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Rubrique Ici mieux que là-bas

Un néo-wahhabisme glamour ?

Décolleté sacrément hallal. Au royaume ultrapuritaniste du wahhabisme exportable à coups de pétrodollars, le cinéma était l’incarnation du Chitane. Les salles de cinéma sont restées fermées pendant… 35 ans ! Ce n’est qu’en 2018 que Mohamed Ben Salmane, alias MBS, autorise leur réouverture. Janus, ce type est à la fois l’artisan de l’intervention saoudienne dans la guerre au Yémen et celui de la purge qui a entraîné l’arrestation ou le limogeage de centaines de princes et d’hommes d’affaires. En même temps, il est celui qu’on soupçonne d’être mêlé à la rétention de Saad Hariri, à l’époque où ce dernier était président du Conseil des ministres du Liban. Mais MBS est surtout, et toujours en même temps, suspecté par la CIA d’être le commanditaire de l’assassinat en Turquie du journaliste Jamal Khashoggi. Et encore en même temps, l’homme fort qu’il est devenu tente de « moderniser » le vieux royaume vermoulu dans l’ultra-conservatisme.
C’est de cette démarche volontariste que participe la première édition du Festival international du film de la mer Rouge qui s’est tenu dans la vieille ville de Djeddah du 6 au 15 décembre. 67 pays y ont projeté 138 longs et courts-métrages. La cérémonie d’ouverture a dû faire des polytraumatisés tant le passage à la vitesse d'une Formule 1 de l’austérité wahhabite à cette forme de permissivité a été violent : défilé glamour de stars arabes et internationales sur tapis rouge en costumes extravagants, robes fendues et décolletés plongeants, poses langoureuses. Exit l’abaya noire pour les femmes, emblème de leur incarcération dans la tradition, et exit surtout le voile noir. C’est la danse des chevelures interdites. Signe des temps : « Seules quelques très rares personnes portant le voile intégral ont été aperçues sur place, pendant la soirée », note un journaliste qui témoigne s'être frotté les yeux.
Autres signes des temps : le jury du festival était composé d’une majorité de femmes. Et aucune censure n’a été imposée aux films. Les spectateurs ont tout vu, y compris les baisers cash de Cyrano, la comédie musicale un brin débridé de Joe Wright.
Un amateur de cinéma saoudien en est sorti en lambeaux. « Pendant 40 ans, on nous a dit tout cela, c’est péché et aujourd’hui, les mêmes viennent soutenir que c’est nécessaire de montrer les femmes. »

Le voile n’est pas une obligation en islam ? Oui, les temps MBS ont changé. Il y a encore quelques années, Haifaa Al-Mansour, la première femme réalisatrice saoudienne, — mise à l’honneur aujourd’hui par ce festival —, racontait qu’en tournant en 2012 sur le territoire saoudien son film Wadjda, elle devait se cacher dans une camionnette et donner ses consignes par talkie-walkie pour ne pas choquer la population du quartier qui n’aurait pas compris qu’une femme dirige la réalisation d’un film. C’est plus qu’un blasphème.
D’autant que l’un de ses films précédents, Women Without Shadows (Femmes sans ombre) (2005), avait été attaqué avec virulence par les conservateurs, car un religieux affirmait devant sa caméra que le voile pour les femmes n’est pas une obligation de l’islam.
Son très beau film Wadjda raconte l’histoire d’une adolescente qui brave les diktats sociaux et religieux en acquérant un vélo, interdit aux filles. Elle apprendra à y monter. Le retentissement du film aboutit à la légalisation de la bicyclette pour les femmes.

Le cinéma connaît un essor avec des tournages en Arabie Saoudite. L’opinion progressiste ne peut que s’en réjouir. Le réalisateur Ahmed al-Mulla voit dans le cinéma un « soft power qui peut ouvrir la voie aux mutations sociales et économiques ».
Le royaume ambitionne de devenir un pôle cinématographique inscrit dans la politique culturelle préconisée par son programme de transformation « Vision 2030 ». D’ici à cette échéance, le gouvernement a annoncé l’ouverture de 3 000 salles de cinéma. Suite à cette annonce, 20 000 emplois sont créés. On devrait méditer cette donnée par chez nous où on aime fermer et détruire !
Mais le cinéma, c’est aussi un vecteur de transformation sociale. Et pour qu’il soit efficace, il est nécessaire, ajoute Ahmed al-Mulla, de garantir« un niveau élevé de liberté d’expression (…) de la mise en scène des femmes à la liberté d’aborder différents sujets ». Là aussi, c’est à méditer par chez nous !

La semence et la semonce. Amira, le film de l’Egyptien Mohamed Diab, a été déprogrammé du festival saoudien après avoir été retiré de la compétition pour le meilleur long-métrage étranger aux Oscars où il devait représenter la Jordanie. Le film, qui avait été sélectionné à la Mostra de Venise, aborde le délicat sujet des enfants de prisonniers palestiniens nés d’une insémination artificielle avec du sperme sorti clandestinement des prisons israéliennes. À partir de ce fait réel, le cinéaste construit une fiction dans laquelle la jeune Amira, croyant être la fille d’un prisonnier palestinien, est en réalité celle de son geôlier israélien.
L’autorité palestinienne a dénoncé « une grave atteinte à la dignité des prisonniers palestiniens » et le Hamas a accusé le cinéaste de rendre service aux sionistes. Dans le même temps, des comités de prisonniers palestiniens ont empêché la diffusion du film, d’abord à Ramallah, puis en Jordanie, relayés par les ultraconservateurs et les islamistes.
Après avoir réalisé des projections privées avec les prisonniers et leurs familles afin d’en discuter, le réalisateur a dû rendre les armes: « Nous considérons les prisonniers palestiniens et leurs sentiments comme une priorité et notre principal sujet, donc toute projection du film sera suspendue. »
Même si le sujet est en soi explosif, ce n’est pas la première polémique contre un film tourné en Jordanie. Chacune des productions jordaniennes suscite la controverse. La Commission royale pour le cinéma en Jordanie a beaucoup investi pour transformer le pays en plate-forme cinématographique internationale, ce qui n’est pas sans générer quelques petits problèmes collatéraux, comme on voit !
Une pensée pour Mounia Meddour. Visiblement, s’enfuyant de son fief le royaume saoudien, le wahhabisme castrateur de liberté de création a trouvé refuge chez nous. C’est à lui qu’on doit le fait que Papicha, le beau film de Mounia Meddour, a connu une carrière pour le moins mouvementée dans son pays. Et c’est pour la même raison que Mounia Meddour envisage de tourner son nouveau film, Houria, ailleurs qu’en Algérie.
A. M.
 

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