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Rubrique Ici mieux que là-bas

Un 1er mai masqué et ganté

Les messageries sont envahies de muguets virtuels. Ça vient de partout. Qu’importe que tu sois à Alger, Oran, Turin, Châteauroux, Birghebalou, Londres, Paris, San Francisco ou Tizi Ouzou. Le muguet vogue d’un point à l’autre du globe sans s’encombrer de visa, de contrôles tatillons des polices des frontières, des Ok des compagnies aériennes plus ou moins en faillite et d’autorisations de manifester. Le muguet se lance, ombrageux et irascible, comme ces harragas qui arrivent, malgré tout, à bon port. Tiens, oui, le 1er Mai existe encore ? Fort heureusement !
Depuis le temps !...En dépit des vicissitudes de l’Histoire, il est encore là frais et frétillant comme un muguet ! Et ça vient de loin. En 1884, les syndicats américains, réunis en congrès, décident de se donner deux ans pour conquérir la journée de travail de huit heures. La date du début de cette lutte est toute désignée : le 1er mai, le mooving day, jour du déménagement de l’ouvrier, son contrat annuel prenant fin à cette date. Le 1er mai 1886, une grève générale, impulsée par les anarchistes, mobilise environ 340 000 travailleurs dans tous les États-Unis. Le 3 mai, à Chicago, trois grévistes sont tués par la police. Lors d’une manifestation de protestation, le lendemain, une bombe explose tuant un policier. Une bagarre entre manifestants et policiers fait sept morts dans les rangs des forces de la répression. 5 anarchistes sont condamnés à mort. Quatre sont pendus le vendredi 11 novembre, date entrée dans l’Histoire sous le nom de « Black Friday ».
Dans sa réunion du 20 juillet 1889 tenue à Paris, la IIème Internationale socialiste décide de faire de chaque 1er mai une manifestation de revendication en faveur de la journée de travail de 8 heures. En 1890, le 1er Mai est célébré dans de nombreux pays. Le 1er mai 1891, lors de la manifestation de Fourmies, une localité du nord de la France, la police tue neuf manifestants.
Cet héritage de lutte et de sang demeure un acquis précieux. Acquis ? Voilà un autre terme qui fera fuser les sarcasmes. Ici, on perpétue le péché de ringardise idéologique. Ce n’est pas la première fois, non ! Depuis que cette chronique existe, on a toujours essayé de garder vive la flamme de ces luttes fossilisées et, chez nous, relativement caricaturales. Du temps du parti unique, qui perdure sous d’autres formes, le 1er Mai était phagocyté par l’UGTA qui en faisait une véritable kermesse folklorique où tonnaient les slogans de la plus pure langue de bois. Jour férié, débauche de décibels, et voilà tout !
 Aujourd’hui, on n’a même plus la caricature. C’est le néant abyssal et ce n'est pas faute d'efforts fournis par les forces politiques et syndicales vouées au travail et aux travailleurs. Pourtant, comme le disait un sociologue, tant que les inégalités et l’oppression existeront, la lutte aussi persistera.
Mais... ça resurgit là où on ne l’attend pas. Depuis des années maintenant, une initiative citoyenne revivifie le 1er Mai et redonne le goût de la lutte au présent. Ça se passe à Oran. Un collectif d’associations, dont Bel Horizon, organise une déambulation qui entraîne des milliers d’Oranais à la (re) découverte de leur ville et de ses richesses historiques. Un moment culturel et solidaire fort qui s’inscrit de fait dans la tradition des combats pour le partage.
En dehors des clous, l’Algérie du Hirak a célébré, le 1er Mai 2019, la fête des travailleurs avec la pugnacité de ceux qui revendiquent la liberté syndicale sans laquelle tout est bridé.
Comment le 1er Mai aurait-il été fêté cette année, si la nécessité du confinement ne s’était pas imposée ? Comment l’aurait-il été, avec tous ces détenus d’opinion, ces arrestations arbitraires d’éléments du Hirak ?
En ce 1er Mai pas comme les autres, les travailleurs clament qu’ils sont confinés mais pas résignés. On ne peut scotomiser l’oppression qu’on subit même sous de nouveaux oripeaux.
On est les produits de sa réalité. Les travailleurs, écrasés, niés, annihilés par le capital plus vorace que jamais, réduits à une condition infrahumaine, sont là, et ce sont eux qui sauvent la mise en temps de naufrage de la mondialisation financière. Et ce sont eux, oui, qui, en ce temps de pandémie mondiale de coronavirus, font face au malheur. 
Partout dans le monde, c’est le travail des invisibles qui, en dépit de ce grain de sable fatal de virus, fait que la terre reste encore dans son axe. Soignants, aides-soignants, caissiers et caissières, livreurs, agents d’entretien, et tous les petits métiers invisibles tressent la chaîne des gestes humbles qui fondent les solidarités par lesquelles la condition humaine a du sens.
Pas possible, cette année, d’appeler à ces grands rassemblements pour battre le bitume sur un air de fête face aux flash ball de la police. 
Dans le monde entier, les syndicats et partis de gauche doivent faire preuve d’imagination inventant de nouveaux modes de mobilisation. En France, ils appellent à investir la toile en postant massivement des revendications sur les réseaux sociaux. Ils favorisent aussi les pancartes, banderoles à la fenêtre et aux balcons, de même que le concert de casseroles, adopté par le Hirak.
Le mot d’ordre est de construire le monde d’après le coronavirus. Avec les travailleurs ! La pandémie devrait nous montrer à quel point le rôle des syndicats est essentiel dans la protection des salariés.
La catastrophe est révélatrice des problèmes du monde. Plus que jamais, les travailleurs ont besoin de se reconnaître, se compter et agir pour changer ce monde mité par le fric et les égoïsmes des puissants. Mais c'est déjà un vieux mot d'ordre qui recouvre un coup de jeunesse impromptue ! 
A. M.

P. S. : Et puis il y a le 3 mai, Journée internationale pour la liberté de la presse, reconnue par la plupart des pays du monde sauf par l'Algérie de... Bouteflika. On ne peut raisonnablement pas parler de l'existence de la liberté de la presse tant qu'il y a des journalistes en prison pour avoir seulement exercé leur profession.

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