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Rubrique Ici mieux que là-bas

L’enfer d’Abassi Madani

Cette chronique, je la  dédie à Tahar Djaout, qui aurait sûrement été encore parmi nous si de sinistres personnages comme Abassi Madani n’avaient jamais existé.
Franchement, question sincère — ou plus exactement quelque part sincère — : le décès d’Abassi Madani est-il un événement ? Mérite-t-il qu’on s’y attarde peu ou prou ? J’avoue avec une certaine gêne que j’ai passé la veillée funèbre de mon tonton Makhlouf, tragiquement victime d’un accident de la route, à y penser.  En parler ou pas, revenir sur ce triste bouffon ou causer plutôt de cette magnifique jeunesse qui, depuis dix semaines, est en train d’inventer l’avenir ?
Le tonton, lui,  pas de pli. L’oncle, c’est notre histoire commune, c’est la transmission, la durée de ces montagnes splendides et irrédentistes et tout ce que cela nous lègue et qui est à l’œuvre dans ce pays qui se soulève pour sa dignité. Et pour recouvrer l’espoir.
Hormis l’effet de ces accidents de l’Histoire et la fâcheuse proximité de l’actualité, qu’est-ce que ça a à voir avec cet…Abassi Madani, personnage fade, sans consistance, que de tragiques et facétieuses circonstances ont transformé en figure incontournable de ces années 1990 qui ont vu le pays sur le point de sombrer dans le gouffre de l’intégrisme et l’épuration barbare qu’il avait commencé à pratiquer. Bilan : 200 000 morts !
En 1990, juste avant que ne soit promulguée la loi sur les formations politiques, en charge pour Algérie Actualité d'un dossier concernant le projet de loi sur l'information du gouvernement Hamrouche, j'ai dû interroger des responsables de partis politiques. J’ai donc rencontré Abassi Madani pour le FIS et je crois bien que c’était sa toute première interview, du moins dans un canard de langue française. 
Il m'avait fixé rendez-vous un matin à 9 heures à l'entrée de l'Université de Bouzaréah. J'arrive pile-poil à l'heure. Rendez-vous à l'entrée, mais où exactement? Il me répondit que de toute façon, on se trouverait.
Je poireaute. A 9h30, debout contre ma voiture dans le parking à l’intérieur de l'université, je décide d'agir. Je vais voir le vigile qui filtre les véhicules.
- Pardon, est-ce qu’Abassi Madani est arrivé ?
- Pas encore. On le remarque quand il arrive. C'est la seule Mercedes du campus.
Au bout d’un moment, j’aperçois l'imposante Mercedes. Un type tout petit, rouquin avec une barbe riquiqui, à l’allure de fausse barbe, tente de tenir le volant correctement.
Il se gare. Et se confond en salamalecs.
Je compris que ses seules compétences consistaient en ces salamalecs. Il me pria de le suivre dans sa salle de classe. De jolies étudiantes bien fardées et prématurément  enhijabées vinrent le saluer. Il en sembla ravi. Macha Allah.
Il m’affirma tout de go que si je l'avais prévenu plus tôt, il m'aurait reçu chez lui, à la maison, comme il l'avait fait la veille pour une équipe de journalistes européens. C’étaient les tout débuts du FIS et il tentait la séduction, ce qui avait fonctionné auprès de certains confrères qui allaient plus tard s’en mordre les doigts. Par la suite, j’aurais à discuter avec Mohamed Arkoun du corpus théologique d’Abassi Madani et de ses semblables, des agitateurs politiques qui prennent en otage une religion, et il m’affirma qu’ils n’en possédaient qu’une vulgate destinée à la mobilisation politique. Ils savaient exploiter les frustrations sociales.
Il faut dire que le FIS, à l’époque, bricolé par le clan Chadli pour faire pièce, après les événements d’Octobre 1988, à des projets de société plus démocratiques, était au zénith de sa puissance. Après la révolte des jeunes d’Octobre, Chadli homologua  le mouvement intégriste en recevant ses dirigeants. Il leur offrit sur un plateau les dividendes de la révolte d’Octobre qui, au demeurant,  n’avait rien à voir avec eux.
Puis, les jeux de manipulations ont propulsé le parti islamiste sur le devant de la scène politique. Abassi Madani vociférait partout sa haine de l’Algérie, de la démocratie et des partis « sanafirs » — lilliputiens — qui y aspiraient. Il fustigeait, bave aux lèvres, les femmes qui luttaient pour leurs droits, les  traitant d’« éperviers du colonialisme ». Il dopait ses troupes parties à l’assaut de toute liberté, attaquant les cinémathèques, interdisant les activités culturelles, répandant la mort et la désolation dans le pays.
Abassi Madani, c’est aussi celui qui a fait inscrire Allah en lettres de nuages au laser par une société américaine impie pour berner ses troupes qui y virent une manifestation divine.
Personnage insignifiant, il finit, par l’effet de la régression occasionnée par le jeu politique et ses multiples manipulations, par être le guide d’une armée de fanatiques qui ont transformé l’Algérie en laboratoire où, au nom d’un Dieu des supplices et de la mort, ils ont expérimenté toutes les formes de barbarie.
Et c’est cet enfer fait de sang, de larmes, de peur, qu’Abassi Madani et ses semblables ont voulu imposer comme avenir à ce pays.
Les lois de la biologie ont fait leur œuvre. Que reste-t-il d’Abassi Madani ? Sans doute un discours plein de haine et de mort qui, déguisé, adouci, faussement conciliant, distillé par une chaîne de télévision dans laquelle est impliqué un de ses enfants avec de l’argent qatari.
A. M.

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