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Rubrique Kiosque arabe

Comment Abdelhalim a détrôné Farid

Les chaînes françaises étant occupées à parler de ce qu'elles ne savent pas, les Algériennes trop affairées à ce que vous savez, il devenait urgent de revenir vers les chaînes égyptiennes. Cela ne veut pas dire que je les apprécie plus que les autres, non, simplement qu'à certaines périodes de l'année, les feuilletons égyptiens et les pièces de théâtre font partie de mes loisirs. Il y a eu un moment où Al-Kahéra Oual Nass, dans ses deux déclinaisons, était ma chaîne satellitaire préférée, parce que ses présentatrices n'avaient pas oublié d'être intelligentes aussi. Mais bien plus que cela, ses animateurs et animatrices recevaient des esprits libres, et contestataires, comme le sont Ibrahim Aïssa, et Islam Behaïri, ou Khaled Mountassar, entre autres. Puis, la chaîne est rentrée dans le rang, elle a opté pour le Kachir dirions-nous ici, et les trois compères se sont éparpillés ensuite entre les autres chaînes du paysage audiovisuel arabe. Aux dernières nouvelles, Ibrahim Aïssa qui a fait aussi du cinéma, comme scénariste et acteur, est sur l'américaine Al-Hurra, Behaïri sur TEN, et Mountassar a disparu de mes radars. Je vous parle d'Al-Kahéra Oual Nass parce qu'elle m'a surpris à deux reprises en une seule soirée, et ça fait beaucoup.
La première surprise figure en haut et à gauche de l'écran, et elle proclame «La Nouvelle République» qui en plus d'être le titre d'un journal algérien reprend aussi un slogan de chez nous. On savait que l'Égypte était un gros emprunteur sur les marchés financiers, mais comme ce pays reste notre modèle de base, on était loin de se douter qu'il allait nous imiter à son tour. Désireux d'en savoir plus, j'ai alors décidé de vérifier sur les autres chaînes s'il s'agissait d'une campagne nationale égyptienne, eh bien non, ce slogan est exclusif et on ne le retrouve nulle part. Retour à Al-Kahéra.O.N, pour faire court, après m'être sermonné et interdit désormais de reprocher à nos frères égyptiens de s'être inspirés d'un slogan, dont l'auteur se trouve être des nôtres. La deuxième, et la bonne, surprise, m'a submergé d'émotion avec la rediffusion d'un des grands succès du cinéma à savoir Chare'e Alhob (Boulevard de l'amour) de Abdelhalim Hafez. Je ne l'aimais pas trop au début, celui qui allait être le «Rossignol brun» pour la postérité, je lui préférais un Farid Al-Atrache, loin d'être un don Juan avec ses lèvres en lame de couteau. Ça ne l'empêchait pas d'embrasser ses partenaires entre deux chansons, oui mes jeunes amis, en ce temps-là, les baisers sur le front étaient aussi rares que le sont les vrais de nos jours. 
Mais si j'avais cette préférence pour Farid, à ce moment-là, c'est que j'ignorais un détail fondamental, le frère d'Asmahane était un affreux ségrégationniste qui n'aimait pas l'Algérie. C'est du moins ainsi que le voyaient les dizaines d'Algérois en colère qui n'avaient pas du tout apprécié ce grand pont fait à l'Algérie, et entendaient le lui faire savoir à la première occasion. Elle s'est présentée en 1952 dans la salle «Dounyazad» (RIP) archi-pleine de ses admirateurs, et où il avait animé un concert qui ne s'était pas bien terminé pour lui, contrairement à ce qu'il espérait. À la fin de son concert, des spectateurs l'ont bombardé de tomates pourries pour lui rappeler l'injure qu'il avait faite aux Algériens, en omettant de citer leur pays dans une de ses chansons. Il s'agit de son grand succès Bissat-Errih (Le Tapis volant), le moyen de transport magique sur lequel il survolait l'Afrique du Nord, admirait la Tunisie, et le Maroc, en oubliant l'Algérie. Plus grave encore, la chanson qui avait fait le tour du monde avait été reprise dans un film à succès de Farid, qui s'appelait Le dernier mensonge, un titre prédestiné sans doute. J'ai appris tout cela plus tard en découvrant sa photo parmi celles des célébrités de passage en Algérie, et qui avaient séjourné au fastueux hôtel Saint-Georges (aujourd'hui Al-Djazaïr). 
Ulcéré, mais pas autant que les Algériens dont il avait ignoré l'existence, Farid Al-Atrache a quitté l'Algérie sans jamais y remettre les pieds, mais qu'importe, nous avons eu Abdelhalim Hafez. D'où la charge d'émotion à l'évocation de Chare'e Alhob, le premier film égyptien que j'ai vu au cinéma «Nedjma», en Haute-Casbah, après m'être laissé convaincre par un ami, tout nouveau fan de Hafez. Le comble pour un admirateur d'Abdelhalim, c'est de ne rien comprendre aux paroles de ses chansons, mais mon copain qui était né sur les hauteurs de Tizi-Ouzou n'en avait cure. Tout en fortifiant son vocabulaire algérois balbutiant, et frustré du savoir qu'il s'était acharné à manquer à l'école, il s'essayait aussi à l'égyptien, et c'était un régal de l'entendre imiter Hafez. Il faut quand même que je vous parle du film, des chansons que chantait Abdelhalim pour les beaux yeux de la Libanaise Sabah, et des danses lascives de la splendide Nadjwa Fouad. Se partageant entre des scènes de danse, art où elle rivalisait avec Fifi Abdou, et des rôles d'actrice, Nagwa Fouad, aujourd'hui âgée de 78 ans, n'a abandonné la danse qu'il y a 25 ans. Elle avait 53 ans quand elle a arrêté de danser, arguant que la danse avait eu raison de sa vie familiale, puisque soucieuse de conserver sa sveltesse, elle ne voulait pas avoir d'enfants. Avec ses douze maris consommés, et répudiés, ou défunts, Nagwa devrait plutôt parler de vies familiales, sans compter le treizième qu'elle a raté de peu parce qu'elle était déjà prise, et surtout parce qu'elle ne comprenait pas l'anglais. Le prétendant n'était autre qu'Henry Kissinger, le célèbre secrétaire d'État américain, connu pour sa diplomatie très orientée en faveur d'Israël. On comprend mieux aujourd'hui pourquoi Kissinger passait aussi souvent par Le Caire pendant ses fameuses navettes.
A. H.

 

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