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Rubrique Kiosque arabe

La tyrannie où l'on rougit de plaisir

LIl y a des tyrannies qui travaillent la plupart du temps à vous faire oublier que vous vivez sous le joug, qui vous injectent par divers procédés des médicaments contre la douleur de les subir. Ce sont des tyrannies anesthésiantes en quelque sorte et qui vous inoculent même parfois des drogues euphorisantes qui finissent par être addictives et vous réduire à l'état de toxicomanes. Et puis, il y a des tyrannies impitoyables et qui vous font sentir tout le poids de leur emprise sur vous, des tyrannies sadiques qui ne se privent pas de vous rappeler que votre vie ne vaut rien. L'exemple le plus frappant, et c'est le cas de le dire, est celui de cette junte éthiopienne qui forçait des familles à payer le prix des balles qui avaient servi à l'exécution de leurs proches. On peut supposer que les cruels dirigeants éthiopiens n'étaient pas les premiers ni les derniers à faire subir ce genre de traitement aux peuples qui avaient eu le malheur de tomber sur eux. Seulement, ce type de cruauté animée par le souci d'épargner les deniers de l'État en faisant payer au peuple les munitions utilisées contre lui par son armée avait aussi ses propres limites. Certes, la junte éthiopienne ne délivrait pas aux familles éplorées un reçu attestant du paiement des frais déchiquetants occasionnés par l'exécution de l'un ou de plusieurs de leurs proches.  
On peut même supposer qu'ils pratiquaient des prix per capita sans pousser l’ignominie (mot labellisé par un frère de président) jusqu'à imposer des tarifs de groupes, à partir d'un certain seuil. Selon moi, les Éthiopiens, dont je rappelle au passage qu'un de leurs dirigeants actuels est détenteur du prix Nobel de la paix, tout en faisant la guerre, ont gardé certaines traces d'humanité. Ils ne sont pas allés, par exemple, jusqu'à exiger des familles de suppliciés une déclaration publique par laquelle elles auraient remercié la junte pour son sens rare de la justice. Pire: imaginez que la famille d'un exécuté soit contrainte de faire une déclaration encore plus immonde par laquelle elle déclarerait n'avoir rien à voir avec les actes de leurs parents. Le coup de grâce en somme si jamais leur proche qui a subi une justice sommaire n'avait pas été tué sur le coup. Mais il était dit que la junte éthiopienne, tout comme d'autres tyrannies allaient faire école, et de la pire des manières, comme en témoigne le sort de l'opposant saoudien Jamal Khashoggi. Entré au consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre 2018, pour des formalités administratives, Khashoggi n'en est jamais ressorti puisqu'il y a été assassiné de la pire des manières. 
Il a été prouvé par la suite que c'est un commando saoudien qui a été dépêché sur place pour accomplir la sinistre besogne, et il l'aurait fait sur ordre du prince Mohamed Ben Salmane (MBS). C'est du moins la version la plus vraisemblable et la plus crédible, puisque corroborée par les services de renseignement américains et confirmée par le gouvernement américain. Ce qui est invraisemblable et hallucinant, c'est que malgré les accusations portées contre lui, l'héritier du trône d'Arabie Saoudite a reçu avec tout le tapage possible l'un des fils de la victime. Bien sûr, la rencontre s'est déroulée selon le protocole en usage et comme si MBS n'avait rien à voir avec le meurtre d'Istanbul, et qu'il s'associait simplement au deuil de la famille. Seconde mort de Jamal Khashoggi illustrant de façon beaucoup plus dramatique un proverbe national qui parle de celui qui a volé (le troupeau) avec le loup et qui a pleuré avec le berger. Bien sûr, le Président américain refuse toujours de traiter directement avec MBS, par souci de soigner son image et celle des États-Unis d'Amérique soucieux des droits de l'Homme. Mais il en va autrement dans les faits, puisque l'Arabie Saoudite reste la pièce maîtresse du dispositif américain mis en place par Washington avec les accords d'Abraham, au profit d'Israël. 
La Turquie a poussé des cris d'orfraie après l'assassinat d'Istanbul et l'atteinte à l'orgueil d'Erdogan, mais les relations avec l'Arabie Saoudite reposent sur un même socle, et restent donc stables. Troisième mort de Jamal Khashoggi, dont le dossier est définitivement enterré, alors qu'on ne connaît pas encore de sépulture à sa dépouille éparpillée. On peut en dire autant du sort réservé à Basma Bent Saoud, princesse et cousine de Mohamed Ben Salmane, emprisonnée sans jugement sur ordre de son cousin pendant près de trois ans. Gravement malade, Basma n'a dû sa liberté qu'à la pression des organisations humanitaires, sans compter que sa détention était un vivant démenti aux réformes annoncées par MBS. Cette femme d'affaires de 57 ans à la langue trop bien pendue avait sollicité en vain la clémence du roi Salmane, arguant d'une maladie grave qui pouvait être mortelle. Plus grave encore, sa fille aînée avait subi le même sort qu'elle, et elle avait été détenue jusqu'au 8 janvier dernier, date annoncée de leur libération. Et que fit Basma dès qu'elle eut retrouvé ses enfants et sa famille ? Elle s'empressa de remercier le roi Salmane, ainsi que le prince héritier et son geôlier, pour l'avoir sortie de la prison où ils l'avaient jetée il y a près de trois ans. Voilà encore un régime où il est de tradition de tendre l'autre joue après une gifle royale, et d'embrasser la main qui vous gifle, sous peine de connaître un sort encore pire. 
Pour mériter les faveurs du roi, il faut rougir de plaisir quand il vous gifle, et en réclamer davantage. Finalement, dans le wahhabisme aussi, tendre l'autre joue est un acte de foi.
A. H.

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