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Rubrique Kiosque arabe

Ali, légende et auteur par défaut

Kaboul, ce n'est pas Médine accueillant le prophète de l'Islam avec le chant célébrant son arrivée et la comparant à l'apparition de la pleine lune, un chant de liesse à la gloire de l'Islam. Imaginez une ville que désertent des milliers d'habitants, dont certains ont trouvé la mort en se réfugiant dans le train d'atterrissage d'un avion, en s'accrochant à sa queue, ou mourant écrasés. Kaboul, ce sont les foules apeurées, désemparées, fuyant la ville et les hordes de conquérants, comme nos paysans le faisaient jadis devant les impitoyables envahisseurs hillaliens. Et pour filmer tout cela, les mouvements désordonnés de ces masses déferlant vers l'aéroport de Kaboul et les rues de la ville quasiment désertées à l'exception des guerriers victorieux. Tous les Afghans n'ont pas quitté le pays, bien sûr, et tous les Afghans n'aspirent pas à la démocratie, sinon les Talibans n'auraient pas gagné, et cela nos islamistes l'ont compris. Mieux, ils nous l'ont fait savoir depuis plus longtemps que l'asile et les deniers du culte et de la guerre octroyés par l'avant-dernier sanctuaire du wahhabisme, j'ai nommé l'émirat du Qatar. Ce sont d'ailleurs les médias occidentaux et quelques journaux arabes qui ont mentionné, comme s'il s'agissait d'un fait banal, la présence du numéro deux des talibans à Doha. 
Ils savent aussi qu'à l'ombre de leurs minarets, et surtout de leurs épées, il n'y a rien de bon ni d'enrichissant  à attendre, hormis la culture du pavot, dont ils seraient par ailleurs assez friands. Non ! Kaboul, ce n'est pas Médine, et le sera-t-elle jamais un jour, parce qu'entre les deux villes, il y a beaucoup plus que la distance entre la terre et son satellite, ou du paradis à l'enfer. Comme on est loin du converti Cat Stevens, taliban mondain londonien découvrant Talaâ Al-Badr alayna, pour en faire un succès arabe, sans renier sa Lady d'Arbanville, plus juteux. Je ne sais pas pourquoi, mais en regardant ces images d'Afghanistan, et de l'exode que d'aucuns voudraient massif, parce que ça dessert l'Islam, je me suis mis à fredonner ce chant ancien. On nous avait appris étant enfants et entre deux falaqas, que c'est avec Talaâ Al-Badr alayna que les foules médinoises avaient souhaité la bienvenue au Prophète et à son ami Abou Bakr. Bien sûr, on a appris par la suite à relativiser l'ampleur des mouvements de foules, instruits par les exemples que nous ont offerts dans cette manière d'organiser nos partis uniques. Mais pour les enfants que nous étions, les falaqas n'ont jamais ébranlé notre foi, ni la fierté d'être de cette histoire, de cette culture, écrite et léguée par des hommes qui ont changé le monde. 
Qui ne se souvient pas de cette iconographie consacrée à Ali, cousin du Prophète de l'islam et premier enfant converti, devenu plus tard le redoutable guerrier brandissant son épée à deux pointes? Ali, sa bravoure et sa valeur au combat, qui l'ont propulsé dans le mythe, laissant parfois dans l'ombre d'autres facettes de sa personnalité, comme son côté mystique et sa poésie. À l'instar de nombreux historiens qui ont émis des doutes sur la véracité de certains textes, un confrère égyptien du quotidien Al Misri Alyoum est revenu sur La voie de l'éloquence. Ce recueil de textes, comprenant les sermons, les maximes et les poésies, regroupés sous le titre de Nahdj Al-Balagha, est un des ouvrages de référence de tous les musulmans. L'auteur Mokhtar Mahmoud pose timidement cette question : «L'Imam Ali est-il l'auteur de La voie de l'éloquence», et il rappelle que cet ouvrage aussi a été publié 350 ans après la mort d'Ali. Il rappelle d'abord ce constat, à savoir que c'est le seul des califes bien guidés à bénéficier d'un tel traitement puisqu'aucun des trois de ses prédécesseurs n'a eu droit à ce traitement. Il faut rappeler que l'interdiction édictée par le Prophète de l'islam d'éditer ses faits et dires a été respectée par les bien guidés aussi bien que sous les Omeyyades, jusqu'à Omar Ibn Abdelaziz. 
On peut donc supposer qu'une partie des textes attribués à Ali est apocryphe, tout comme le sont les hadiths attribués abusivement au Prophète, malgré son interdiction d'éditer ses dires. Des historiens ont même retrouvé dans La voie de l'éloquence des poèmes connus de l'imam Chaffeï, l'une des quatre grandes références du sunnisme, né en 767, un siècle après la mort d'Ali. Or, si on tient compte du fait que l'œuvre attribuée à Ali a été éditée deux siècles après la mort de Chaffeï lui-même, on ne peut décemment pas accuser ce dernier de plagier des vers qu'il n'avait pas lus. L'auteur va encore plus loin en citant le célèbre grammairien de Bassorah, Othmane Al-Mazri, presque contemporain de Chaffeï qui n'avait attribué que deux strophes de poésie à Ali. Il faut dire que dans cet art de ramener la couverture à soi en matière de hadiths, les chiites ont fait mieux que Mu'awya, leur ennemi juré avec Les Océans de lumière. C'est un ouvrage monumental qui a été publié en 1690 en Iran sous la dynastie chiite Safavide, et qui comprend 110 tomes de hadiths et textes mythologiques sur l'Imam Ali. Son auteur, Al-Madjlissi, a reproduit toutes les légendes et histoires fabuleuses attribuées à Ali, y compris dans sa relation privilégiée avec Dieu, ce qui a contribué à en faire une quasi-divinité. 
A. H.

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