher, comme dirait l’autre. Pour faire place nette ou pour faire semblant,  le nouveau pouvoir étrenne sa méthode. Il produit des fournées faramineuses de candidats à l’écrou. On interpelle, on traduit en justice, on emprisonne à tour de bras. Dame justice, encombrée par d’anciens stocks, ouvre la saison des  soldes. Les prisons en deviennent des palaces, du moins certains de leurs quartiers, vu le «beau linge» que l’on y met. Un peu comme une noria qui se serait emballée, l’institution qui a pour symbole la balance se met à mouliner le glaive à tout va.
Mais là aussi, il y a comme un air de plaisanterie. Quand il a entendu la sentence prononcée à l’encontre d’Ali Haddad, dont on ne sait par ailleurs pas grand-chose des chefs d’accusation, un jeune voisin s’est exclamé : «Et dire que mon copain a pris deux ans pour une simple fumette».
Le 2e temps est celui d’une certaine décantation qui se fait dans l’impasse. On commence enfin à discerner le vrai profil de ce nouveau pouvoir et même certains de ses desseins. Et peut-être de ses projets, notamment celui de s’adosser manu militari  sur des hommes et des idées qui ont contribué à couler le pays, pour soi-disant trouver une sortie de crise. Faire du vieux avec du vieux ? J’achète cash !
3e temps de la valse, il se dessine dans la rue. Celle-ci ne désarme pas depuis 18 semaines. Plus le temps passe, plus les revendications se font matures et cohérentes. Et plus le nouveau pouvoir édicte à la rue ce qu’elle doit faire, moins cette dernière l’écoute, faisant ainsi valoir que c’est elle qui doit être écoutée.
S’appuyant sur ces valeurs issues d’un recyclage toxique, le pouvoir, au nom du «Ben badissisme novembriste», un cocktail halal unique comme le parti qui jadis en imposa d’autres  variantes,  a décrété que seul le drapeau algérien est autorisé dans les manifestations. Traduit en langage pratique, cela exclu les deux autres drapeaux visibles jusque-là  dans les cortèges,  le drapeau amazigh et  le… drapeau palestinien.
Il ne fait pas de doute qu’en ce qui concerne le drapeau palestinien, sa prohibition est un gage donné aux Emirats. Quant au drapeau berbère, inutile d’ergoter. L’occasion est trop belle pour ne pas laisser se déverser la haine de ce drapeau et de ce qu’il représente comme sacrifice et lutte pour le pluralisme et la démocratie, et comme enracinement millénaire de nos origines berbères. Cette haine qui commande de donner un nouveau coup à l’unité nationale en s’attaquant à l’amazighité.
Mais dans une sorte d’absurde dialectique, si l’on ose le dire ainsi, chaque faux-pas du pouvoir actuel dans la gestion du formidable mouvement populaire du 22 février est une pierre de plus apportée à  l’édification  du projet national pluraliste et démocratique que le mouvement est en train d’élaborer.
On interdit l’amazighité ? Eh bien, il n’y a pas de meilleur stimulant pour l’étendre à toute l’Algérie. On interdit le drapeau palestinien ? Il n’en faut pas davantage aux plus durs récalcitrants  à la cause palestinienne,  laquelle servant d’objet de diversion, pour manifester leur solidarité à la Palestine et exhiber son emblème.
Voilà donc comment est géré ce mouvement formidable qui peut permettre à l’Algérie, pour la première fois de son histoire, de donner l’exemple d’une transition pacifique vers un Etat démocratique et une république civile. Mais on voit de plus en plus clairement que si obstacle il y a, il ne s’agit pas du peuple. Il y a encore 4 mois, on nous menaçait : attention, si vous refusez le 5e mandat à Bouteflika, ce sera le chaos !  Vous optez pour le scénario syrien ou libyen !
On a refusé le 5e mandat et il n’y a pas eu de chaos. Bien au contraire, les hommes qui symbolisaient le vieux système ripoux sont tombés, du moins en partie. C’est le peuple qui, par ses manifestations, a fait faire un pas salutaire à l’Algérie enkystée par le bouteflikisme dans la mauvaise gouvernance et la corruption.
A chaque nouvelle phase du mouvement, on lui oppose une nouvelle forme de menace du chaos. Mais aucune provocation ne semble prendre. Le mouvement continue, insensible aux sémaphores brouillons et au brouillard lancés par ceux qui croient tenir toutes les clés de la solution.
Dernier épisode en date : l’interdiction proclamée haut et fort du drapeau berbère dans les manifestations. La réponse a été, à travers tout le pays, cinglante. En dépit des efforts désespérés des forces de l’ordre de les  saisir par la force, on n’a jamais vu autant de drapeaux berbères, parfois faisant pièce avec le drapeau algérien comme pour signifier qu’au contraire d’un élément de division, il est un signe d’unité.  Mieux : dans des villes algériennes où le drapeau amazigh est habituellement tenu en suspicion, vendredi 21 juin, il fleurissait. On revient à cette vieille contradiction : tout ce que dit le pouvoir pousse le peuple à faire le contraire.
Mais, le plus étrange, c’est de comprendre pourquoi, dans une situation aussi délicate, le chef d’état-major ouvre un front inutile où il n’est pas sûr de convaincre. Ça, c’est le quatrième temps de la valse, peut-être le plus important. Pourquoi mener une bataille qui n’a apparemment aucun sens ?
A. T.

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