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Rubrique Kiosque arabe

Chamharouche et les livres qui tuent

En attendant que l’Académie française referme définitivement les guillemets, comme elle vient de le faire avec l’accent circonflexe, certains médias français nous montrent à quoi ils servent. Totalement absents lorsqu’il s’agit d’attentats terroristes sur le sol français, les guillemets réapparaissent, dans d’autres cas similaires, mais dans des pays étrangers, arabes par exemple. C’est le cas de l’attentat à l’explosif commis en décembre dernier contre des touristes vietnamiens à Gizeh, où des terroristes abattus après l’attentat sont devenus des «terroristes». Il est possible que les Egyptiens aient exagéré le nombre (40) de terroristes abattus, mais il est certain aussi que les guillemets expriment le doute sur le nombre et/ou la qualité des tués. Côté arabe, on préfère carrément utiliser les mots terrorisme et terroristes sans les encadrer de guillemets importés, surtout par souci ou par crainte de devoir utiliser le qualificatif islamiste. Toujours en avance sur son temps, la chaîne satellitaire Al-Jazeera a enrichi le lexique avec son innovation «Ce qui est appelé terrorisme», comme pour dire «ce mot n’est pas de nous». Le «neutre» veut nous dire avec des guillemets qu’il ne croit pas du tout à nos histoires hors de France, «l’engagé» ne fait pas encore la différence entre terrorisme et lutte armée. 
Avec sa contribution publiée samedi dernier par le quotidien londonien Al-Arab, l’écrivain Amin Zaoui nous remet dans le contexte du terrorisme islamiste maghrébin. Il s’agit plus précisément de l’abject assassinat, par des fondamentalistes, de deux jeunes femmes scandinaves qui faisaient du tourisme dans une région montagneuse du Maroc. Dans le sillage de ce que fait Islam Behaïri en Egypte, Amin Zaoui dénonce l’influence néfaste de certains livres du patrimoine, qu’il qualifie de «munitions inépuisables» du terrorisme. Il n’y a guère de doute qu’il y a énormément d’argent qui est dépensé pour couver le terrorisme islamiste, ainsi que le financement de ses actions par le biais du blanchiment. Mais avant l’argent, il y a le «marché» des idées, avec certains livres du patrimoine qui sont offerts aux lecteurs de la nouvelle génération et qui encouragent le terrorisme. Et tant que les élites éclairées et laïques de cet ensemble musulman maghrébin resteront muettes et n’oseront pas appeler les choses par leur nom, ces générations successives seront à la merci des livres qui tuent, affirme l’écrivain. Il appartient aux élites maghrébines de répertorier à nouveau ces publications de les classer par ordre d’intérêt et de dangerosité. 
Il y en a qui doivent faire l’objet d’un appel clair et sans équivoque à leur interdiction, et notamment celles qui incitent à la guerre, aux conquêtes, au djihad et au refus de vivre ensemble. Nombre de ces livres sont considérés comme sacrés, alors qu’ils sont l'œuvre d’êtres humains, qui peuvent être dans le vrai comme dans l’erreur. Ce sont des théologiens, qui ont vécu sous la coupe de pouvoirs sanguinaires en majorité et qui ont écrit sous la dictée. Amin Zaoui montre du doigt les livres qui servent à la formation religieuse dans le monde contemporain et qui sont une référence en matière de foi, pour le cœur et l’esprit. Il s’agit des deux «Sahih», celui de Boukhari et celui de Mouslim, ainsi que certains livres sur l’histoire et la Sunna, tels que les chroniques de Tabari et d’autres. Et l’écrivain de lancer un appel à empêcher cette «munition mortelle» de parvenir aux enfants des écoles, aux bibliothèques et aux mosquées. «Si nous n’agissons pas ainsi, sous prétexte de respect des opinions, de la liberté d’expression, ou par peur d’être taxés d’islamophobie, nous serons complices du prochain viol, du prochain meurtre... le silence est complice de l’assassinat. Ceux qui ont tué les deux touristes scandinaves ont été confortés par le contenu de ces livres et par notre silence vis-à-vis d’une idéologie terroriste qui est célébrée sur nos minbars, dans nos écoles, nos universités et nos médias», conclut l’écrivain. 
Sur les causes de cet ignoble meurtre, précédé de viol, précisément, il y a une explication intéressante qu’on peut lire sur le journal électronique marocain Hesspress. Le journaliste affirme que les terroristes qui se sont attaqués aux deux jeunes Scandinaves l’ont fait à proximité du mausolée de Sidi-Chamharouche. Saint vénéré ou roi des djinns, selon certaines croyances, le tombeau est un lieu de pèlerinage pour les localités environnantes et il en vient même de partout au Maroc et au Maghreb. Ironisant quelque peu sur un sujet aussi grave, notre confrère estime que les terroristes qui détestaient ce sanctuaire, croyaient pourtant en l’existence d’une force hostile (un Chamharouche international) qu’ils appellent les croisés. C’est sans doute la croyance en cette force qui a incité des jeunes, pourtant élevés dans les traditions locales, à commettre ce crime. Que Chamharouche ait été un personnage historique ou fabriqué, la croyance en son existence chez les villageois marocains avait au moins l’avantage de les faire adhérer en son pouvoir de guérison. Mais ces jeunes religieux qui pensaient que le pèlerinage à Sidi-Chamharouche est une hérésie en Islam ont causé aux autres, à leurs proches, et à leur pays un dommage considérable. 
Si seulement, ils avaient cru, comme leurs mères et leurs grands-pères, aux bénédictions de Sidi-Chamharouche !», souligne le chroniqueur. 
Alors qu’est-ce qui constitue une plus grande offense à Dieu ? La visite d’un mausolée, au nom d’une piété et d’une ferveur naïves, dans l’espoir d’une guérison, ou massacrer deux jeunes filles à proximité ? 
A. H.

 

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